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Mélanésie: Malaises politiques en série.


Mélanésie: Malaises politiques en série.
SUVA, mardi 14 décembre 2010 (Flash d'Océanie) – Le cours des événements politiques, ces derniers jours, en Mélanésie, s’est quelque peu précipité, touchant successivement Vanuatu, les îles Salomon et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Lundi, suivant un scénario déjà largement esquissé au cours des jours précédents, le Premier ministre papou Sir Michael Somare annonçait sa décision de se mettre à l’écart provisoirement, le temps qu’une enquête ouverte à son encontre pour non déclarations multiples de ses revenus au cours des années 1990, suive son cours.
Cette enquête a été initiée par les bureaux du Médiateur de la République, dans le cadre des lois papoues sur le code de conduite des dirigeants et de son pouvoir d’autosaisine.
Au cours des jours précédents, M. Somare, via ses avocats, avait tenté d’obtenir un jugement temporaire des tribunaux afin de différer la nomination de ce qui devrait devenir un tribunal des dirigeants, sur une base ad hoc.

Double vacance papoue

Toutefois, dès la semaine dernière, M. Somare avait pris les devant en procédant à un remaniement ministériel surprise, qui a vu notamment, concernant le portefeuille de Vice-Premier ministre (et donc appelé à prendre les rênes du pays en cas d’absence ou d’empêchement du chef du gouvernement) le remplacement de M. Don Polye, jugé peu fiable, par son fidèle ministre des affaires étrangères, Sam Abal.
En faisant cette annonce, celui qui est considéré comme le père de l’indépendance papoue a néanmoins estimé qu’il était victime d’une « grossière injustice ».
Quasi-simultanément, en fin de semaine dernière, la cour Suprême papoue rendait une autre décision lourde de sens : l’invalidation de l’élection de Sir Paulias Matane, qui avait été reconduit à ce poste hautement symbolique, équivalent d’un chef d’État dans ce pays du Commonwealth (où le gouverneur Général est le plus souvent le représentant officiel de la Reine Elizabeth II d’Angleterre).
Après un très court intérim assuré par Paul Tiensten, c’est, conformément aux ordonnances de la Cour, Sir Arnold Amet, nommé la semaine dernière Attorney General (chef des services juridiques du gouvernement et garde des sceaux), juge de carrière, qui assure désormais ces fonctions.
La Cour avait estimé en substance que la reconduction de Sir Paulias Matane, en juin 2010, pour un second mandat, n’était pas régulière et était donc de ce fait nulle et non avenue.
Conformément aux ordonnances de ce jugement, vendredi 10 décembre 2010, le Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée doit maintenant être convoqué avant le 20 janvier 2011 avec pour ordre du jour l’élection d’un nouveau Gouverneur Général.
D’ores et déjà, l’opposition papoue n’a pas caché sa joie à la perspective de cette nouvelle session, qui lui permettra de déposer à nouveau une motion de censure, comme ce fut le cas en juillet 2010.
M. Somare, doyen des hommes politiques papous (74 ans) avait alors échappé de justesse et l’une des dernières grandes figures historiques du paysage postindépendances du Pacifique insulaire, en avait alors réchappé de justesse.

