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Les surfeurs de Moorea disent non à la Haapiti Pro 2021


Moorea, le 18 décembre 2020 - Les membres de Aimeho Surf Association, une soixantaine de surfeurs, ont fait part de leur mécontentement vis-à-vis du projet de compétition internationale de paddle surf, la "Haapiti Pro 2021" prévue au mois de septembre 2021, sur le spot de Haapiti. Les membres de l’association fustigent l’attitude du porteur de projet, Christophe Holozet, pour ne pas les avoir consultés et s’inquiètent aussi des impacts négatifs, aussi bien sur l’environnement que sur leurs habitudes lors de leurs séances de surf.
 
Les surfeurs de la Aimeho Surf Association, soit une soixantaine de passionnés de l’île sœur, sont mécontents et le font savoir. Ils viennent d’apprendre, par voie de presse, qu’une compétition internationale de paddle surf, la "Haapiti Pro 2021" est en projet pour le mois de septembre 2021. Une réunion a eu lieu, il y a quelques jours, entre Evans Haumani, le tāvana de Moorea, Ronald Teariki, le maire délégué de Teavaro, Walker Taputuarai, le maire délégué de Haapiti et le porteur de projet, Chistophe Holozet, de QCH Events. Le fait que ce dernier se soit dirigé directement vers les élus de l’île sœur sans passer par l’association Aimeho Surf Association n’est pas vraiment du goût des surfeurs de Moorea.
 
Lors d’une conférence de presse à Haapiti jeudi matin, ces derniers, en faisant part de leur mécontentement, ont exposé les raisons de leur refus catégorique du projet et de toute autre compétition de glisse à Haapiti. Le premier argument avancé est celui des impacts environnementaux en mer, causés par de plus grands afflux de visiteurs et de bateaux, ou sur terre, causés par les projets d’aménagements ou d’infrastructures qui suivront le projet Haapiti Pro 2021. Les surfeurs de l’île s’inquiètent également pour les cétacés, notamment les baleineaux, qui viennent régulièrement se reposer dans le lagon de Haapiti via cette passe tant convoitée. Le deuxième argument mis en avant porte sur le bouleversement qu’une compétition de cette envergure viendrait créer dans les habitudes des surfeurs locaux. Ces derniers veulent absolument garder la tranquillité et le calme de ce site, afin de pouvoir vivre pleinement et simplement leur passion.
 

Manatea Couraud, Président de Moorea Surf Association : "On veut garder la tranquillité"

"L’association Aimeho Surf a toujours été opposée à la mise en place de compétitions de surf à Moorea pour plusieurs raisons. Premièrement, nous voulons protéger les sites de surf autour de l’île et éviter un afflux de bateaux, de personnes… Les compétitions ne sont pas aussi bonnes pour l’environnement. Regardez par exemple combien il y a de bateaux à Teahupoo lors des compétitions. Les problèmes environnementaux vont se créer aussi à terre, car il faut construire une marina pour accueillir tous ces bateaux. Nous voulons aussi éviter la sur-médiatisation des spots qui vont attirer beaucoup de monde. Cet apport de surplus de personnes peut créer des situations de tension dans l’eau surtout lorsqu’on est envahi par beaucoup de personnes. Ce n’est pas ce qu’on souhaite pour les prochaines générations. Regardez le calme qu’on a ici dans le lagon de Haapiti par rapport à Teahupoo. On accepte les touristes et les gens de Tahiti. Tout se passe bien avec eux. Si on veut faire une grosse compétition comme à Teahupoo, tout cet équilibre sera mis à mal. En plus, les baleines viennent ici avec les baleineaux pour se reposer car c’est calme. Idem pour les dauphins. Ils rentrent par cette passe, là où est situé le spot de surf de Haapiti, pour rentrer dans la baie. On veut garder la tranquillité et l’authenticité de cet endroit. C’est ce qui fait le charme de ce site. On souhaiterait participer aux réunions, s’il y en aura d’autres, qui se tiendront avec le maire de Moorea et le porteur de projet. Mais pour nous, ca sera un non catégorique pour ce projet."
 

