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Les hôtesses d'accueil se rebellent contre leur rôle de "potiche"


Paris, France | AFP | mercredi 21/08/2019 - Mépris, racisme, diktat de la minceur: lasses de se voir réduites à un rôle de "potiches", les hôtesses d'accueil se rebellent contre le sexisme qui gangrène leur métier, multipliant cet été prises de paroles sur les réseaux sociaux et pétitions.

Ex-hôtesse dans l'événementiel elle-même, Natasha a l'habitude d'entendre des remarques racistes ou sexistes depuis qu'elle est devenue recruteuse: "Tiens, on recrute des femmes de ménage, maintenant?" lorsque trois femmes noires sortent de l'ascenseur pour un entretien. "Non, elle, on ne peut pas l'embaucher, elle est gentille mais faut qu'elle se mette au sport"...
"On finit par prendre le pli et, dans sa tête, on élimine une candidate avant même qu'elle ait ouvert la bouche, parce qu'on sait qu'elle ne plaira pas au client", regrette Natasha (son prénom, comme celui de toutes les autres femmes, a été modifié).
"Quand une collègue a démissionné, mon responsable a demandé à ce que sa remplaçante soit une blonde aux yeux bleus et non +un gros tas+", se souvient Marie, hôtesse.
Taille 36 imposée, talons hauts, cheveux lisses et peau blanche: ces critères reviennent régulièrement dans les témoignages publiés sur le compte Twitter #PastaPotiche.
Depuis un mois, Alice publie sur ce compte les témoignages, majoritairement anonymes, qu'elle reçoit de la part d'hôtesses ou d'ex-hôtesses.
"Se mobiliser sur les réseaux sociaux nous permet de discuter, de se connaître", explique Alice. Car "il suffit qu'on se plaigne pour que notre agence ne nous rappelle plus", assure-t-elle, justifiant ainsi son anonymat.
Mercredi, la CGT des Sociétés d'études a apporté son soutien à cette mobilisation, dans un communiqué dénonçant une "relation de travail triangulaire" qui "rend vulnérables" les hôtesses et "les empêche de porter plainte de peur de ne pas être soutenues". De plus au delà de l'accueil, elles effectuent souvent "une multitude de tâches pour lesquelles elles ne reçoivent pas la rémunération adaptée", ajoute le communiqué.

- "Agression sexuelle" -

 
Avec ce mouvement "pour la première fois, de manière visible, ce sont des hôtesses qui se sont organisées" pour témoigner de ce qu'elles subissent, souligne Caroline de Haas, membre du collectif #NousToutes. "J'ai le sentiment qu'on est en train de vivre les répliques de #MeToo", dit-elle à l'AFP.
"J'ai été victime d'une agression sexuelle et mon agence n'a rien fait", assure Alice. Elle détaille: le client, un grand patron, lui touche le sein puis essaie de la faire danser. Son agence ne réagit pas, lui disant qu'elle n'est pas la première.
Pour elle, le déclic est venu d'une pétition lancée sur la plateforme Change.org le 23 juillet, appelant à la suppression des hôtesses sur les podiums du Tour de France, signée par 37.000 personnes.
Alice a lancé sa propre pétition, le 13 août, appelant à "dépoticher" le métier d'hôtesse en événementiel. Elle avait rassemblé, mardi, plus de 23.000 soutiens.
"Je ne veux pas faire interdire le métier d'hôtesse", assure-t-elle. Elle demande à rencontrer Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, qu'elle appelle à lancer un "plan d'action" pour mettre fin au sexisme envers les hôtesses.
Contacté, le cabinet de Mme Pénicaud n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Le cabinet de Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes et également destinataire de la pétition, a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas faire de commentaire.
"Cette pétition montre avant tout que des employeurs ne respectent pas le code du travail concernant les discriminations", estime Mme de Haas.
"C'est comme si se faire draguer faisait partie de leur rôle", relevait dans Libération, vendredi, la sociologue Gabrielle Schütz, auteure du livre "Jeunes, jolies et sous-traitées: les hôtesses d'accueil".
Le 26 juillet, en réaction à la pétition demandant la fin des hôtesses sur le Tour de France, Mme Schiappa reconnaissait "quelque chose d'un peu suranné" dans cette pratique et rappelait que plusieurs autres sports y avaient mis fin.
Une réaction qui avait elle-même fait des vagues. "Si j'ai envie de gagner ma vie avec mon cul, c'est mon droit. Ce n'est pas le vôtre de me l'interdire", répondait le compte Twitter @CamilleVernier1 le 27 juillet.

le Mercredi 21 Août 2019 à 04:05 | Lu 568 fois