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Les engagés en Indochine et les "vahine anami"


La femme vietnamienne ou Vahine anami. (Image : Fonds ECPAD).
La femme vietnamienne ou Vahine anami. (Image : Fonds ECPAD).
PAPEETE, 8 février 2019 - L’association Mémoire polynésienne et la Maison de la culture organisent une conférence sur le thème Les Tahitiens dans les guerres d’Indochine et de Corée, mardi 12 février au Petit théâtre. Tahiti Infos s’associe à cet événement en publiant chaque jour un épisode de ces épopées tahitiennes en Orient. 

Les volontaires pour l’Indochine se sont construit une image de l’Indochinoise. La mémoire collective a retenu le chantonnement du refrain "Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise". Ecrite en 1906, elle raconte l’amourette d’un soldat en campagne au Tonkin et d’une Tonkinoise. 

La femme annamite est aussi chantée à Tahiti. Ainsi, une chanson dédiée à la femme vietnamienne et écrite dans les années 1940 vante les charmes de la vahine anami même si les paroles originales de la chanson soulignent davantage l’exploitation de la femme vietnamienne et son inconditionnelle force de travail pour déplacer sans outils les rails des chariots de phosphate à Makatea. 

La vahine anami va alimenter leur Mal jaune, la nostalgie d’une jeunesse passée, empreinte d’exotisme indochinois. Les soldats qui ont déjà effectué un séjour en Indochine vantent leur incontestable beauté, ainsi que leur grande sensualité. 

Les femmes annamites sont fidèles à leur époux et solidement attachées à leur famille, à leur foyer et à leurs enfants. Leur éducation est dirigée vers la science intime du foyer. La fille, dans le foyer familial, ne s’émancipe que lors de son mariage, pour passer de l’autorité de ses parents et de ses aînés à celle de son époux et leur influence est grande sur leur époux et les affaires domestiques et commerciales. Il est de très mauvais ton de se montrer osé envers les femmes annamites, comme laotiennes, qui sont toujours réservées. Toute familiarité à leur égard, surtout en public, est une offense. 

Emile Neuffer. (Image : Fonds Shigetomi).
Emile Neuffer. (Image : Fonds Shigetomi).
Aussi si docile, la femme annamite n’est pas gratuite. Les soldats ne fréquenteront que des femmes vénales ou des congaïs. Le fameux Parc à buffles est connu de tous les anciens d’Indo. Le Parc à Buffles, appelé aussi Parc aux Autruches, et parfois Galioche est un bordel militaire de Campagne (BMC) qui se tient le long du boulevard Gallieni, en plein centre de Saigon et à mi-chemin de Cholon.

Quelques centaines de femmes se tiennent par petits groupes dans la cour, debout ou assises sur leurs talons. La cour est en terre battue. Lors de la saison des pluies, le sol devient boueux d’où son nom, de : Parc à Buffles. Les clients à la recherche d’une promise n’ont guère le loisir de circuler entre les groupes de jeunes femmes. Ils sont littéralement agressés, dès leur entrée dans la cour, par ces dernières qui, stratégiquement s’emparent de leur coiffe et ne leur rende que contre piastres sonnantes qui invitent à l’amour. 

Mais la prostitution peut aussi prendre divers visages pour servir la guérilla vietminh en envoyant des combattantes sexuelles atteintes de graves maladies vénériennes pour décimer les rangs militaires. On les surnomme les brigades d’amour d’Ho Chi Minh. Les autorités militaires prennent alors des mesures de contrôle médical des filles et pourchassent les maudites. 

Le Vietminh enrôle aussi de nombreuses jeunes femmes comme agents de renseignements, propagandistes, mais aussi combattantes. Le Dich Van, le service vietminh de guerre psychologique et ses recrues féminines incitent les combattants français à la désertion. À défaut, les Amazones d’Hô Chi Minh attirent des hommes isolés dans des guet-apens. Les deux Tahitiens Émile Neuffer et Michel Mariassoucé, piégés dans Cholon, le payeront de leur vie.

Enfin, l’encongaillage est une relation suivie et privilégiée avec une autochtone. Lorsqu’un soldat fraîchement venu relève un rapatriable, il n’est pas rare qu’il gagne, avec un poste, la congaï de son prédécesseur. La congaï offre à ces hommes séparés et éloignés des leurs une certaine stabilité affective et leur évite la fréquentation des prostituées. Et plus, la congaï peut se montrer protectrice de son élu et lui sauver la vie, informée d’une embuscade ou d’un attentat.

Conférence le 12 février

L’association Mémoire polynésienne et la Maison de la culture organisent une conférence sur le thème Les tahitiens dans les guerres d’Indochine et de Corée.
Jean-Christophe Shigetomi relatera l’épopée des Tamari’i Tahiti engagés dans le corps expéditionnaire d’Extrême-Orient, entre 1945 et 1954. Il parlera aussi de ceux, moins nombreux, qui ont servi au sein du Bataillon français de l’ONU, entre 1950 et 1953 en Corée.

Date : le 12 février 2019 à partir de 18 heures

Lieu : Petit théâtre

Entrée libre et gratuite


Rédigé par TI le Vendredi 8 Février 2019 à 02:00 | Lu 2007 fois