Philippe Bourligeux, surfeur et ancien compétiteur haut niveau en stand up : "La compétition peut se tenir ailleurs"

"C’est un milieu qui ne vient que pour une semaine mais ne consomme pas localement. Les retombées au niveau économique de cette compétition sur une petite commune comme Haapiti ne valent pas vraiment le coup. La compétition en elle-même peut se tenir ailleurs, comme Tahiti, qu’à Haapiti parce qu’il y a des structures qui sont déjà en place. Il y a par exemple des plates-formes spéciales à Teahupoo ou à Taapuna. Sur le spot de surf à Sapinus, où l’on faisait ce genre de compétition auparavant, ils ont déjà toutes les infrastructures pour accueillir ce genre d’événements. Le fait de découvrir ce projet de compétition dans La Dépêche de Tahiti nous a un peu surpris. Haapiti est une zone moins peuplée que le reste de l’île. Tout le lagon de Haapiti est un sanctuaire pour les cétacés. Je sais qu’il y a un projet d’aménagement du quai qui est dans le tiroir depuis des années. Peut-être que cette compétition sera l’occasion de ressortir ce projet et d’inscrire cette compétition au calendrier des grands événements sportifs du pays. Pour pratiquer la discipline depuis des années, c’est trop facile de prendre les vagues. Imaginez que tous les stands up paddlers de la planète viennent surfer à Haapiti. Nos jeunes n’auront plus de vagues."
 

Hiro Kelley, membre fondateur de Aimeho Surf Association : "On sait qu’il n’a pas contacté la fédération de surf"

"Christophe Holozet n’a pas changé. En 1994, il a voulu bouger la première compétition Gotcha Pro (qu’il a organisé) de Teahupoo à Temae en raison d’un maraamu à Teahupoo. Sans nous contacter, il est passé par le ministre Reynald Temarii, le président du gouvernement et l’ancien maire de Moorea qui lui ont tous donné leur accord. Il a voulu outrepasser l’avis d’une population et passer aux forceps par la politique. Mais on a eu de la chance que quelques surfeurs de Moorea, qui étaient dans l’organisation de monsieur Holozet, lui ont dit que ce serait compliqué pour lui d’organiser cette compétition à Temae. Aujourd’hui, il fait exactement la même chose pour sa compétition à Haapiti. On sait qu’il n’a pas contacté la fédération de surf. Quel culot de voir le maire avant même la fédération. C’est cette dernière qui pourrait lui donner une autorisation par rapport à la délégation publique, les subventions… Il ne respecte personne. Vous avez vu aujourd’hui que pour les surfeurs de Moorea, qui sont unis, c’est un non catégorique pour ce projet de compétition à Haapiti."

Heifara Dutertre, membre fondateur de Aimeho Surf Association : "Qu’on nous respecte et qu’on nous laisse tranquilles"

"Si on avait voulu faire du business comme ce projet de compétition de Haapiti, on l’aurait déjà fait. Mais on s’est mis tous mis d’accord pour ne pas le faire à Moorea. On est content de venir surfer et d’apprécier nos vagues tranquillement, sans être embêtés. On accepte et on tolère les gens. Mais qu’on nous respecte et qu’on nous laisse tranquilles. Il y a quelques années, des Hawaiiens voulaient lancer un projet de surf camp ici. L’association Aimeho Surf Association s’est alors créée et s’est mobilisée pour contester. L’association, qui continue d’exister, est désormais gérée par les jeunes générations. On va nous vanter les impacts économiques de ce projet de compétition à Haapiti. Mais il n y a que quelques personnes qui bénéficient de l’impact économique de la compétition de surf à Teahupoo. Tout le pognon va à Billabong ou au nouveau sponsor, c’était à Gotcha auparavant. C’est eux qui récupèrent tout l’argent. Vous ne pensez pas qu’ils pourraient aider à sponsoriser les Polynésiens afin d’aller surfer à l’étranger ? Il n'y a rien de leur part mais par contre, ils gardent tout le pognon. Si les habitants de Teahupoo sont contents de l’impact économique de la compétition internationale de surf là-bas, c’est leur problème. Mais nous, on n’en veut pas ici."
 

Christophe Holozet, organisateur de la Haapiti Pro 2021 : " Personne ne peut outrepasser le maire qui a l’autorité sur le lagon"

"Ce projet est une demande des tāvana de l’île de Moorea pour dynamiser la commune suite à la disparition du marathon international de Moorea. La nouvelle équipe (communale) souhaitait trouver un projet pour redynamiser la commune. Les tāvana connaissent le potentiel de surf à Moorea et ont souhaité avoir un événement international pour promouvoir l’île. C’est un projet qui va faire travailler toutes les associations avec le comité organisateur. Avant de créer un événement international comme celui-ci, il faut avoir l’aval de la mairie, même si la fédération tahitienne de surf a la délégation de service public. Personne ne peut outrepasser le maire qui a l’autorité sur le lagon. Lors de la présentation, les tāvana ont accepté le projet. Il y a un accord de principe avant la validation par le prochain conseil municipal. Maintenant que les associations de surf se sont déclarées, je les invite à discuter de ce projet et voir comment ils peuvent intégrer l’organisation. On les invitera à la prochaine réunion. Tout le monde est invité. C’est comme cela qu’on peut faire un grand événement mondial pour Moorea."
 

Rédigé par Toatane Rurua le Vendredi 18 Décembre 2020 à 10:29 | Lu 3644 fois