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My dear Miss Tahiti, par Manuarii Teauroa


Tahiti, le 15 décembre 2021 - Il travaille dans l’ombre, mais ses créations, elles, sont en pleine lumière. Samedi dernier, Manuarii Teauroa a pu montrer tout son talent à la France entière grâce à l’élection de Miss France. Il a conçu, dessiné et réalisé le costume régional de Miss Tahiti. Son rêve ? Que sa marque, My Dear Tahiti soit reconnue à l’international.

Il lui a fallu quelques jours pour imaginer la robe régionale portée par Miss Tahiti à l’élection de Miss France puis en dessiner le croquis. “Il me fallait prendre en compte la mise en valeur de la silhouette de notre miss”, explique Manuarii Teauroa. “Du côté pratique à l'habillage jusqu'à la facilité à défiler sur scène”, précise-t-il. Il fallait que Tumateata Buisson soit à l'aise et confortable, tout en défilant des escaliers jusqu'au podium. En plus, Manuarii Teauroa a cherché à se démarquer de la meilleure des manières : “Tant dans le modèle, la couleur, les matières, qu’en suivant les dernières tendances du moment, c'est très important”.

Il a choisi de s’inspirer des couleurs du fenua, “un rouge vif, qui va très bien au teint de notre miss, une robe sirène pour allonger et souligner sa silhouette”. Le “ape” a été à la base de la confection. “C'est une feuille que l'on retrouve sur tous les motifs et textiles de notre culture. Elle représente très bien notre connexion avec la nature, le respect de l'environnement et notre patrimoine culturel et végétal”. Un kimono aux couleurs du drapeau polynésien est venu rajouter du volume et de la fluidité à la tenue, “comme ses larges robes purotu qui mettent bien en valeur le corps des vahine.

 

Côté matière végétale, il a choisi les graines de pipitio des Marquises, et les pupu des Australes qu’il a cousues sur des épaulettes afin de donner “de la tenue, de l'attitude et un côté plus contemporain”. Du more rouge a été ajouté en bas de cette robe sirène pour “un effet plus élégant, gracieux, aérien, et plus star”.

Manuarii Teauroa a créé la tenue végétale de Tumateata à l’élection de Miss Tahiti. Il a remporté le premier prix. Dans cette continuité, le comité de Miss Tahiti l’a encouragé a déposé ma candidature au concours de créateurs organisé par le comité Miss France pour la tenue régionale. “J’ai donc suivi cet engouement ! Il me tenait à cœur d’accompagner Tumateata dans ce concours très important, notre duo avait très bien fonctionné pour Miss Tahiti même avec la distance Tahiti-Paris”. Ce qui inaugurait une suite possible. Manuarii Teauroa a été sélectionné. Il a dû consacrer des journées entières et vivre plusieurs nuits blanches pour pouvoir, ensuite, fabriquer la robe. Un délai d'un mois a été octroyé par le comité Miss France. “Il a fallu nous organiser pour l'achat des matériaux à Tahiti, l'envoi de Papeete à Paris, et la réalisation à distance.
 

Un métier et une passion

Je suis un oiseau polyvalent, un grand rêveur, qui as toujours besoin de plus, de plus grand !”, décrit Manuarii Teauroa. Il est entré dans le monde professionnel dès l'âge de 15 ans dans l'hôtellerie et le tourisme international. Il a étudié et obtenu une licence en hôtellerie. Il a travaillé dans les plus beaux hôtels de la Polynésie, et à l'étranger : à Cannes notamment, dans le sud de la France ou bien encore en Suisse. “Les voyages que j’ai vécus très jeune m’ont donné beaucoup d’assurance, et m’ont forgé dans mon caractère et ma personnalité. Cela m’a appris à vivre seul en étant loin de mes proches et de ma famille. Mais j’étais l’oiseau qui a su prendre son envol pour vivre ses rêves”.

Paris “sur un coup de tête”

A 28 ans, il a quitté son fenua pour “tenter ma chance dans la mode”. Il a pris la direction de Paris “je l’avoue, sur un coup de tête ! " Le soir de Noël en 2017, il rêvait à sa vie en 2018, se disant que c’était le moment de vivre ses rêves ! Un ami lui a parlé d’une école prestigieuse, Esmod. “Il me l’a décrite comme étant le Poudlard de la mode, m’a bien précisé que les inscriptions étaient hors de prix et que les admissions étaient sous formes d’examens. Ils n’acceptaient dans cette école que l’excellence de l’excellence, les meilleurs. C’est ce qui m’a attiré.”

