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Les implants médicaux, "une zone d'ombre et d'inquiétude"


Paris, France | AFP | lundi 26/11/2018 - Les dispositifs médicaux sont "une zone d'ombre et d'inquiétude", estime la ministre française de la Santé Agnès Buzyn dans un reportage télévisé qui sera diffusé mardi soir, sur fond de révélations internationales sur les défaillances d'implants.

Cette vaste catégorie de produits - qui comprend par exemple les pompes à insuline, pacemakers, prothèses mammaires ou encore valves cardiaques - "sont insuffisamment régulés, c'est une zone d'inquiétude pour la ministre que je suis", a ajouté Mme Buzyn dans ce reportage pour l'émission de France 2 "Cash Investigation".
Ce documentaire est associé à une enquête d'une cinquantaine de médias sur le secteur des implants dans le cadre du Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), dont les résultats ont été livrés dimanche soir.
L'enquête "Implant files" de l'ICIJ dénonce notamment la facilité avec laquelle des fabricants peuvent obtenir le droit de commercialiser des dispositifs médicaux en Europe, en obtenant un "marquage CE" auprès d'un organisme certificateur privé de leur choix et rémunéré par leurs soins.
En 2014, pour démontrer les failles du système, une journaliste néerlandaise, Jet Schouten, avait fait passer pour un implant vaginal un simple filet à mandarines et son "produit" avait obtenu un accord de principe des organismes certificateurs.
Les autorités nationales de santé en Europe ne peuvent intervenir qu'a posteriori, quand un dispositif médical est déjà sur le marché. Encore faut-il avoir un système efficace de signalements en cas de défaillances de certains de ces produits, ce qui est loin d'être toujours le cas.
Une base de données européenne sur les dispositifs médicaux, Eudamed, doit voir le jour en 2020, mais les États membres et les industriels sont en désaccord sur le degré d'informations à divulguer.
 

- "Je suis morte en 2010" -

 
Vendredi dernier, peu avant la publication de l'enquête de l'ICIJ, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a demandé aux patients et aux médecins de lui faire remonter "les éventuels effets indésirables" des dispositifs médicaux utilisés pour traiter la descente d'organes et l'incontinence urinaire chez la femme, assurant les surveiller "depuis plusieurs années".
Ces produits font déjà l'objet d'un moratoire en Australie depuis la fin 2017 ainsi qu'en Grande-Bretagne depuis cet été. En France, près de 50.000 de ces dispositifs sont implantés chaque année, avait précisé l'ANSM vendredi.
L'un d'entre eux, le Prolift, vaut déjà à son fabricant Ethicon (filiale du géant américain Johnson and Johnson) des dizaines de milliers de plaintes aux États-Unis et dans d'autres pays.
Ethicon a arrêté de le commercialiser aux États-Unis en 2012, puis dans le reste du monde, mais beaucoup de femmes qui avaient été implantées précédemment en souffrent toujours.
"Je suis morte en 2010", témoigne ainsi dans le reportage de Cash Investigation Natacha Brunet, implantée cette année-là du Prolift et souffrant depuis le martyre.
Cette prothèse n'ayant pas été conçue pour être explantée, cette Française est condamnée à vivre avec pour le restant de ses jours, avec des béquilles et un cocktail quotidien de médicaments antidouleurs.
"C'est comme un coup d'électricité, une rage de dent, un truc qui ne s'arrête pas", confie-t-elle.
 

- 18.200 "incidents" en France en 2017 -

 
"Manifestement, le marquage CE doit être amélioré", convient François Richard, chirurgien urologue interrogé lundi par l'AFP. Car ce label ne contient "aucune notion d'efficacité médicale", enregistrant plutôt la performance mécanique ou physique d'un produit, ajoute-t-il.
Si un fabricant souhaite faire rembourser son dispositif médical par l'assurance maladie, il y a toutefois des contrôles supplémentaires en France, par la Haute autorité de santé (HAS) puis le comité économique des produits de santé (CEPS), rappelle l'urologue.
Mercredi dernier, l'ANSM a aussi annoncé qu'elle se prononcerait début 2019 sur la sûreté des implants mammaires dits "texturés", après le signalement d'une cinquantaine de cas de lymphomes depuis 2011 chez des patientes qui en portaient.
Toutes indications confondues, environ 18.200 "incidents" liés à des dispositifs médicaux ont été signalés en France l'an dernier, contre 7.800 en 2008, selon des données de l'ANSM transmises lundi à l'AFP.
"En 2020, tous les implantables devront avoir fait l'objet d'essais cliniques, selon le nouveau règlement européen qui est une vraie avancée", a relevé auprès de l'AFP Dominique Martin, directeur général de l'ANSM.
"Fournir des produits qui fonctionnent et qui sont sûrs est au coeur de ce nous faisons (...). Notre industrie est réglementée et nous prenons très au sérieux notre responsabilité pour respecter ces règles" a réagi lundi la fédération européenne des fabricants de dispositifs médicaux MedTech Europe dans un communiqué.

le Mardi 27 Novembre 2018 à 05:57 | Lu 327 fois