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Nouvelle indignation néo-calédonienne à l’annonce d’une visite du Contre-amiral fidjien


Nouvelle indignation néo-calédonienne à l’annonce d’une visite du Contre-amiral fidjien
NOUMÉA, lundi 10 juin 2013 (Flash d’Océanie) – La visite annoncée du Contre-amiral Premier ministre fidjien Franck Bainimarama, à partir du 17 juin 2013, à l’occasion du sommet des dirigeants du Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL), qui se tiendra en Nouvelle-Calédonie, a suscité ces derniers jours une nouvelle indignation de la part du député de cette collectivité d’outremer, Philippe Gomès.
Dans un communiqué, ce dernier indique avoir, tout comme en 2012, saisi le ministre français des affaires étrangères afin de lui demander de faire en sorte que M. Bainimarama, qui a mené un putsch en décembre 2006 et dirige depuis le gouvernement, n’obtienne pas de visa français d’entrée en Nouvelle-Calédonie.
M. Bainimarama a été annoncé comme le représentant de son pays à l’occasion de ce 19ème sommet des dirigeants du Groupe Fer de Lance (qui rassemble, outre le mouvement indépendantiste néo-calédonien FLNKS, Fidji -qui a assuré la Présidence ces deux dernières années-, les îles Salomon, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Vanuatu.
Lors du sommet du GMFL, les États membres sont représentés par leur chef de gouvernement.
Lors de sa venue en Nouvelle-Calédonie, pour ce sommet organisé par le FLNKS, en tant que membre du GMFL (ni la France, ni le gouvernement de Nouvelle-Calédonie ne sont membres de ce groupement subrégional fondé en 1988 en soutien au mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie), le Contre-amiral doit notamment participer à un temps fort : la passation de la Présidence au FLNKS et à celui que le mouvement a désigné pour assurer cette présidence en personne : Victor Tutugoro.

« Je souhaite, par la présente, vous faire part de ma totale désapprobation en ce qui concerne cette visite. J’avais déjà alerté votre prédécesseur, en mars et en avril 2012 (…) Or, le processus démocratique, qui devait conduire à la rédaction d’une nouvelle Constitution en 2013 et à l’organisation d’élections générales en 2014, est en panne », affirme l’élu de Nouvelle-Calédonie, qui cite notamment en exemple le processus actuel d’élaboration de la Constitution et de consultations publique concernant ce document, ainsi que les libertés syndicales et de la presse.
« C’est pourquoi, je vous demande de bien vouloir rejeter toute demande de visa d’entrée émanant de M. BAINIMARAMA », conclut M. Gomès, adversaire politique de longue date de l’actuel Président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Harold Martin, qui dirige une autre composante de la droite locale et anti-indépendantiste locale.
Le gouvernement fidjien et le Contre-amiral, qui le dirige, annoncent depuis juillet 2009 la tenue d’élections censées marquer le retour à la démocratie au cours du dernier trimestre 2014.
Auparavant, ils déclarent leur intention d’avoir doté cet État d’une nouvelle Constitution (la précédente ayant été abrogée en avril 2009), tout en poursuivant en parallèle un processus d’enregistrement électronique des électeurs et de nouvelles règles d’inscription pour les partis politiques.
Jusqu’ici, quatre partis ont satisfait à ces nouvelles conditions en vue de présenter des listes aux législatives.

Le Contre-amiral a déjà obtenu, ces dernières semaines, un visa pour la France, à l’occasion de déplacements pour prendre livraison des deux premiers Airbus A-330 de la compagnie aérienne internationale Air Pacific, appelée dans les prochains jours à prendre le nom de Fiji Airways.
À Toulouse, outre les rencontres avec la direction d’Airbus, il avait aussi tenu des entretiens avec la compagnie ATR, dans la perspective d’acheter, pour la desserte aérienne locale et régionale, trois nouveaux appareils turbopropulseurs.
Lors de ces déplacements en France, toutefois, le Contre-amiral n’a pas eu de contacts officiels avec le gouvernement français.
Le point de vue de Paris, récemment exprimé par l’Ambassadeur de France à Suva, est de considérer que les élections législatives annoncées parle Contre-amiral auront bel et bien lieu en temps voulu.
Le diplomate estimait mi-avril 2013 que a promesse de retour de Fidji à la démocratie est « crédible ».
« Après, il faudra voir de quelle démocratie il s’agit. Avec l’Union européenne, on est très vigilant et on le fait savoir aux autorités fidjiennes. Tout le monde pense aujourd’hui qu’il y aura bien des élections en 2014, surtout maintenant que le Commodore a annoncé sa candidature », confiait-il dans une entrevue accordée au quotidien Les Nouvelles Calédoniennes.
Quant à savoir sur quel type de démocratie ce scrutin pourrait déboucher, il a ajouté que « Disons qu’elle sera très certainement assez encadrée… ».

