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Mandat d'arrêt contre Edwin Turi


Tahiti, le 16 juin 2021 -- Les gérants du centre d’enfouissement de Hitia’a ont été condamnés en leur absence pour homicide involontaire, hier à Papeete. Un mandat d’arrêt est émis à l’encontre d’Edwin Teraiharoa, avec exécution provisoire de sa peine.


Un mort dans une chute de 25 à 35 mètres de hauteur dans une drague non-conforme, un dossier d’abord classé sans suite et ressorti grâce à une avocate perspicace, Me Nougaro, pour un jugement qui s’est déroulé presque cinq ans après les faits. Le 13 juillet 2016, aux alentours de 6 heures du matin,  la femme d’un employé du centre d’enfouissement technique (CET) de Hitia’a s’inquiète de ne pas voir son mari être revenu à la maison. Elle le contacte plusieurs fois sur son téléphone, en vain, puis se décide à appeler ses employeurs. Le co-gérant l’informe que la drague dans laquelle il travaille s’est retournée, mais il n’aurait pas cherché plus loin.

C’est la famille du travailleur qui se déplace pour constater son état, et finalement découvrir son corps inanimé sur son lieu de travail, en partie recouvert de terre. La fille de la victime témoigne à la barre, toujours émue par ce douloureux souvenir : « Ce qui me fait le plus mal, c’est que c’est moi qui ai déterré mon propre père. C’était le seul parent qui me restait, je n’ai plus que mes parents adoptifs. Je veux que Justice soit faite ». La victime travaillait depuis plus de dix ans dans cette entreprise dirigée par Christine Teraiharoa, sa cousine. Le mari de cette dernière avait commencé à en assurer la cogestion deux semaines avant le drame.
 
Un précédent décès en 2006
 
Un signalement est rapidement fait à l’inspection du travail. « Y avait-il un œil particulier de l’inspection du travail sur cette entreprise ? », demande le président à la représentante de la direction du travail. Manquements divers au code du travail, absence totale d’organisation par le gérant, attitude de laisser-aller sans aucune prise de considération, équipement de travail non-conforme, travail isolé avec de rares rondes pour contrôler le personnel. Dans le cas de la victime, il est constaté qu’elle travaillait parfois plus de 80 heures par semaine, que l’entretien de ses engins de chantier était fait par le salarié lui-même, et que certains de ses revenus n’étaient pas déclarés.

« Seulement deux mois sur douze étaient déclarés à la CPS en 2014, sept mois sur l’année de son décès en 2016 », déclare l’avocat de la famille du défunt, Me Dubois, en insistant sur des conditions de travail « très dangereuses ». La veuve s’exprime également en ces termes, devant les magistrats : « Une fois, nous avons dû débourser plus d’1,2 million parce qu’il était tombé malade et que l’on s’est rendu compte qu’il n’était pas déclaré à la CPS. Il était plusieurs fois seul au travail, et a déjà failli perdre. Plus qu’une main, un autre employé de la CET Hitia’a avait perdu la vie au travail en 2006.
 
 « Un dossier révoltant »
 
Le ministère public requiert des peines de trois ans de sursis probatoire et 3 millions de fcfp à l’encontre d’Edwin Teraiharoa, au casier judiciaire déjà bien rempli. Deux ans de sursis et 2 millions d’amende à l’encontre de Christine Teraiharoa : « C’est un dossier révoltant à double titre. A la fois un homicide involontaire dans une indifférence la plus totale, et un mépris incommensurable pour le travail et la vie des employés ». En défense, Me Millet soutient que sa cliente « n’occupait pas fonctionnellement le statut de chef d’entreprise, donc n’avait pas à faire un contrôle de sécurité sur les travailleurs ». Me Fromaigeat, de son côté, plaide que les faits sont constitutifs d’un « accident, quelque chose d’involontaire qui vient de l’extérieur ». Les deux avocats ajoutent qu’en tant que cousins de la victime, les deux prévenus sont très touchés par la situation.

Le tribunal ira plus loin que les réquisitions de la procureure. Christine Teraiharoa est condamnée à 2 ans de sursis probatoire. Un mandat d’arrêt est émis à l’encontre d’Edwin Teraiharoa, absent à l’audience, qui a dû commencer à purger sa peine mixte de quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis à compter d'hier soir. La SARL est condamnée à payer 10 millions de fcfp d’amende. En ce qui concerne les dommages et intérêts, c’est le tribunal du travail qui sera compétent pour statuer sur le préjudice des ayant-droits. La veuve avait perçu 100 000 fcfp  « d’indemnités » officieuses et tacites de la part des gérants pendant six mois, puis plus rien.
 

Rédigé par Valentin Guelet le Mercredi 16 Juin 2021 à 09:02 | Lu 5501 fois