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Les détails du jugement Radio Tefana


Tahiti, le 25 mai 2020 - Alors que la date du procès en appel de l'affaire Radio Tefana n'a pas encore été fixée et en pleine deuxième affaire du vote de la protection fonctionnelle à Oscar Temaru, Tahiti Infos s'est procuré le jugement du tribunal correctionnel de Papeete qui a condamné le maire de Faa’a et leader du Tavini, Oscar Temaru, pour "prise illégale d'intérêts". Retour en détail sur les motifs exacts de la condamnation prononcée en première instance, alors que le procès avait focalisé le débat sur la question de savoir si la radio de la mairie de Faa'a avait ou non un caractère "politique".

Sur les peines prononcées tout d'abord, rappelons qu'Oscar Temaru a été condamné dans ce dossier à six mois de prison avec sursis pour avoir organisé, entre 2010 et 2017, le financement sur fonds publics de la radio de l'association Te Reo o Tefana afin de "promouvoir" l’idéologie de son parti politique. L'ancien directeur et président de l'association, Vito Maamaatuaiahutapu, avait écopé de trois mois de sursis et 1 million de Fcfp d'amende et l'actuel président, Heinui Le Caill, d'un mois de sursis et 500 000 Fcfp d'amende. L’association a quant à elle été condamnée à une amende de 100 millions de Fcfp.

La prise illégale d'intérêts est définie dans le code pénal par : "Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement". Et le jugement du tribunal correctionnel indique qu'Oscar Temaru a été reconnu coupable sur la base de trois éléments principaux.

Témoignages politiques
 
Tout d’abord, les juges mettent en avant divers témoignages recueillis au cours de l’enquête et qui sont venus "mettre en évidence qu’il s’est agi dès l’origine, d’une radio militante, destinée à promouvoir l’idéologie du parti politique Tavini Huira’atira". Dans leur jugement, les magistrats rappellent en effet que de nombreuses personnes ont attesté durant l’enquête du caractère politique de radio Tefana. Désiré Tokoragi, ancien premier adjoint d’Oscar Temaru à la mairie de Faa’a, a notamment déclaré : "C’est une radio engagée politiquement auprès du parti, considérée comme un service parallèle à la commune (…)  Cette association a été créée pour le projet politique de notre Pays, afin de parler de l’accession et promouvoir l’indépendance".
 
Même constat pour Jean-Baptiste Tani, agent municipal de la commune mis à disposition de la radio, qui avait également soutenu lors de son audition que la radio "a pour idéologie le combat des essais nucléaires, un engagement politique, car elle a été mise en place pour que le maire Oscar Temaru puisse passer son message de politique indépendantiste. En ce sens, la radio tient des émissions politiques sur des créneaux réservés".
 
Enfin, le témoignage d'Oscar Temaru est également mis en exergue par les juges pour justifier le délit de "prise illégale d’intérêts". Lors de son audition à la section de recherches tout d’abord, lorsqu’il avait évoqué la création de Radio Tefana en expliquant : "En 1981, le président de la République, François Mitterrand, a favorisé l’essor des radios libres. Donc, nous avons décidé d’en créer une. (…) C’était urgent pour nous car nous voulions répandre l’information du risque de génocide culturel. C’était la raison de la création de notre parti". Lors des débats devant le tribunal correctionnel, ensuite, Oscar Temaru avait tenu des propos abondamment relayés par la presse en affirmant que : "Si tout le monde écoutait Radio Tefana, ce pays serait devenu indépendant".
 
Des propos qui, selon les juges, ont "permis d’apprécier au plus près le degré de couleur politique affichée par la radio subventionnée par le maire de Faa’a et président du Tavini huira’atira, à travers son exploitation par l’association Te Reo o Tefana".

L'objet social de l'association
 

Outre les témoignages, le tribunal correctionnel a également motivé sa décision de condamnation par la modification de l’objet de l’association le 6 septembre 2008 en indiquant : "Il apparaît que l’association qui avait à l’origine pour objet 'la mise en place et l’exploitation d’une station d’émission radiophonique en moyenne fréquence, la préparation de programmes d’émission à caractère socio-éducatif culturel et la diffusion d’informations diverses', et depuis 1989 l’ajout de 'l’organisation de journées culturelles, sportives et récréatives', a désormais, à compter du 6 septembre 2008, pour objet : 'la mise en place et l’exploitation d’une station d’émissions radiophoniques en modulation de fréquence, 'et à travers elle, la promotion de la lutte anti-nucléaire et l’accession à la souveraineté''". Pour le tribunal correctionnel, la modification de l’objet de l’association démontre de "manière objective et éclairante l’intérêt politique manifeste pris au sein de l’association Te Reo o Tefana".

"Militants politiques de la première heure"
 
Enfin, pour entrer en voie de condamnation, les magistrats affirment que les investigations menées durant l’enquête ont permis d’établir que la "quasi-totalité" des agents communaux de la mairie de Faa’a "mis à disposition de Radio Tefana" étaient des "militants politiques de la première heure" du Tavini Huira’atira.

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 25 Mai 2020 à 10:28 | Lu 1157 fois