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Michel Onfray raconte les "Marquises après les Marquises"


PAPEETE, le 6 février 2018 - Le philosophe et essayiste Michel Onfray s’est rendu aux Marquises en mai 2016. En juillet de la même année suivait une série dans le magazine Le Point. Des vidéos étaient présentées sur le site internet de l’hebdomadaire. Il signe chez Gallimard Le Désir ultramarin - Les Marquises après les Marquises qui vient de paraître.

C’est l’histoire d’un philosophe et essayiste, Michel Onfray, qui suit Victor Segalen, "un écrivain breton, dépressif et opiomane, élevé dans les préceptes d’une religion catholique qu’il ne cessait de rejeter" comme le lecteur peut le découvrir sur la quatrième de couverture de Le Désir ultramarin – Les Marquises après les Marquises. Cet écrivain breton a lui-même marché dans les pas de Paul Gauguin jusqu’à Hiva Oa.

"Gauguin comme Segalen, au cours de leurs séjours polynésiens, semblent se débarrasser des oripeaux judéo-chrétiens pour accéder à une autre forme d’être au monde, plus vraie, amorale, harmonieuse. À travers les récits de ses deux grands prédécesseurs, Michel Onfray retrouve dans le contact avec la nature primitive l’esprit d’un régime libidinal proprement libertaire. Ce texte fort mêle de façon convaincante le récit de voyage, concret et sensuel, et la réflexion sur la vie et la mort des civilisations." C’est ainsi que le dernier ouvrage de Michel Onfray est présenté. Il vient de paraître chez Gallimard.

Pour le rédiger, Michel Onfray s’est rendu à Tahiti, Makatea, Bora-Bora, Tikehau et Hiva Oa en 2016. Il revient sur son séjour.

Tahiti Infos : Comment avez-vous "vécu" les Marquises?
Michel Onfray : "Comme une expérience existentielle s’il me faut utiliser un gros mot philosophique… L’île est une configuration géographique et géologique, chacun le sait, mais c’est aussi une configuration spirituelle. Toute sortie de l’île est problématique, coûteuse et ne s’improvise pas. On est un peu assigné à résidence, ce qui crée un type particulier d’enracinement qui génère toujours pour l’îlien un mélange d’amour et de haine. Pour ma part, je l’ai vécu presque comme un repérage pour une vie en dehors de l’Europe le jour où l’heure vient de ne plus penser qu’à soi…"

Tahiti Infos : Vous parlez, concernant Gauguin et Segalen "d'une autre forme d’être au monde, plus vraie, amorale, harmonieuse", et vous, comment voyez-vous la Polynésie en général, les Marquises en particulier ?
Michel Onfray : "Je suis allé sur plusieurs îles à Tahiti, Makatea, Bora-Bora, Tikehau, Hiva-Oa et c’est à chaque fois une autre façon d’être au monde parce que la géologie, la géographie, décident d’une histoire. L’atoll à fleur d’eau n’est pas l’île surgie de la mer pour constituer une falaise de 80 mètres qui n’est pas non plus le volcan éteint autour duquel se construit l’île. Mais il est vrai que la christianisation du Pacifique et le tourisme de masse ont beaucoup contribué à la planétarisation qui unidimensionnalise la vie. J’ai pu ici ou là, cependant, parler avec tel ou tel qui me faisait des confidences et m’assurait qu’il existait des lieux de résistance cachés des circuits touristiques dans laquelle vivait encore un peu du monde d’avant…"

Tahiti Infos : Le décalage d'hier entre la France et les Marquises est-il le même que le décalage d'aujourd'hui? Si oui, de quelle façon?
Michel Onfray : "L’uniformisation qu’impose le capitalisme avec sa religion de l’argent a beaucoup détruit. Mais il existe des lieux où l’on peut encore mener une vie de Robinson Crusoé en vivant la vie philosophique du « décroissant ». Il faut pour ce faire être en paix avec soi-même et les lieux y invitent : la lumière y est une bénédiction qui chauffe la vie et tout ce qui est vivant."

Tahiti Infos : Quel a été l'élément déclencheur, pour vous ? Celui qui vous a mené vers la "terre des hommes".
Michel Onfray : "Un désir d’enfant qui, vivant en Normandie, rêvait sur ces contrées inatteignables de plages de sable blanc et de cocotiers, de ciel toujours bleu et de soleil insolent ; puis un désir d’adolescent d’aller sur les traces du poète Victor Segalen ; enfin une volonté d’adulte de faire plaisir à cet enfant et à cet adolescent qui sont restés vivants en moi en réalisant leurs rêves…"

Marquises et …décadence

Victor Segalen, Paul Gauguin, Nietzsche, Jacques Brel…Ils ont tous croisé un jour la route ou le souvenir des îles Marquises. Ces cinq archipels de la Polynésie française furent découverts à la fin du XVIe siècle, mais ils sont habités depuis 150 avant Jésus-Christ. Leur apogée puis leur décadence, les cultes dédiés à des dieux païens, leur civilisation ont interrogé Michel Onfray. Le philosophe s'est rendu sur son confetti de France de 997 km2 perdu en plein Pacifique. Il en est revenu avec six épisodes d'une série dans laquelle il sera autant question de religion que d'athéisme, de paganisme que de philosophie, de grands explorateurs que de civilisations disparues, de populations autochtones que d'artistes immortels, de nature luxuriante que de modernes projets.

Onfray réfléchit sur la question de la décadence. Comment naît, vit puis meurt une civilisation ? Peut-on restaurer une civilisation qui s'effondre ? Peut-on préserver sa mémoire ? De ses leçons du passé, l'auteur du Traité d'athéologie tente d'esquisser des solutions qui puissent s'appliquer aujourd'hui et demain à la France et à l'Europe.

Le magazine le Point a diffusé des textes et des vidéos de cette réflexion en juillet 2016.

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 6 Février 2018 à 16:32 | Lu 4310 fois