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Les compagnies aériennes volent à vue


Tahiti, le 1er février 2021 - Une réunion technique a été organisée lundi matin au haut-commissariat pour prendre le pouls des compagnies aériennes à deux jours de l’entrée en vigueur des nouvelles restrictions d’entrée en Polynésie. Air Tahiti Nui et Air France envisagent une révision drastique de leurs programmes de vols commerciaux, avec des conséquences néfastes sur le secteur du tourisme.
 
Pour faire suite à l’annonce des nouvelles restrictions de circulation entre la métropole et la Polynésie française, les représentants des quatre compagnies aériennes qui desservent le fenua étaient conviés lundi matin par les autorités de l’État et du Pays à une réunion technique organisée au haut-commissariat. Officiellement pour "partager le niveau d’informations réciproques dans ce maquis réglementaire", en ligne de mire de cette rencontre il s’est surtout agi de jauger l’impact estimé par les transporteurs aériens internationaux du durcissement des conditions de circulation depuis la métropole sur leur activité, à partir du 3 février. À compter de ce mercredi 0 heure, les déplacements vers la Polynésie française devront en effet être exclusivement motivés par un motif impérieux, de santé, familial ou professionnel.
 
Les frontières restent ouvertes, mais avec la suppression du "motif touristique" qui permettait jusqu’alors de garantir un flux de passagers malgré la pandémie, l’instauration de cette contrainte de circulation pour se rendre au fenua borne considérablement l’horizon de visibilité des compagnies aériennes. Comme elles l’ont exposé lundi matin, leur crainte est de voir chuter à un niveau résiduel le flux de passagers en provenance du premier marché émetteur de touristes pour la destination Tahiti et ses îles, aussi longtemps que ces restrictions seront en place. Une chute du trafic de voyageurs qui menace la viabilité économique des vols commerciaux et en conséquence le maintien de leur fréquence hebdomadaire.
 
Question de continuité territoriale
 
À la clé, le "vrai sujet" pour les autorités de l’État a surtout été d’estimer jusqu’à quel point la nouvelle donne réglementaire aurait un impact sur la continuité territoriale. Quelle conséquence ces nouvelles restrictions de déplacement impliquent-elles sur l’activité de fret aérien, celle du transport des évacuations sanitaires, le rapatriement des touristes arrivés dernièrement en Polynésie et des Polynésiens actuellement en métropole ?
 
Du côté d’Air Tahiti Nui, la réponse est claire. Dès mercredi, ces "mesures exceptionnellement restrictives" impliquent des "décisions à très courts termes sur le programme de vols", souligne Mathieu Bechonnet, le directeur général délégué de la compagnie : "On doit encaisser le choc et prévoir les conséquences." Plus catégorique, pour le P-dg d’ATN, Michel Monvoisin, l’équation est on ne peut plus claire : il est "impensable d’opérer des vols si ça nous coûte moins cher de rester au sol". Jusqu’à quel point la compagnie au tiare prévoit-elle de maintenir son activité ? "On ne sait pas. On volera si on a des passagers. Cette semaine on ne touche à rien. La semaine prochaine on verra", tranche-t-il.
 
Même retour du côté d’Air France : "À ce stade, il est prématuré pour prendre une quelconque décision", explique, guère plus rassurant, Lionel Rault, le directeur régional de la compagnie. "Notre programme est maintenu pour l’instant. On fait un point d’ici la fin de la semaine. On aura plus de visibilité". Air France opère encore deux vols par semaine entre Paris et Papeete, via Vancouver. Rien n’assure que ce sera le cas dans quinze jours.
 
Le tourisme en toile de fond
 
Une logique économique au diapason de laquelle devraient se soumettre French Bee et United Airlines. Les deux compagnies étaient représentées par leurs responsables d’escale à Papeete, lundi matin au haut-commissariat. Dans l’immédiat, la décision viendra de leurs maisons-mères à Paris et San Francisco. En attendant, on se souvient que fin mars dernier, French Bee avait brusquement cessé ses vols à destination de Polynésie peu après l’annonce du confinement pour ne les reprendre qu’à partir du 15 juillet, à la réouverture des frontières.
 
Un message du haut-commissariat relayé lundi après-midi par Tahiti Tourisme prévient : "Les voyageurs actuellement en Polynésie française, dont le retour est prévu cette semaine, peuvent terminer leur séjour normalement ; au-delà, il est conseillé de prendre contact avec sa compagnie aérienne pour vérifier la programmation de leur vol."
 
Si les compagnies aériennes prévoient de planifier à tâtons leur programme de vols dans les prochaines semaines, la chute prévisible du trafic de touristes à destination de Polynésie apparaît inévitable pour les professionnels du secteur. Lundi, le Kia Ora de Rangiroa a annoncé sa fermeture à compter du 8 février et jusqu’au 31 mars "suite aux dernières restrictions d’entrée sur le territoire". Comme le prévoyait vendredi dernier Guillaume Épinette, le directeur régional du groupe InterContinental, le phénomène délétère qui est à l’œuvre pour le secteur touristique se résume à "une équation simple" : "Des touristes qui ne montent pas dans les avions, des avions qui ne volent plus, des hôtels qui ferment".
 
Dans ce contexte, les solutions sont "plus que jamais" entre les mains de l’État, pour Frédéric Dock, le patron du Medef-Polynésie : "On attend qu’il mette en place des dispositifs de soutien à la hauteur de la casse qui s’annonce. On a limité les dégâts en 2020 avec une activité à 30% de ce qu’elle était en 2019 et une perte de l’ordre de 100 milliards. Mais aujourd’hui, si la solution doit venir des vaccins, vu la cadence actuelle, on ne sait pas combien de temps ça va durer."
 
En attendant, mardi à 11 heures, le gouvernement Fritch doit présenter les mesures d’urgence économiques et sociales, mises en place localement "suite à la fermeture des frontières".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 1 Février 2021 à 19:32 | Lu 5785 fois