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Maisons familiales rurales : des "dysfonctionnements" mis au jour


Créé en 1981, le Comité Polynésien des Maisons Familiales Rurales (CPMFR) représente les huit associations MFR auprès de l'Etat et du Pays. Temauri Foster est le président du Comité Polynésien des Maisons Familiales Rurales.
Créé en 1981, le Comité Polynésien des Maisons Familiales Rurales (CPMFR) représente les huit associations MFR auprès de l'Etat et du Pays. Temauri Foster est le président du Comité Polynésien des Maisons Familiales Rurales.
PAPEETE, le 12 mars 2018. La direction générale des finances publiques a rendu un "avis très défavorable" en septembre dernier après avoir réalisé un audit global de structure du Comité polynésien des maisons familiales rurales (CPMFR) et des maisons familiales rurales. La justice s'intéresse de près à ce dossier.

La direction générale des finances publiques a réalisé en septembre 2017 un audit sur le comité polynésien des Maisons familiales rurales et les Maisons familiales rurales.

Les Maisons familiales rurales sont des structures éducatives subventionnées par l'Etat et le Pays qui proposent des formations en vue d'une professionnalisation dans les secteurs agricoles ou des services. Huit établissements de ce type sont en activité en Polynésie française. Constituées sous le statut d’associations (loi de 1901), ces structures disposent d'une grande autonomie de gestion.

Ce document, que nous avons pu consulter, fait apparaître de nombreux dysfonctionnements. Cet audit "a permis de rendre un avis très défavorable", note dès les premières lignes le rapport rédigé par la direction générale des finances publiques qui retrace sur près de 55 pages les dysfonctionnements qu'elle a pu observer.

Pour bien comprendre, il faut savoir que "chaque MFR est responsable de son budget, gère ses immeubles, est responsable de son personnel et répond de ses dettes sur son patrimoine", rappelle l'audit. Pourtant "bien que structuré et se réunissant assez régulièrement, il est constaté que le CPMFR est le véritable décideur dans l'attribution des fonds aux MFR, alors même que ses statuts ne lui en donnent pas le pouvoir, et qu’aucune délégation de mandat à son profit n’a été produite. Ainsi, il est rendu destinataire des fonds de l’État au titre des bourses et du fonds social lycéen avec l'obligation de les reverser aux MFR, selon un tableau de répartition élaboré et fourni par le service de formation et développement (SFD). Or, l'audit a révélé que les fonds ne sont pas intégralement reversés aux MFR. Ainsi, les enfants titulaires de ces bourses n’en sont pas les réels bénéficiaires."

Des subventions de l'Etat et du Pays
Le comité polynésien des Maisons familiales rurales reçoit des subventions de la part de l'Etat et du Pays. Les subventions du Pays atteignaient 87 millions au budget primitif 2017 tandis que 52.5 millions de Fcfp devaient être versés par l'Etat au titre des bourses.
" En ce qui concerne les fonds émanant du Pays, le CPMFR en est destinataire au titre des subventions classe de soutien, transport îles et hébergement. Il doit donc, contre remise de justificatifs des MFR, leur reverser ces fonds. Compte tenu des documents fournis à l'auditrice, la vérification de cette attribution aux MFR n'a pas pu être mise en évidence pour la subvention transport, ni pour aucune des autres subventions pour les MFR de Hao et Rurutu", a constaté l'auditrice. "Toutefois, le Pays est destinataire depuis 2015 des justificatifs de dépense afin de réaliser ses contrôles. Bien que les MFR soient directement bénéficiaires de la subvention de fonctionnement versée par l’État, le CPMFR effectue des avances et opère des retenues sur le compte de chaque MFR, en contradiction avec ses statuts. De plus, le fonctionnement courant du CPMFR n’est pas satisfaisant : les dépenses effectuées ne sont pas toutes appuyées d’un justificatif (facture) et le nombre de retraits d’espèces est très important. "

La direction générale des finances publiques recommandait donc dans la foulée que soit mis en place le contrôle annuel de l'utilisation des fonds versés par l'Etat. Une recommandation qui aurait été actée en conseil d'administration en décembre dernier selon la directrice du CPMFR Eunice Otcenasek, qui malgré notre demande n'a pas souhaité nous communiquer le compte-rendu de ce conseil d'administration.

