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Nobel de médecine: le couple Moser, deux Curie du Grand Nord


OSLO, 6 octobre 2014 (AFP) - S'ils font généralement tout ensemble, May-Britt et Edvard Moser, les "Curie norvégiens", étaient à des centaines de kilomètres l'un de l'autre quand ils ont appris lundi qu'ils avaient remporté le Nobel de médecine.

Travaillant tous deux à l'Université de Trondheim (ouest), où ils dirigent de concert deux institutions, les Moser ont été récompensés, conjointement avec leur mentor, l'Américano-Britannique John O'Keefe, pour leurs recherches sur le "GPS interne" du cerveau, plus précisément les cellules qui aident à s'orienter.

En réunion quand l'appel de Stockholm est tombé, May-Britt, 51 ans, a failli ne pas décrocher: "En général, je ne réponds pas si je ne connais pas le numéro. Là, je me suis dit que je devais faire un effort mais je n'avais pas du tout en tête quel jour on était...", a-t-elle confié à l'AFP.

"Je me suis enfermée dans mon bureau et (l'Institut Nobel suédois) m'a dit de quoi il retournait. Je me suis mise à pleurer, j'étais sous le choc".

Son époux Edvard, d'un an son aîné, était, lui, dans un avion pour l'Allemagne. Interloqué par les quelque 150 courriels reçus le temps d'un Oslo-Munich, il n'a réalisé que lorsqu'un représentant de l'aéroport et un autre de l'Institut Max Planck lui ont annoncé la nouvelle.

Un gros siècle après Pierre et Marie Curie, récompensés du prix de physique en 1903, les Moser sont le cinquième couple de l'Histoire à recevoir conjointement un Nobel, et les premiers Norvégiens couronnés du prix de médecine.

Nés sur deux îles différentes dans des familles sans tradition académique, May-Britt et Edvard ont fréquenté le même lycée. Mais c'est pendant leurs études à l'université d'Oslo que naît la relation. Et qu'ils se décident ensemble à étudier les neurosciences.

C'est aussi ensemble en 1988 qu'ils font le siège pendant plusieurs heures du bureau d'un professeur renommé de la discipline, Per Oskar Andersen, qu'ils finissent par convaincre de les prendre sous son aile.

- 'Mentor fantastique' -

L'idée: étudier le rôle de l'activité de certaines cellules nerveuses dans le comportement des animaux. Jusqu'où pouvait-on amputer l'hippocampe, région du cerveau associée à la mémoire, avant qu'un rat ne puisse plus se souvenir de son environnement?

S'appuyant sur les travaux sur les "cellules de lieu" identifiées par M. O'Keefe, leur colauréat auprès duquel ils ont étudié, les Moser finissent par découvrir un second type de cellules agencées en réseau, les "cellules grilles".

Né en 1939 d'immigrés irlandais de New York, John O'Keefe a obtenu son doctorat au Canada, puis fait carrière en Angleterre. Edvard le décrit comme un "mentor fantastique".

Réalisée en 2005, la trouvaille des Moser leur vaut une certaine notoriété. Il n'est pas rare qu'ils posent dans les médias en compagnie de rats, partenaires indispensables de leurs expériences.

Membre dans sa jeunesse de la Ligue de protection des animaux, May-Britt affirme traiter les cobayes comme "des animaux de compagnie". "Je travaille assez intensivement pour que les animaux aient la meilleure vie possible", affirmait-elle au magazine Teknisk Ukeblad en 2011.

Malgré leur exposition médiatique, les deux chercheurs étaient à cent lieues de s'attendre à remporter le Nobel. "Honnêtement, nous savions que notre candidature avait été proposée", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Mais nous sommes encore extrêmement jeunes" pour décrocher un prix dont les lauréats ont en moyenne 58 ans.

Pas question maintenant de relâcher l'effort. "Ils disent que leur laboratoire est leur troisième enfant", s'esclaffait lundi Isabel, une des deux filles du couple.

Rédigé par () le Lundi 6 Octobre 2014 à 05:51 | Lu 341 fois