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Natalia Germain, générosité et solidarité


Tahiti, le 22 décembre 2021 - Elle a créé le collectif Ohana en 2012. Pendant des années, elle a récolté, rassemblé, trié puis distribué des jouets le 25 décembre. De nombreux enfants de Tahiti mais aussi des îles ont profité de cette initiative. L'épidémie a mis en sommeil les actions du collectif, mais elle n'a pas éteint la flamme de Natalia Germain.

Le 21 décembre, l'équipe du Shinetari, renforcée par des bénévoles de divers horizons, a offert 150 repas. Ce dîner caritatif a été animé par une chorale et des jeux ont été organisés. Natalia Germain y a participé, heureuse et, d'une certaine manière, soulagée. Elle a pu donner sans avoir à tout gérer. "Cela fait du bien que quelqu'un d'autres organise l'initiative." Elle a aidé à la mise en place de l'événement et a pu récolter de quoi constituer des petits paniers cadeaux à distribuer le jour J. Celle qui a fondé le collectif Ohana n'est plus aussi souvent sur le terrain, mais elle ne reste pas inactive. Ce mardi, elle était ravie.

Des études à Paris

Natalia Germain est née à Tahiti en 1986. Elle a obtenu un diplôme d'études universitaires générales (Deug) en Polynésie puis est partie à Paris, à la Sorbonne, pour poursuivre sa formation. Elle a suivi des études de commerce international. "Je m’imaginais pouvoir un jour faire la promotion de la Polynésie à l’international."

Un concours pour intégrer le corps d’État en Polynésie s'est présenté. "Je m’y suis inscrite, car au fond de moi je voulais avant tout trouver un boulot stable, au fenua, pour être là si un jour mes frères étaient dans le besoin, si mes parents disparaissaient." Les frères de Natalia sont beaucoup plus jeunes qu’elle. "Ça n’a pas été facile", admet-elle. "J’ai dû prendre des cours de droit, j’ai donné des leçons de ‘ori tahiti pour me les payer." Passionnée de taekwondo et de 'ori tahiti, elle a longtemps évolué dans la troupe Tahiti Ora de Tumata Robinson. Elle a fait trois Heiva et plusieurs tournées au Japon et en France. Elle a fini par mettre de côté ses loisirs pour pouvoir se consacrer à son travail, Ohana et ses enfants.

Devenue greffière, elle a travaillé sept ans au tribunal pour enfant. Là, elle a pu se rendre compte du quotidien parfois extrêmement difficile de certaines familles. Ce qui est venu renforcer ses élans de générosité. Elle voulait faire plus pour eux et leur famille.

Depuis toujours, à la maison, elle trie ses affaires pour ne garder que l'essentiel et donner ce dont elle n'avait pas vraiment besoin. "Ma nounou était de Taunoa, je donnais mes jouets, ddes couvertures pour le quartier." Elle ne vivait pas "dans une famille riche", précise-t-elle, mais sous l'impulsion de ses parents, elle a vite pris conscience qu'il fallait partager. "Mon père était pêcheur, et quand il ramenait plus de poissons que ce dont nous avions besoin, il distribuait ce qu'il pouvait autour de chez nous."

Ohana, son premier bébé

Natalia Germain a aidé l'Ordre de Malte, servi des repas aux sans domicile fixe, donné ce qu'elle pouvait aux enfants de foyers qu'il lui arrivait de visiter dans le cadre professionnel. Elle s'est investie doucement mais surement puis complètement dans son propre projet, Ohana. Elle a l'habitude de dire que Ohana est son "premier bébé". Elle insiste : "J'ai fait le choix de ne pas monter une association, car je veux montrer qu'on peut tous, avec de bonnes volontés, faire des choses sans avoir besoin de structure formelle." Elle encourage tout le monde à s'y mettre, sans attendre.

Ohana signifie "famille" en hawaïen. C'était le nom de la pirogue sur laquelle Natalia Germain a organisé une journée récréative un jour sur le lagon pour des enfants. De fil en aiguille, en plus de trier ses propres affaires, elle a sollicité ses proches, famille et amis, pour augmenter les dons. Elle a attiré auprès d'elle de plus en plus de bénévoles qui ont décidé un jour d'aller distribuer, le 25 décembre, tout ce qui avait été récolté. La première fois, c'était en 2012.

Au fil des ans, Ohana a rallié de plus en plus de partenaires en plus des généreux donateurs (de Polynésie, mais aussi de Métropole, du Japon, de Nouvelle-Zélande) : des entreprises privées, le tribunal de Papeete, le haut-commissariat. Les bénévoles ont pu récupérer des jeux, des vêtements, des équipements, des vélos, des peluches, des livres... La collecte, chaque année, démarrait plusieurs mois avant Noël, le temps de trier, réparer parfois au besoin. Le collectif a pu distribuer les dons à Tahiti, mais aussi dans les îles.

Des étincelles dans les yeux

En 2016 par exemple, le collectif avait récolté 22 bennes de 4x4 de dons. Il était allé à Huahine, Mopelia et Maupiti. Les dons étaient arrivés peu avant le jour J, par bateau. Natalia Germain garde un souvenir ému de la distribution. "À Maupiti notamment, on a fait le tour de l'île à pied, les bennes nous suivaient, on faisait du porte à porte. La chaleur des habitants des îles est incroyable. Ils n'attendent rien, ils ont un toit, ils pêchent, ils ne manquent de rien, ils étaient vraiment heureux de recevoir des jouets ou autres, ils avaient des étincelles dans les yeux, c'était magique !" Une année, des dons sont partis en bateau pour les Marquises. La distribution s'est faite sans les membres du collectif. "On a reçu en retour un gros sac de pamplemousses qu'on a partagé au sein du collectif", raconte Natalia Germain.

La dernière distribution a eu lieu en 2019 à Paea. "Avec le Covid, on n'a plus fait de grandes collectes, ni de distributions. Avec toutes les restrictions, c'est devenu difficile", explique Natalia Germain qui peut, désormais, passer Noël dans sa propre famille. Elle a elle-même deux enfants. Elle reçoit encore de nombreux appels de gens qui veulent aider, mais ne savent pas comment s'y prendre. Natalia Germain continue à donner des conseils, des idées, de l'énergie, du temps. Elle est désormais greffière au service de l'application des peines. Mais elle ne peut arrêter, malgré un emploi du temps chargé, de participer à des actions solidaires de temps en temps. "Je crois qu'on n'arrête jamais ce genre de choses."

Au cours de ces années d'engagement avec le collectif Ohana, elle a pu constater que certaines personnes "n'ont plus l'habitude de recevoir. Il a fallu parfois que l'on explique que l'on n'attendait vraiment rien en retour". Elle revient sur une anecdote. Une famille avec un bébé à qui elle offert un berceau qu'elle avait récupéré. "Ils pensaient que c'était payant." Natalia Germain remarque aussi que ces derniers mois, la solidarité est grandissante. Une heureuse nouvelle à la veille de Noël.



Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 22 Décembre 2021 à 19:06 | Lu 2260 fois