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Néonicotinoïdes: comment un couac électronique a parasité le vote du Sénat


Paris, France | AFP | mercredi 28/10/2020 - Une fausse manoeuvre pour un bref coup de théâtre: une erreur de manipulation du scrutin électronique est venue parasiter mardi soir l'adoption par le Sénat, après l'Assemblée nationale, du projet de loi permettant la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles pour sauver la filière betteravière.

Une "erreur de bouton" sans conséquence, puisque le texte a finalement été adopté en première lecture dans la nuit par 184 voix pour, 128 contre et 28 abstentions, ouvrant la voie à son adoption définitive rapide.

Mais pendant plusieurs heures, il s'est retrouvé amputé de son article principal après une fausse manoeuvre du groupe centriste lors d'un vote au scrutin électronique, technologie introduite au Sénat il y a seulement un an, mais qui n'avait pas donné lieu à des incidents majeurs jusqu'ici.

Le vote portait sur trois amendements identiques de la gauche, profondément hostile au projet de loi, visant à supprimer purement et simplement son article-clé. La majorité de droite, largement favorable à la réintroduction dérogatoire des néonicotinoïdes, devait rejeter ces amendements, quand bien même quelques voix dissidentes se sont fait entendre en son sein.

Coup de théâtre à l'énoncé du résultat : les amendements de suppression ont été votés à une voix près (159 voix contre 158). 

Le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a aussitôt demandé un second vote, ou "seconde délibération", sous les exclamations de la gauche, "afin de s'assurer que le vote, à une voix près, était bien exprimé et n'est pas dû à une mauvaise manipulation".

Le groupe centriste avait malencontreusement inversé les votes pour et les votes contre.

Un "coup de théâtre fugace" donc, selon l'écologiste Jacques Fernique.

"L'erreur est humaine"

"L'erreur est humaine", reconnaîtra un peu plus tard Cécile Cukierman (CRCE), regrettant toutefois qu'elle ait empêché la gauche de défendre ses autres amendements sur l'article.

Conformément au règlement, l'examen de la suite du texte s'est ensuite poursuivi, la seconde délibération ne pouvant intervenir qu'avant le vote final sur l'ensemble.

L'opération a quand même nécessité une petite gymnastique législative : le gouvernement a dû présenter un amendement pour rétablir l'article premier. Deux amendements qui n'avaient pas pu être discutés ont été réintégrés, dont un de l'écologiste Joël Labbé visant à inclure dans le conseil de surveillance mis en place par le projet de loi des représentants d'associations de défense des consommateurs et du ministère de la Santé.

L'amendement du gouvernement a été voté, à main levée cette fois, et l'article dûment rétabli avant l'adoption de l'ensemble du texte.

Le vote "à main levée" - où chaque sénateur présent vote en levant la main à l'appel du président de séance "pour", "contre" ou "abstention" -  est la règle dans la très grande majorité des cas.

Le "scrutin public" est "de droit" dans un nombre très limité de votes. Pendant très longtemps manuel, avec des bulletins de vote déposés dans des urnes, il est aujourd'hui informatisé. 

Il peut être demandé par le gouvernement, le président, la commission ou encore un président de groupe, pour responsabiliser le vote, puisqu'il permet de connaître la position individuelle de chaque sénateur. Ce fut le cas mardi soir, à la demande du groupe PS.

Il est aussi utilisé quand la majorité se sent numériquement insuffisamment représentée dans l'hémicycle, puisqu'il permet aux absents de voter.

Le Sénat autorise le vote de groupe, un seul élu pouvant voter pour ses collègues, selon les consignes qu'ils ont laissées, à partir d'un terminal dédié dans l'hémicycle. C'est la manipulation de cet outil - qui se présente comme une tablette - qui est à l'origine de l'erreur mardi soir.

le Mercredi 28 Octobre 2020 à 05:27 | Lu 282 fois