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Les élus de Raivavae se font plaisir


L'ancien maire de Raivavae, Joachim Tevaatua.
L'ancien maire de Raivavae, Joachim Tevaatua.
Tahiti, le 8 septembre 2021 – Recrutement de la compagne du maire, voiture de fonction à plus de 7 millions de Fcfp, frais de mission multipliés par six en cinq ans… Dans son dernier rapport, la chambre territoriale des comptes épingle certaines libertés prises par les élus de la commune des Australes.
 
La chambre territoriale des comptes a publié mercredi son dernier rapport sur la gestion de la petite commune de Raivavae aux Australes, composée des trois communes associées Anatonu, RairuaMahanatoa et Vaiuru pour un total de 937 habitants. Consciente des “difficultés pouvant peser sur ce type de collectivités éloignées de Tahiti”, la juridiction financière annonce en préambule avoir “limité” ses recommandations et explique que son action doit surtout être analysée comme “une aide à l’amélioration de la gestion de la commune”. Ce qui n'a pas dispensé la chambre de pointer plusieurs “difficultés” et certaines largesses prises par les élus dans le fonctionnement de la commune.
 
Recrutements tantôt absents, tantôt opaques
 
Véritable priorité parmi les recommandations du rapport, le recrutement d'un “secrétaire général” pour la mairie est un préalable absolu. Le conseil municipal avait prévu cette création d'emploi en catégorie B en 2015, mais le poste est resté vacant depuis. “Dès lors, la commune n’ayant pas créé les conditions suffisantes pour disposer d’un encadrement suffisant, son pilotage administratif a été lacunaire sur des aspects pourtant essentiels”, écrit la juridiction.
 
Pourtant, la commune a bien procédé à des recrutements. Mais avec certaines opérations assez opaques menées par l'ancien tāvana, Joachim Tevaatua. En 2019, à la suite d'un appel à candidature pour un poste de fonctionnaire stagiaire de catégorie D, le tāvana a nommé une candidate qui n'était pas la mieux classée par le jury de recrutement. Saisi par les services du contrôle de légalité du haut-commissariat, le tāvana a fini par retirer son arrêté de nomination. Mais pour mieux re-nommer la même candidate quelques jours plus tard. Nouveau courrier du haut-commissariat. Sans réponse cette fois-ci…
 
La seconde opération est encore plus troublante. Toujours en 2019, la commune a procédé au recrutement, toujours en qualité de fonctionnaire stagiaire, de la propre compagne du tāvana. Le maire ne pouvant lui-même siéger parmi les trois membres du jury de sélection en raison d'un conflit d'intérêts évident, c'est la fonctionnaire stagiaire évoquée précédemment qui a remplacé le tāvana au pied levé le jour même de sa nomination ! “Faire appel à une fonctionnaire stagiaire pour participer à une opération sensible telle qu’un recrutement n’est pas acceptable au regard des règles élémentaires de bonne gestion”, tacle la chambre.
 
Voiture de fonction et frais de mission
 
Plus généralement, la chambre recommande à la commune d'associer davantage le conseil municipal aux réformes, de nourrir ses débats d'analyses techniques et financières et d'être plus vigilante dans la préparation des documents budgétaires. Financièrement, la situation de la commune est jugée “fragilisée”, avec une épargne insuffisante pour mener à bien les projets. Avec assez peu de marges de manœuvres sur les recettes de son budget, la chambre estime que Raivavae doit gérer plus “rigoureusement” ses dépenses. Et sur ce point, deux détails du rapport sur l'utilisation des deniers publics de la commune par ses élus apparaissent assez choquants.
 
Premièrement, la commune a fait l'acquisition en 2019 d'une voiture de fonction pour l'ancien maire, Joachim Tevaatua, pour un montant de “7,14 millions de Fcfp”. Une somme qui “apparaît disproportionnée par rapport à la configuration du réseau routier de l’île et à l’usage que peut en faire un élu dans ses fonctions quotidiennes”, juge la chambre. De surcroît, avec un parc de véhicules de service vétustes, la juridiction estime qu'il “aurait été de meilleure gestion de répartir l’enveloppe financière de 7 millions de Fcfp entre deux ou trois véhicules plus adaptés afin de pouvoir renouveler une partie de la flotte communale”.
 
Deuxièmement, la chambre s'attarde sur les “frais de mission” des élus hors de Polynésie ces dernières années. Entre les participations au congrès de l'association des maires de France à Paris et les déplacements à Mayotte, en Guadeloupe et en Guyane pour les congrès annuels de l’association des communes et collectivités d’outre-mer, les dépenses ont été “multipliées par six entre 2014 et 2019”. Raivavae, dont le conseil municipal est composé de 15 élus, a notamment envoyé 6 élus en Guadeloupe et 5 à Paris en 2017, puis encore 6 élus à Paris en 2018… “Même s’il s’agit d’événements qui ont trait aux affaires communales, l’ancien maire n’a pas été en mesure d’indiquer dans la plupart des cas un lien, même indirect, entre ces déplacements internationaux et les projets portés par la commune”, constate la chambre territoriale des comptes.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 8 Septembre 2021 à 20:40 | Lu 8239 fois