Parmi les recommandations importantes, la direction générale des finances publiques a insisté sur la nécessité " d'apporter sans délai un soutien comptable". "La comptabilité n’est pas tenue au jour le jour, sur le logiciel dédié", indique le rapport. "La paye est confectionnée puis contrôlée par la même personne. Plusieurs personnes interviennent dans la saisie des opérations de comptabilité. Enfin, les MFR ne sont pas toutes au même niveau en matière de comptabilité et les bilans financiers ne sont pas produits annuellement. En conséquence, il convient d'apporter sans délai un soutien comptable aux MFR ; le cabinet comptable doit être sollicité pour cette opération et le recrutement d'un comptable au siège du CPMFR peut également permettre de renforcer la démarche." Pour exemple, l'audit évoque ainsi "Les chèques (qui) quittent le CPMFR non remplis du montant et/ou du bénéficiaire. Les chéquiers terminés ne sont pas archivés" mais également le fait que "la carte bancaire permettant de réaliser des retraits en numéraire est utilisée par une personne n'ayant pas habilitation au regard des statuts pour intervenir sur le compte bancaire de l'entité".

En réponse, le CRPMF indiquait en septembre avoir "prévu le recrutement d’un agent comptable, une réorganisation de la comptabilité fera partie des décisions qui seront proposées au conseil d'administration". Ce recrutement n'a pas encore été fait. "Nous avons lancé un appel à candidatures", indique Eunice Otcenasek. "Nous avons fait valider cela en conseil d'administration. Au moment où nous avons repris contact avec la personne, elle s'est désistée", explique la directrice avant d'ajouter : "Nous allons refaire le recrutement d'un comptable. Cela est en cours." Selon nos informations, la justice s'intéresse de près à ce dossier.

Eunice Otcenasek, directrice du Comité polynésien des Maisons familiales rurales

"Nous avons mis en place des procédures"

L'audit qui a été réalisé l'an dernier a décrit des "dysfonctionnements".
"Nous avons reçu des recommandations. Nous avons fait nos réponses. Cela a été validé en conseil d'administration en décembre. Nous avons suivi les recommandations. On avait déjà commencé à modifié notre façon de travailler bien avant le démarrage de l'audit en 2016. Il était temps et il fallait le faire. Nous avons effectivement reçu des recommandations et nous avons mis en place des procédures."

L'audit a mis en avant notamment le manque d'un agent comptable. A-t-il été recruté depuis ?
"Nous avons lancé un appel à candidatures. Nous avons fait valider cela en conseil d'administration en décembre. Au moment où nous avons repris contact avec la personne, elle s'est désistée. Nous allons refaire le recrutement d'un comptable. Cela est en cours."

Pourquoi ce recrutement n'a-t-il pas été fait plus tôt ?
"Cela a été une demande. Le conseil d'administration n'a pris cette décision que l'année dernière voilà… (…)"

Dans cet audit, on lit que la carte bancaire du CPMFR a été utilisée le 27 avril 2015 à Besançon à "Kiabi pour 49,49€ (chemises et débardeurs) et à la Halle aux chaussures pour 91,49€ (chaussures, 4 articles)". Le 13 mai 2015, la carte a été utilisée pour régler "des chewing-gum et des cigarettes". A quoi ont servi ces achats ?
"Je ne sais pas… Je découvre…"

C'est écrit dans l'audit.
"Ah, je ne sais pas du tout."

Vous avez lu l'audit, n'est-ce pas ?
"Oui mais j'ai tellement de choses en tête que voilà… Mais vous avez reçu les recommandations et les validations du conseil d'administration."

J'ai lu l'audit mais pas le procès-verbal du conseil d'administration. Est-il possible de le consulter ?
"Je ne peux pas vous donner ce document comme ça."

Rédigé par Mélanie Thomas le Lundi 12 Mars 2018 à 19:00 | Lu 3769 fois