En janvier 2018, il a démissionné de son poste, en mars 2018 il a pris l’avion. “C’est sur place que je réalise que les examens d’entrée à Esmod n’étaient qu’en mai. J’ai donc travaillé dans une conciergerie privé le temps des examens.” Les cinq examens étaient étalés sur cinq semaines. Et, après beaucoup de patience et persévérance, il a reçu une réponse favorable à sa demande d’inscription. “J’étais le tout premier Polynésien”, se rappelle Manuarii Teauroa. Il a suivi un programme de deux ans condensés en un, “intense”. Il a ensuite enchaîné avec une dernière année de spécialisation en création scénique. “J'ai appris la confection de costumes d'époque, les costumes de scène et du spectacle.” Aujourd'hui, il est diplômé “Styliste & Modéliste” de mode.
 

Je n'ai pas toujours choisi mon métier, j'ai envie de dire que j'ai toujours suivi mon cœur, mon instinct en voulant toujours repousser mes limites. Ma mère m'a toujours appris à faire ce qui me plaît vraiment. Aujourd'hui je garde un pied dans l'hôtellerie, et un pied dans la mode, je garde ainsi les pieds sur terre et la tête dans les étoiles.”

Manuarii Teauroa vit à Paris depuis quatre ans, dans le 16e arrondissement. “J’adore cette ville ! Capitale de la mode, c’est une ville lumineuse qui a beaucoup d’histoire, de culture, très attractive, on n’a pas le temps de s’y ennuyer. C’est une ville également cosmopolite où l’on vit avec des gens venus du monde entier. J’ai aujourd’hui des amis autant français qu’internationaux, et je peux voyager et découvrir l’Europe très facilement.”

Il est chef de réception dans un hôtel. Sur ses jours de congés, il lui arrive de travailler en tant que costumier pour des comédiens et acteurs. Il accepte aussi des commandes de robes de mariées. “Je m'organise comme je peux. Concrètement, je me lève à 5 heures du matin. Je prends le métro à 6h30 pour commencer le travail à 7h30. Je termine à 18 heures puis, à mon retour à la maison vers 19 heures, je m’installe derrière ma machine à coudre et ce jusqu'à l'heure où mon corps m’arrête, qu’il me dise ‘stop’”.

“C’est incroyable !”

Il y a trois ans, il a créé sa marque My Dear Tahiti. Il peut compter sur ses proches lorsque c’est nécessaire comme le styliste Karl Wan de la marque Arona Paris.

Son objectif en créant des vêtements est de faire rêver et de rendre l’impossible possible ! Il veut susciter des émotions, “J’aime autant émouvoir qu’impressionner.” Il aime mettre en valeur la femme dans toutes ses formes et leur dire que “oui, toi aussi tu peux porter une robe digne de ta personnalité ou des grands contes de fées, de manière contemporaine avec les codes polynésiens”.

Ce qu’il vit est “encore mieux que ce que je m’étais imaginé en arrivant à Paris, parce qu'aujourd'hui j'ai atteint tous mes objectifs avec en plus ma place sur la scène de Miss France 2022. C'est incroyable !” Il espère que son parcours pourra inciter d'autres jeunes à partir “pour grandir”, à partir “pour vivre leur rêve et vivre une aussi belle expérience que la mienne”.

Demain est un autre jour, mais Manuarii Teauroa a des rêves. Il veut créer sa propre marque à l’international pour encore plus d’impact, que ses robes fassent rêver et rendent fiers les Polynésiens. La mode fait également passer des messages, “elle défend de belles causes”. Elle permet aussi de promouvoir les richesses et la culture polynésiennes.

Je veux être l’inspiration de tous ces jeunes qui voient grand, leur montrer que c’est possible ! Peu importe d’où l’on vient, de la plus éloignée des îles ou du plus petit quartier, on devient quelqu’un si on se donne les moyens, avec beaucoup de courage, de détermination, et de volonté.”


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 15 Décembre 2021 à 17:05 | Lu 3047 fois