Aller-retour au gouvernement salomonais

Entre-temps, toujours en Mélanésie, aux îles Salomon, les récentes tentatives de la part du nouveau Premier ministre Danny Philip de se débarrasser des membres de son gouvernement considérés comme corrompus, ont finalement échoué : le ministre Bodo Dettke, d’abord limogé de son poste de ministre des forêts pour son implication dans une affaire de trafic d’influence (il est lui-même propriétaire d’une société forestière) a été promptement réintégré en milieu de semaine dernière, après ce qui a été décrit comme une « cérémonie coutumière de réconciliation » entre les deux protagonistes.
Seule concession de la part de M. Dettke : il a accepté de réintégrer le gouvernement à un autre poste, ayant désormais en charge le portefeuille des pêcheries.
Interrogé peu après cette cérémonie par la presse locale, M. Philip s’est montré catégorique : « comme vous le savez, dans la coutume, après la réconciliation, il est tabou de parler des choses du passé », a-t-il asséné au quotidien local Solomon Star.
Le second ministre ayant récemment quitté le gouvernement, l’ancien chef de guerre Jimmy Lusibaea dit « Rasta » du temps de ses heures belliqueuses, tente entre-temps de faire un come-back en multipliant les demandes de remise en liberté sous caution, avec la bienveillance implicite du gouvernement.
Il vient d’être reconnu coupable d’agression à main armée sur un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions et a condamné à trente trois mois de prison ferme.
Il se trouve toujours en détention.
Les dernières audiences afin d’examiner une nouvelle demande ont toutefois été reportées, cette semaine, à Honiara : l’avocat de M. Lusibaea, l’Australien Robert Cavanaugh (par ailleurs rattaché au bureau gouvernemental des avocats publics des îles Salomon) s’est déclaré incapable d’assurer la défense de son client, pour raison de santé.
Après quoi, en début de semaine, il a subitement quitté l’archipel à bord d’un vol régulier à destination de l’Australie.
Depuis, le gouvernement salomonais visiblement courroucé, n’a pas caché qu’il tentait d’obtenir les explications et les éclaircissements les plus rapides possibles de la part du bureau de l’avocat public.
Alfred Sasako, porte-parole du gouvernement salomonais, n’a pas hésité à laisser entendre mardi, au micro de Radio New Zealand International, que le juriste australien aurait pu faire l’objet de « pressions ».
L’avocat a jugé utile, depuis, de publier un long communiqué dans lequel il explique que sa principale motivation était d’effectuer les examens appropriés à son état, en l’occurrence une alerte cardiaque toute récente.
Par ailleurs, toujours aux îles Salomon, le concept d’une rencontre extraordinaire entre dirigeants des pays membres du Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL, Vanuatu, Papouasie-Nouvelle-Guinée, îles Salomon et Fidji, plus le mouvement indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie) semblait toujours prévue pour avoir lieu en milieu dans la capitale salomonaise, sur le mode réconciliation entre Fidji et Vanuatu.

Motion de censure à Vanuatu

Le Premier ministre de Vanuatu, Edward Natapei (depuis renversé par une motion de censure) avait, fin juillet 2010, refusé de passer la présidence tournante de ce groupement à Fidji, comme l’indiquait l’ordre de rotation.
Il invoquait alors des conflits entre le fait que Fidji soit dirigé par un Premier ministre militaire après un putsch, en décembre 2006.
Les dirigeants du GMFL ont, depuis, tenté de se réunir à plusieurs reprises, mais à chaque fois, les réunions ont dû être reportées.
En fin de semaine dernière, la police salomonaise annonçait un dispositif de sécurité renforcé dans la perspective de la réunion d’Honiara.
En théorie, le nouveau Premier ministre de Vanuatu, Sato Kilman devrait y participer.
Le Contre-amiral Premier ministre fidjien Franck Bainimarama indique depuis plusieurs semaines, s’estimant être l’offensé dans cette histoire, qu’il ne se rendra pas personnellement sur place, mais enverra son ministre des affaires étrangères Ratu Inoke Kubuabola.
Pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les évolutions récentes de la politique local devraient voir, dans le meilleur des cas, la venue de Sam Abal, chef de la diplomatie mais aussi désormais Premier ministre par intérim.

Chamboulements au FLNKS

Dès avant son « retrait provisoire », Sir Michael Somare l’avait en effet désigné comme le représentant papou à la réunion du GMFL.
Alors que les organisateurs salomonais annonçaient la semaine dernière, pour le FLNKS de Nouvelle-Calédonie, son porte-parole Victor Tutugoro, il se trouve aussi que lors de son dernier congrès, il y a quelques jours seulement, le mouvement indépendantiste a sérieusement remis en question cette fonction : le porte-parolat a ainsi été retiré à M. Tutugoro (qui était à ce poste depuis 2001, date à partir de laquelle le FLNKS n’a plus été en mesure d’élire un Président) pour devenir « tournant », entre les différentes composantes de ce mouvement.
Paradoxalement, le seul pays membre du GMFL n’ayant pas connu d’événements instables ces derniers mois est aussi celui réputé le plus turbulent et le moins politiquement correct aux yeux de la communauté internationale : Fidji.

pad

Rédigé par PaD le Mardi 14 Décembre 2010 à 04:37 | Lu 1435 fois