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Les médicaments non remboursés, bientôt vendus en supermarché?


PARIS, 19 décembre 2013 (AFP) - Doliprane, Fervex, Lisopaïne, autant de médicaments non remboursés dont la vente pourrait échapper aux pharmacies : l'Autorité de la concurrence s'est montrée favorable à une telle libéralisation, mais le gouvernement se refuse à briser ce monopole.

Dans un avis rendu public jeudi, l'Autorité s'est prononcée en faveur de la fin du monopole des pharmaciens sur la vente de ces médicaments achetables sans ordonnance et non remboursés.

Cette annonce est une bonne nouvelle pour la grande distribution, qui lorgne sur ce marché très lucratif, évalué à environ 2 milliards d'euros par an, et souhaite lui ouvrir ses rayons.

Mais la ministre de la Santé, Marisol Touraine, s'est publiquement opposée au gendarme de la concurrence, quelques heures après la publication de son avis.

Elle a réaffirmé "son attachement au monopole officinal sur les médicaments, qui permet à notre pays de sécuriser leur dispensation et d'agir efficacement contre la contrefaçon".

De son côté, le président de l'Autorité, Bruno Lasserre, estime que "le statu quo ne peut pas être maintenu".

L'institution a relevé au cours de son enquête de "très forts écarts de prix" entre les officines, allant de 1 à 4 pour le même produit d'auto-médication. La plupart du temps, le malade n'a aucune marge de manoeuvre face à ces disparités, car "il découvre les prix une fois au comptoir", relève Bruno Lasserre.

Pour remédier à cette opacité, le gendarme de la concurrence propose de s'inspirer du voisin italien. De l'autre côté des Alpes, les supermarchés ont le droit de vendre certains médicaments sans ordonnance depuis 2006. Résultat : leur prix a dégringolé de 25% en moyenne.

En France, l'UFC-Que Choisir table sur "une baisse des dépenses d'automédication des Français de plus de 16%" grâce à la libéralisation de la vente, soit une économie de 270 millions d'euros pour les patients.

La vente hors officine devrait être cependant très encadrée : sous le contrôle d'un diplômé en pharmacie, dans des "espaces dédiés et délimités, avec un encaissement distinct", selon l'Autorité.

Les pharmacies seraient toujours rentables

Le nombre des produits en rayons serait également restreint. Il se limiterait aux médicaments d'auto-médication, non remboursés par la Sécurité sociale, achetables sans ordonnance, ainsi qu'aux "produits frontières" comme les tests de grossesse et les produits d'entretien pour lentilles.

La grande distribution se réjouit de ces recommandations, au moment où la loi Hamon sur la Consommation (qui autorise la vente des tests de grossesse et des produits pour lentilles en dehors des pharmacies) semble s'attaquer au monopole des officines.

"Il s'agit tout simplement de favoriser la concurrence pour aboutir à une baisse des prix, sans que la qualité ou les règles de sécurité des patients ne soient remises en cause", se félicite Michel-Edouard Leclerc, président du groupement du même nom.

La fin du monopole des pharmacies sur la vente de ces produits devrait, selon l'Autorité, avoir un effet limité sur leurs marges, estimé entre 3,7 et 5%. Ce qui ne serait "pas de nature à remettre en cause la rentabilité des pharmacies", assure Bruno Lasserre.

Menacés, les pharmaciens s'élèvent contre les recommandations formulées par le gendarme de la concurrence.

"Nous sommes totalement opposés à la vente des médicaments en grandes surfaces. (...) L'économie de la pharmacie se fragilise, deux pharmacies sur trois ont des problèmes de trésorerie et une pharmacie ferme tous les 3 jours", proteste Isabelle Adenot, présidente de l'Ordre des pharmaciens.

L'Autorité raisonne en termes "purement économiques sans faire de véritable analyse des enjeux de santé publique", ajoute Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, syndicat majoritaire des pharmaciens.

Pour compenser une éventuelle perte de revenus, l'Autorité soutient les mesures de renforcement du rôle des pharmaciens. Ils pourraient ainsi être rémunérés pour leurs conseils sur un mode forfaitaire, ou encore être encouragés à se lancer dans la vente de médicaments en ligne. Les commerçants pourraient également vendre de nouveaux produits para-médicaux.

Les médicaments remboursés sont eux aussi victimes de distorsions de concurrence, selon l'Autorité. Dans son avis, elle dénonce notamment les campagnes de dénigrement de certains laboratoires à l'encontre de leurs concurrents génériques.

Pour remédier à cette "spécialité française", Bruno Lasserre propose de renforcer les campagnes de communication sur l'efficacité des médicaments génériques et casser la "culture de la méfiance" qui règne à leur égard.

rfo/bpi/phc

Rédigé par Par Romain FONSEGRIVES le Jeudi 19 Décembre 2013 à 05:42 | Lu 273 fois