Par ailleurs, la perspective d’une visite de M. Bainimarama en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre d’une réunion « multilatérale » dans laquelle la France n’est pas partie prenante, ne semblait pas, en début de semaine, constituer un motif d’opposition ou de rejet de visa, apprenait-on lundi de source diplomatique.
Dans ce contexte, une demande de visa émanant de l’homme fort de Suva pourrait être suivie d’une réponse positive.

Précédent projet « reporté »

Un précédent projet de visite de la part de M. Bainimarama en Nouvelle-Calédonie, annoncé par le Groupe Fer de Lance en juin 2012, avait été « reporté ».
Cette mission, dans sa configuration initiale, prévoyait que cette délégation mélanésienne soit conduite par le Contre-amiral.
Dans sa configuration définitive, mi-août 2012, la mission du GMFL a certes eu lieu sous présidence de Fidji (qui assure actuellement la Présidence du GMFL), mais de son chef de la diplomatie, Ratu Inoke Kubuabola.
Officiellement, le Contre-amiral « n’était pas disponible » pour mener la délégation en Nouvelle-Calédonie, affirmait alors Suva.
Le premier projet de visite, sous la houlette du Contre-amiral, avait été annoncé pour fin juin 2012.
Mais la visite avait ensuite été « reportée », Fidji et le siège du GMFL à Port-Vila citant comme principale cause le fait que des « évolutions politiques » étaient entre-temps intervenues dans le paysage néo-calédonien.
Parmi ces évolutions : le fait qu’un ancien Président de gouvernement de Nouvelle-Calédonie et chef de file du parti Calédonie Ensemble, Philippe Gomès, ainsi que Mme Sonia Lagarde, du même parti, ont tous deux été élus députés à l’Assemblée Nationale française à l’issue des législatives de juin 2012.

Dès les premières annonces concernant ce projet de visite du GMFL, en mars 2012 (après le sommet des dirigeants de ce groupement subrégional, à Suva), M. Gomès, s’était positionné en fer de lance d’une opposition locale au fait que le dirigeant fidjien conduise ce groupe mélanésien dans le cadre de cette mission en Nouvelle-Calédonie.
M. Gomès avait alors saisi le ministère français des affaires étrangères de l’époque, Alain Juppé.
Lors d’une visite à Paris, début juillet 2012, dans le cadre de leur nouveau mandat électif, les deux nouveaux députés avaient par ailleurs rencontré des responsables du nouveau gouvernement français pour réitérer, entre autres sujets, leur opposition à ce projet de mission GMFL menée par le Contre-amiral fidjien.
M. Gomès avait toutefois souligné que ce n’était pas la mission GMFL en elle-même qui faisait problème, mais le fait qu’elle soit conduite par « quelqu’un qui a conquis le pouvoir par la force des armes en dehors de tout respect des échéances démocratiques ».
M. Gomès, lors de la visite de la mission GMFL en Nouvelle-Calédonie, avait dans un premier temps déclaré son intention de rencontrer ce groupe.
Mais ce projet de rencontre avait finalement tourné court, l’intéressé évoquant des motifs « logistiques ».
En visite à Paris lui aussi début juillet 2012, Roch Wamytan Président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et membre du FLNKS, lors d’un passage au Quai d’Orsay (ministère français des affaires étrangères) recevait lui aussi confirmation que la notion d’une mission en Nouvelle-Calédonie du GMFL, si elle était conduite par le Contre-amiral fidjien, ne se situait pas dans le domaine de l’acceptable.
Le « report » de la mission du GMFL en Nouvelle-Calédonie, annoncé fin juin 2012, avait suscité une visite à Port-Vila (Vanuatu, siège de cette organisation), puis à Suva, de la part de Victor Tutugoro, membre du bureau politique du FLNKS.
Lors de son passage à Suva, M. Tutugoro avait alors reçu des « assurances » de la part du Contre-amiral concernant l’engagement du GMFL sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie.

Le sujet s’était aussi invité lors des célébrations de la fête nationale française du 14 juillet 2012, à Suva.
Lors de la réception donnée à cette occasion par l’ambassadeur de France, Gilles Montagnier, ce dernier avait consacré une « parenthèse » dans son discours officiel à un rappel du principe de non-ingérence.
« La France, grâce à ses trois collectivités territoriales, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française et Wallis et Futuna est un pays du Pacifique Sud », avait-il alors rappelé.
« À ce sujet, j’ouvre une parenthèse et je dis solennellement ceci. Dans ces trois collectivités existe un débat politique, comme dans toute démocratie. Ce débat est un débat de politique intérieure française et doit être considéré comme tel par nos amis. Si, un jour, ces collectivités devaient revoir leurs relations avec la France, ce serait sur la base d’un vote majoritaire des populations concernées, sur le principe que reconnaissent toutes les démocraties, ‘un homme, une voix’ et non sous la pression de tel ou tel pays ou de tel ou de tel groupe de pays », avait-il ajouté.

pad

Rédigé par PAD le Lundi 10 Juin 2013 à 05:09 | Lu 951 fois