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Nouvelle-Calédonie: les sénateurs s'accordent sur le corps électoral pour le futur réferendum


Paris, France | AFP | mardi 13/02/2018 -Qui pourra voter pour le référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie? Les sénateurs se sont accordés mardi sur sur la délicate question de la composition des listes électorales, permettant notamment l'inscription d'office d'électeurs supplémentaires pour ce rendez-vous historique prévu d'ici novembre.

Le vote solennel interviendra mardi prochain. Le projet de loi sera ensuite débattu à l'Assemblée nationale du 13 au 15 mars.
Le sujet peut paraître anecdotique, puisque qu'environ 11.000 personnes sont concernées par ces inscriptions d'office sur un corps électoral référendaire évalué autour de 158.000 électeurs.
Mais la question complexe de la composition du corps électoral pour le référendum d'autodétermination est politiquement sensible dans ce territoire, malgré les accords de Matignon (1988), signés par le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou et le leader loyaliste Jacques Lafleur qui avaient mis fin aux violences des année 1980 entre les communautés Kanak et d'origine européenne, puis l'accord de Nouméa qui a instauré une décolonisation progressive et posé les bases du référendum.
Ce texte de loi organique traduit dans le droit l'accord politique entre non-indépendantistes et indépendantistes arraché le 2 novembre dernier à Matignon par le Premier ministre Édouard Philippe, lors d'un comité des signataires de l'accord de Nouméa (1998), au cour duquel toutes les parties s'étaient prononcées en faveur de mesures pour élargir la liste électorale et "garantir la légitimité et la sincérité des résultats" du référendum.   
Il "ne modifie pas le corps électoral, dont la composition répond à des critères fixés en 1998", a indiqué la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, mais "ne traite que la question de l'inscription d'office d'électeurs remplissant a priori les conditions pour participer au scrutin, avec comme finalité d'inscrire le maximum d'électeurs potentiels" sur la liste électorale référendaire.
Dans le détail, le texte propose d'abord de mettre en place une "procédure exceptionnelle d'inscription d'office" sur les listes électorales générales pour tous les électeurs non-inscrits qui "ont leur domicile réel dans une commune de la Nouvelle-Calédonie ou qui y habitent depuis six mois au moins".
En vertu des critères déjà fixés, une fois présents sur la liste générale, les Kanaks ayant un statut civil coutumier (organisation sociale traditionnelle) rejoignent sans condition la liste spéciale pour le référendum.
 

- Bureaux de vote délocalisés -

 
Le texte prévoit ensuite d'inscrire sur cette liste électorale spéciale les "électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux (...) dès lors qu'ils y ont été domiciliés de manière continue durant trois ans". 
Pour ceux-là, "l'inscription d'office n'est pas automatique", c'est-à-dire que "l'inscription ne pourra être refusée que par l'État au vu de certains fichiers dont le principal est celui de la Sécurité sociale", a précisé le rapporteur (LR) Philippe Bas.
Environ 7.000 personnes de statut civil coutumier (kanak) et 4.000 de droit commun sont concernées par ces nouvelles dispositions. "Le travail se poursuit pour affiner" ce chiffre, a indiqué la ministre.
Le texte prévoit aussi de créer des bureaux de votes délocalisés pour permettre aux électeurs des communes des îles autour de la Grande Terre (Belep, île des Pins, et les îles Loyauté de Lifou, Maré et Ouvéa) de voter à Nouméa sans avoir à recourir au vote par procuration, qui sera par ailleurs mieux encadré.
Deux amendements sur le financement de la campagne référendaire et le temps de parole ont été adoptés.   
Au delà de l'aspect technique, la plupart des sénateurs ont souligné la nécessité que l'issue du scrutin ne réveille pas les tensions entre indépendantistes et non-indépendantistes.
Le sénateur de Nouvelle-Calédonie Gérard Poadja (UDI), a défendu, très ému, la paix "qui, trente années durant, au travers des Accords de Matignon et de Nouméa, nous a permis de bâtir un vivre ensemble calédonien où chacun, quelle que soit son origine ethnique, a appris, au fil du temps, à comprendre et à respecter l’autre".
Le sénateur (LR) de Nouvelle-Calédonie Pierre Frogier a jugé que le texte "devrait contribuer à rendre ce scrutin incontestable", mais il a plus largement déploré "l’ambiguïté dans la manière dont l'État aborde cette consultation", regrettant qu'il soit "le seul dont l'avis (sur l'indépendance) n'est pas connu". 

Peut-on parler de "peuple calédonien"? Le sujet fait débat au Sénat

Peut-on parler de "peuple calédonien"? La formule, employée par Édouard Philippe lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie en décembre, a fait débat, mardi, au Sénat, lors de l'examen d'un texte sur la question des listes électorales pour le référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.
Le sénateur LR de Nouvelle-Calédonie Pierre Frogier a lancé les hostilités, juste après avoir indiqué qu'il voterait le projet de loi sur les listes électorales. 
"L'essentiel n'est pas là", a-t-il dit, regrettant qu'en décembre "le Premier ministre (ait) dit que le +peuple calédonien+ s'exprimerait +souverainement+ lors de la consultation. Les mots ont du sens : que le Premier ministre évoque un peuple calédonien distinct du peuple français, un peuple par surcroît appelé à s'exprimer souverainement, ce n'est pas une maladresse, mais c'est un gage aux indépendantistes", a-t-il déploré. 
La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, lui a répondu un peu plus tard qu'elle "ne recul(ait) pas devant la notion de peuple calédonien. Il est la conséquence de la notion de citoyenneté calédonienne", a-t-elle souligné, s'assurant les protestations du député.
Le rapporteur LR du projet de loi, Philippe Bas, est alors monté au créneau: "Nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie sont des citoyens français. Ils sont citoyens de Nouvelle-Calédonie, citoyens français, citoyens européens. De la même façon qu'on peut être citoyen européen sans qu'il existe un peuple européen - personne ne le conteste, on peut être citoyen calédonien sans qu'il existe de peuple calédonien", a-t-il analysé. 
"Ce n'est pas une opinion politique, mais la réalité du droit constitutionnel", a-t-il insisté. 
"Il n'existera, juridiquement, de peuple calédonien que si les Néo-Calédoniens votent l'autodétermination et que la Nouvelle-Calédonie est reconnue, internationalement, comme un État - ce que ne manquerait pas de faire la France." Mais sans cet acte, parler de peuple calédonien, c'est exprimer un point de vue politique", a-t-il affirmé.
"Oui, a rétorqué", Mme Girardin, "utiliser le mot +peuple+ relève d'une position politique. Le président Larcher l'a fait... Mais nous y reviendrons".
Lors de son déplacement, Édouard Philippe avait notamment déclaré devant le Congrès de Nouvelle-Calédonie que c'était "au "peuple calédonien" de se prononcer. Une formule qui avait notamment réjoui les indépendantistes, comme Louis Mapou, chef du groupe UNI-FLNKS, qui avait salué cette "référence au peuple calédonien, plutôt rare de la part d'un haut responsable de la République".

le Mercredi 14 Février 2018 à 06:03 | Lu 1287 fois