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Les tatoueurs risquent de se voir interdire la couleur


PARIS, 27 novembre 2013 (AFP) - Finis les tatouages multicolores? Un arrêté ministériel, suspendu jusqu'au 1er janvier, interdit 59 colorants utilisés dans les encres de tatouage, soupçonnés d'être nocifs, une mesure jugée sans fondement par les professionnels qui demandent sa suppression.

"On nous fait le coup du principe de précaution alors qu'on continue à vendre du tabac cancérigène!", s'insurge Tin-Tin, président du Syndicat national des artistes tatoueurs (SNAT) auprès de l'AFP.

"Si l'arrêté est maintenu, ce sont tous les tatoueurs professionnels qui risquent de devoir fermer boutique au profit de tatoueurs clandestins qui officient à domicile et sans aucune précaution sanitaire et qui s'approvisionnent en pigments en Chine mais ne sont jamais inquiétés", a-t-il prévenu, bien décidé à faire reculer le gouvernement.

Tin-Tin a été reçu mercredi par le député socialiste de l'Isère Olivier Véran à l'Assemblée nationale. "Il nous a entendus et s'est montré d'accord avec nos arguments. Il nous a promis d'interpeller la ministre (de la Santé) et les institutions concernées", a expliqué à l'AFP le célèbre tatoueur parisien.

"Il n'y a pas de risque avéré. Aucun lien n'est établi entre le cancer de la peau et le tatouage. C'est en tout cas ce que dit la seule étude qui existe sur le sujet", a-t-il relevé.

Si "d'ici une semaine à dix jours", les tatoueurs n'ont pas de réponse, ils envisagent un recours légal, a-t-il ajouté.

Statut spécial

Selon Tin-Tin, les 3.500 à 4.000 tatoueurs professionnels, déclarés dans l'Hexagone, utilisent "des pigments fabriqués à l'étranger (il n'y a pas de fabricant en France, ndlr) mais étiquetés et vendus en France et parfaitement tracés". En outre, "ces pigments qu'on veut nous interdire ici, ne le sont pas dans le reste de l'Europe", a-t-il déploré.

Les produits de tatouage ont un statut spécial et ne rentrent pas dans la catégorie des cosmétiques. Ils sont considérés comme des "procédés invasifs et au long cours avec effraction de la peau et du derme", réglementés par une législation particulière. Supprimer un tatouage est possible mais requiert plusieurs séances de laser.

L'arrêté ministériel, publié à la demande de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), interdit 59 colorants sur 153 utilisés dans les produits cosmétiques et notamment dans les encres de tatouage "pour des raisons de sécurité".

"Dans la liste des produits interdits dans les tatouages, il y a des colorants qui sont par ailleurs utilisés dans les produits cosmétiques, mais pour lesquels il existe des restrictions: pas à proximité des yeux, pas de contact avec les muqueuses", a expliqué à l'AFP Cécile Vaugelade, directrice adjointe de la direction des dispositifs médicaux thérapeutiques et des cosmétiques à l'ANSM.

Elle a souligné n'avoir "pas de données suffisantes à ce stade pour s'assurer de l'inocuité" des colorants pour encres.

Interrogée sur leur possible caractère cancérigène, Mme Vaugelade a ajouté: "a priori non, elles sont plutôt sensibilisantes ou allergisantes et si des études montraient leur sécurité, on pourrait se reposer la question de l'interdiction".

Elle a affirmé que même si les colorants incriminés sont interdits, les tatoueurs disposeront encore de "27 colorants de couleur rouge, 13 blanc, 13 orange, 12 jaune, 6 noir, 3 violet et 3 brun", autorisés.

"Faux !" dit Tin-Tin, expliquant que les colorants cités ne sont pas utilisés par les tatoueurs car jugés "trop photosensibles".

Les tatoueurs ont obtenu un délai jusqu'en janvier 2014, selon Tin-Tin, afin que "de nouvelles analyses toxicologiques soient menées sur les pigments incriminés".

Dans un communiqué publié en janvier 2013, le Syndicat national des dermatologues (Sndv) avait estimé les encres de tatouages "dangereuses pour la peau" car elles contiennent notamment "des métaux toxiques" et des types d'hydrocarbure dont "la plupart sont cancérigènes".

Il avait alerté sur les "réactions allergiques" et "les risques liés aux problèmes de peau préexistants".

Selon un sondage, cité par les initiateurs du Mondial du tatouage organisé à Paris au printemps, 10% des Français sont tatoués aujourd'hui, dont 20% des 25-35 ans.

Rédigé par Par Sandra LACUT le Mercredi 27 Novembre 2013 à 05:25 | Lu 717 fois