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Lombalgies, tendinites... Les TMS, un "mal du siècle" encore sous-estimé


Paris, France | AFP | mercredi 22/05/2019 - Dos, cou, épaules, poignets, genoux douloureux: les troubles musculo-squelettiques ou TMS constituent la première maladie professionnelle en France et les nouvelles formes de travail, sous statut d'auto-entrepreneur, en télétravail ou en "flex office", inquiètent les ergonomes.

"C'est la maladie du siècle. Avant, on avait les accidents du travail, qui sont désormais mieux maîtrisés, aujourd'hui on a les TMS", observe Véronique Venet, ingénieur conseil à la Caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France (Cramif), lors d'une conférence au salon Préventica à Paris.
Tous les secteurs sont touchés, du soin à la personne (Ehpad et aide à domicile) au commerce et au secteur du déchet, en passant par le bâtiment et les transports.
Le coût direct des TMS, qui représentent les trois quarts des maladies professionnelles reconnues, est de 2 milliards par an - en indemnités journalières notamment -, mais les coûts indirects seraient deux à sept fois plus élevés en termes de perte de production, d'absentéisme, d'impact sur les autres travailleurs...
"Les TMS sont probablement très sous-estimés, car c'est la personne qui fait la démarche et le salarié a souvent peur de reconnaître sa maladie", estime Véronique Venet.
"Une épidémie", estime l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), consécutive aux "évolutions économiques observées dans les pays industrialisés au cours des dernières décennies".
"Globalisation, flux tendu, polyvalence, juste à temps, flexibilité" ont eu pour conséquence une précarisation des emplois, une intensification des tâches néfastes pour la santé des travailleurs, indique l'organisme dans un guide.
La prévention s'est développée en entreprise, avec la mise au point de matériels adaptés et de formations in situ. La Cramif peut par exemple financer 70% d'un diagnostic en PME dans le cadre de "tmspro", un programme lancé en 2014.
 

- Statuts problématiques -

 
Le vieillissement de la population salariée dans toute l'Europe et la tendance à l'allongement de la durée de vie au travail pour financer les retraites risquent de multiplier les TMS, les salariés âgés étant plus à risque, souligne l'INRS.
D'autre part, les nouvelles formes de travail (travail indépendant, auto-entreprenariat, plateformes...) font peser plus de responsabilité individuelle sur la personne.
"Plus le travailleur est flexible, plus il est fragile et exposé aux risques", estime François Ledard, de l'INRS. "Ces statuts d'indépendants ou d'auto-entrepreneurs sont très problématiques, les gens peuvent avoir des durées de travail extrêmes, se mettre dans des situations dangereuses".
Le télétravail, plébiscité par les salariés, n'enchante pas les ergonomes. "Qui va faire la prévention quand la personne est au domicile?", demande Yannick Benet, du cabinet de formation Néo Forma.
Le "flex office", où le salarié n'a pas de bureau fixe mais installe son ordinateur portable sur un coin de table, lui paraît particulièrement inquiétant. "La vogue du bureau flexible se répand en Île-de-France avec les prix élevés des mètres carrés de bureau, on voit désormais des étages entiers de bureaux vides où les salariés bougent d'un poste à l'autre", observe-t-il.
Difficile dans ces conditions d'adapter convenablement son poste de travail: l'ordinateur portable n'est pas à la bonne hauteur, le siège n'est pas réglé... 
Pour l'ergonome Olivier Raquin, "home office" et "flex office" entrent dans le cadre de l'individualisation du travail et vont à l'encontre du collectif, "qui est une ressource pour le travailleur".
"Très souvent, on attribue les TMS à des causes mécaniques, la répétition des mêmes gestes, mais il y a aussi des facteurs liés à l'organisation des entreprises et des facteurs psycho-sociaux", souligne-t-il. Un climat social apaisé et une ambiance d'entraide entre travailleurs contribuent à prévenir la survenue de TMS.
"Le salarié en flex office change de collègue tous les jours, il ne peut pas développer de relation", observe Olivier Raquin. Lui remarque que des salariés qui avaient opté pour plusieurs jours de télétravail par semaine font marche arrière et réduisent à un jour, "car leurs collègues leur manquent".

le Mercredi 22 Mai 2019 à 05:41 | Lu 551 fois