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Les chauffeurs veulent un statut professionnel


Tahiti le 30 janvier 2023 – Agressions, insultes, absence de revalorisations salariales depuis des années, non-paiement des heures supplémentaires et perspective d’une retraite au rabais : les chauffeurs de bus ont en assez et demandent la mise en place d’une convention collective pour encadrer leurs conditions de travail et revaloriser la profession.
 
Un peu plus de considération. C’est ce que demandent aujourd’hui les membres de la fédération des transports en commun de Polynésie. L’organisme regroupe les employés des cinq sociétés de transports du fenua : Réseau de transport urbain (RTU) ; Réseau de Transport en commun de Tahiti (RTCT) ; Transport collectif côte Ouest (TTCO) : Nouveaux Transporteurs de la Côte Est (NTCE) ; et Eimeo.
 
C’est par le biais de ce collectif que les chauffeurs de bus demandent une revalorisation salariale et le paiement des heures supplémentaires jamais régularisées depuis des années, ou encore le soutien de leur direction lorsqu’ils se font agresser verbalement et physiquement. “Une situation qui dure depuis plus de vingt ans”, dénonce Mahinui Temarii du Rassemblement des travailleurs polynésiens – 'Āmuitahira'a o te mau rave 'ohipa o Porinetia. En proie au ras-le-bol, les professionnels estiment que ces problèmes ne peuvent être réglés que par la mise en place d’une convention collective. C’est pour étudier les termes de cette convention-cadre que les responsables des centrales syndicales et les employeurs ont été conviés à l’inspection du travail, vendredi dernier. Rencontre à laquelle n'ont pas souhaité participer les dirigeants des sociétés concernées. Pour Mahinui Temarii, cette politique de la chaise vide est déplorable. D’autant que, selon le syndicaliste, le président de la RTCT, Willy Chung-Sao, seul signataire avec le Pays de la convention de délégation de service public fin 2018, a notifié l’inspection du travail par courrier qu’il refusait de se plier à un chantage. Il dénonce avoir été informé de la menace d’un mouvement de grève en l’absence d’évolution vers une convention collective. Chantage que dément Mahinui Temarii : “Ce n’est pas comme cela que ça se passe. Il faudra au moins un an de discussions pour la mise en place de cette convention. De plus il dit qu’il préfère un accord d’établissement et c’est normal : il pourra le supprimer comme bon lui semble.” Il souligne d’ailleurs qu’un accord d’entreprise a été mis en place mais n’a jamais été appliqué.
 
Reste que pour la profession, l’absence de statut apparait très préjudiciable. Le secrétaire général de la fédération des transports en commun de Polynésie Yoan Richmond est chauffeur de bus depuis plus de vingt ans. Il est toujours au Smig. “La vie est chère et avec le Smig on n’arrive pas à finir le mois”, déplore-t-il. Homme de dialogue, il regrette que ses patrons soient absents de la table des discussions. Il assure que sa fédération ne veut pas imposer de convention collective mais des discussions dans ce sens s’imposent, selon lui : “Elle va nous donner un statut. On veut évoluer, avoir une carrière et une base. On n’a rien aujourd’hui.” Le syndicaliste affirme d’ailleurs que beaucoup de chauffeurs prennent leur retraite anticipée et décèdent avant. “Je suis écœuré, il y a deux chauffeurs en moins d’un an qui sont partis dont un qui était presqu’à la retraite”. Le Secrétaire général de la fédération des transports en commun fait état également d’un malaise fait par deux de ses collègues. Problème qu’il estime lié “à la fatigue et au stress”. Une convention collective ouvrirait la voie à une amélioration de ces conditions de travail. Ce cadre pour la profession est pourtant à l’étude depuis 2009 assure le secrétaire général du syndicat autonome Côte Ouest, Thierry Teheiura. Plus vindicatif, il appelle tous les chauffeurs à s’unir et à “arrêter d’avoir peur des intimidations, ou du licenciement : Il faut se lever, c’est pour notre bien à tous”.     
 

Agressions, surcharge de passagers

Aldrick Viri délégué syndical de Aro Porinetia est chauffeur chargé du ramassage scolaire. Il dénonce être quotidiennement “en surcharge”. Au début de l’année scolaire, suite à la demande de la direction de l’école qu’il dessert, deux bus avaient été mis en renfort sur sa ligne. Mais cela n’a duré que trois mois. “Il y a 43 places dans mon bus et je transporte 80 enfants...” Il craint d’avoir sa responsabilité mise en cause en cas de pépin. S’il lui est difficile de refuser des passagers, il demande la mise en place de contrôles au niveau des établissements scolaires pour contraindre son employeur à mettre plus de bus sur la ligne. Pourtant, tout cela ne devrait pas être : la convention cadre de délégation de service public stipule bien, concernant le transport scolaire du premier degré, que “aucun élève ne doit voyager debout. Aucun élève ne doit être assis près du chauffeur ou sur les marches du véhicule”.

Autre problème soulevé par les chauffeurs : en cas d’agression durant leur temps de travail aucun accompagnement médical ou judiciaire n’est prévu par l’entreprise de transport. La convention cadre de délégation de service public pour le transport scolaire précise pourtant que “la sécurité de son personnel incombe au Délégataire”. Il est même tenu d’informer l'Autorité Organisatrice “des accidents de travail significatifs survenus au cours de l'exercice”.

Rappelons que Willy Chung Sao, seul candidat pour l’appel d’offre relatif au transport en commun a signé le 17 octobre 2018 avec le président du Pays Édouard Fritch la convention cadre de délégation de service public pour une durée de quinze ans. Et lors de cette signature, il s’était “engagé à prendre à sa charge les 235 postes actuellement employés par RTU, TCCO et NTCE".  
 
Déjà, dans un rapport de 2018, la chambre territoriale des comptes constatait que “les chauffeurs, en majorité employés à temps plein, sont rémunérés au Smig et ne bénéficient pas de grille d’avancement” dans les sociétés NTCE, TCCO et RTU.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 30 Janvier 2023 à 20:35 | Lu 1688 fois