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Makatea, version nature : des richesses à protéger


Makatea, version nature : des richesses à protéger
PAPEETE, vendredi 26 octobre 2012. La possible réouverture de l’exploitation du phosphate à Makatea (Tuamotu) a fait couler beaucoup d’encre la semaine dernière. Les élus de l’assemblée de Polynésie française ont adopté, le jeudi 18 octobre 2012, qu’une enquête soit menée et surtout financée par le Pays, dans le cadre d’une demande d’exploitation minière à Makatea. Il ne s’agirait toutefois pour l’instant que d’une enquête afin d’autoriser une exploration de l’état de la ressource du phosphate, assurait le ministre de l’environnement Jacky Bryant. Certains élus ont manifesté leur inquiétude d’une reprise de l’exploitation minière. En effet, l’exploitation du phosphate à Makatea jusqu’en 1966 est celle d’un développement rapide de la population de l’atoll au début du XXe siècle et d’un boum économique. Mais le revers de la médaille existe également : l’atoll de Makatea est vite retombé dans un oubli presque complet à partir de 1966, laissant une partie de son paysage dévasté avec des terres rendues inexploitables, parcourues de trous plus ou moins profonds, jonchées de friches industrielles et de matériel divers. L’île ne compte plus aujourd’hui que quelques dizaines d’habitants et la plupart des propriétaires terriens de l’atoll vivent à Tahiti.

Aussi, l’annonce d’une possible reprise de l’exploitation minière et les échos très favorables à ce sujet, du maire délégué de Makatea, à la recherche d’un nouveau souffle pour son île, ont alerté ceux qui voient Makatea autrement. Ce petit atoll de 28 km2 est ainsi un site géologique remarquable : déjà il s’agit d’un atoll soulevé, ce qui est rare dans le monde. Mais aussi, parce que la faune et la flore y sont plus riches que partout ailleurs dans l’archipel des Tuamotu, et que l’on y trouve des espèces endémiques. L’atoll est une zone de nidification des rupe, oiseaux emblématiques de l’île (et espèce protégée). Mieux encore, c’est à Makatea, qu’en avril 2009, a été découvert un genre supposé nouveau de digitale (scrophulariaceae nov.). Certains diront que ces passionnés de «petits fleurs» sont des empêcheurs de tourner en rond, des opposants au développement, mais leur voix doit également être entendue. Ils la portent d’ailleurs cette voix, bien loin de la Polynésie. En 2009, en réaction à des échos (déjà) de nouveaux projets industriels, un courrier était envoyé à l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) plaidant la cause de Makatea et de ses trésors naturels (voir en pièce jointe). Selon une étude d’ingénieurs écologues, commanditée par le Service de l’Urbanisme dans le cadre de l’élaboration du zonage et du règlement du Plan Général Aménagement (PGA) de la commune de Rangiroa, «la richesse de ce patrimoine, particulièrement les forêts naturelles du Sud ouest de l’île et les falaises, justifierait largement son classement en zone de protection du milieu naturel».

Le développement de Makatea doit-il nécessairement passer par une exploitation minière ? Selon Julien Mai, le maire délégué de Makatea aucun projet de reconversion pour son île n’a pu être mené à son terme et avec succès, au cours des quarante dernières années. Au point qu’il pense qu’une «extraction secondaire» pourrait être la seule possible alternative viable, afin de réhabiliter l’île et les anciens sites industriels exploités par la Compagnie française des phosphates d’Océanie (CFPO). Un point de vue qui se défend et qui rejoint d’ailleurs partiellement celui des protecteurs des richesses naturelles de Makatea. «Si le développement de l'atoll aujourd'hui oublié de Makatea est souhaitable, il faut espérer qu'il puisse se réaliser de pair avec la préservation et la mise en valeur de sa flore et de sa faune originales. Il apparaît primordial que tout nouveau projet minier (gravats) ou d’infrastructure tente de réhabiliter en priorité les sites difficilement accessibles comme les zones exploitées par le passé» est-il proposé dans la lettre envoyé à l’UICN. Convergence de vues, même avec des intérêts différents : voilà peut-être enfin l’espoir d’un futur équilibré pour cet atoll…

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La Scrophlariaceae nov. découverte en 2009. (Crédit photo : Fred Jacq)
La Scrophlariaceae nov. découverte en 2009. (Crédit photo : Fred Jacq)

Le Rupe (Ducula aurorae) oiseau aujourd'hui restreint à l'unique île de Makatea (Crédit photo : Fred Jacq)
Le Rupe (Ducula aurorae) oiseau aujourd'hui restreint à l'unique île de Makatea (Crédit photo : Fred Jacq)

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 26 Octobre 2012 à 09:34 | Lu 1937 fois