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Magouilles familiales aux aides sociales à la barre


Tahiti, le 18 février 2020 - L’ancienne responsable de la circonscription Punaauia-Paea des affaires sociales et une travailleuse sociale étaient jugées mardi pour avoir accordé frauduleusement un total de près de 3 millions de Fcfp d’aides sociales à des proches entre 2012 et 2014. Le tribunal a mis son jugement en délibéré jusqu’au 3 mars prochain.
 
C’était open bar avec les fonds publics, la main sur le cœur”, a résumé le procureur Monique Rouzaud, mardi à l’issue d’une matinée d’audience correctionnelle entièrement consacrée à une vaste fraude aux aides sociales conduite entre 2009 et 2014 sur la circonscription Punaauia-Paea. A la barre, l’ancienne responsable de cette circonscription des Affaires sociales et l’une de ses ex-agents de terrain qui aurait agi en complicité. Toutes deux sont mises en cause pour le délit d’escroquerie. Il leur est reproché d’avoir fait bénéficier à des proches d’aides indues, tirées sur le fonds d’actions sociales du Régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) : bourses de formation, bons vestimentaires, aides alimentaires, bons de carburant, évacuations sanitaires avec femme et enfant à charge, etc.

Au total, l’enquête administrative conduite en 2015 a pu établir 6,9 millions de Fcfp de préjudice public en six ans.

Les familles étaient toutes éligibles et remplissaient les conditions des aides”, défend l’ancienne responsable.
Ne saviez-vous pas que vous n’aviez pas le droit de valider des demandes émanant de membres de votre famille ?”, l’interroge le président Bonifassi.
Ce n’était nulle part marqué dans le code de déontologie. Je l’ai appris durant l’affaire”, lui répond-elle, avant d’ajouter : “Nous avions tellement de demandes à gérer qu’à l’époque c’était l’usine”.
Mais comment peut-on valider des dossiers sans justificatifs ?”, demande le président.

Mardi, le tribunal s’est penché sur une période de prévention de deux ans, entre 2012 et 2014, les faits plus anciens étant prescrits. La vingtaine de dossiers instruits ont tous en commun d’avoir été validés sans évaluation formelle de la situation des demandeurs. Durant cette période, l’ancienne responsable de circonscription a donné son feu vert pour 2,35 millions de Fcfp d’aides litigieuses en faveur de proches. Son agent de terrain, pour 700 000 Fcfp.

Après avoir évoqué le manque de discernement lié au surmenage, l’ancienne cheffe de circonscription va même un instant jusqu’à affirmer qu’elle n’était pas seule à favoriser sa famille dans l’octroi d’aides. Elle accuse : “D’autres proches de fonctionnaires de la Direction des affaires sociales bénéficiaient également de tout ça”. Le tribunal ne relève pas. C’est hors du périmètre de l’affaire.

Mais la représentante du ministère public n’a pas manqué de le faire dans son réquisitoire. Pour elle, “tout ça laisse penser que la gestion du tout a été discutable à une certaine époque”

Concernant les deux prévenues, le procureur demande au tribunal d’entrer en voie de condamnation pour le délit d’escroquerie. Elle requiert des peines de prison avec sursis mais surtout l’interdiction définitive d’exercer dans la fonction publique à l’encontre des deux femmes. L’ancienne responsable de circonscription a été révoquée de la fonction publique en novembre 2016, après 32 ans de service. Son ex-agent de terrain a échappé à sa révocation à la faveur d’une décision du tribunal administratif. Après avoir purgé une suspension provisoire elle exerce aujourd’hui sur la circonscription de Taiarapu. Le tribunal a mis son jugement en délibéré jusqu’au 3 mars prochain.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 18 Février 2020 à 15:57 | Lu 5062 fois