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Les chasseurs de sorcières papoues frappent encore


Les chasseurs de sorcières papoues frappent encore
PORT-MORESBY, jeudi 28 mars 2013 (Flash d’Océanie) – Quelques jours après une série de meurtres de personnes soupçonnées de sorcellerie, de nouvelles victimes ont été signalées ces derniers jours dans la province papoue de Madang.
La police locale a annoncé en milieu de semaine qu’une nouvelle enquête avait été ouverte concernant la mort d’une personne, dans la localité de Nahu-Rawa (district de Rai Coast).
Les personnes soupçonnées de s’être livrées à ces exécutions appartiendraient à un groupe jusqu’ici inconnu, a affirmé le chef de la police provinciale, Jacob Bando.
Les forces de l’ordre ont été alertées par les autorités coutumières de la zone de la Baie de l’Astrolabe, dans la même région.
La victime, selon eux, répondait au nom de Soiya Tagu, fils d’un grand chef de la région (village de Rereu).
Jusqu’ici, la police admet ne pas avoir été en mesure de se rendre sur place, en raison des difficultés d’accès à cette province, où d’énormes inondations ont coupé de nombreuses voies d’accès, y compris des routes et des ponts.


Le 6 février 2013, dans la ville de Mount Hagen (province des Hauts-Plateaux de l’Ouest, Papouasie-Nouvelle-Guinée) une jeune mère de vingt ans, accusée de sorcellerie, avait été torturée, puis brulée vive sur la place publique, devant des dizaines de personnes venues assister au spectacle.
Quelques jours seulement après, le 14 février 2013, le quotidien papou The National rapportait un nouvel incident du même type, dans la province de Morobé.
Un homme de 50 ans, identifié comme étant un Erriok Tembe, lui aussi accusé de sorcellerie par la communauté, aurait d’abord été exécuté à coups de machettes. Son corps aurait ensuite été laissé à l’intérieur de sa maison, à laquelle les assaillants ont ensuite mis le feu, selon la police.
Là encore, les villageois l’accusaient de la mort inexpliquée d’une autre personne, décès dont l’accusé a ensuite été rendu responsable.
Les suspects seraient toujours en fuite, a indiqué la police locale.
La police a aussi ouvert une enquête dans une autre affaire, concernant la mort considérée comme suspecte, il y a quelques jours, d’un homme, dans la province des Hauts-Plateaux, dans la petite localité de Tauta (district de Raikos).
Depuis le début du mois de février 2013, les comptes-rendus se sont multipliés concernant des agressions, voire des assassinats liés à la pratique d’une présumée sorcellerie.

La police de Mount Hagen, là même où a eu lieu l’exécution de la jeune mère, le 6 février, affirmait peu après avoir sauvé de justesse deux autres femmes, qui étaient sur le point de subir le même sort.
La forces de l’ordre ont alors procédé à une vingtaine d’arrestations.

La jeune Kepari Leniata, mère d’un nourrisson de huit mois et âgée d’une vingtaine d’années, a été torturée le 6 février 2013avant que d’être brûlée en public.
Le groupe l’accusait d’être responsable de la mort d’un garçonnet de six ans, décédé la veille à l’hôpital de cette ville.

Jeudi 7 février 2013, les deux quotidiens du pays, le Post-Courier et The National, créaient un électrochoc en publiant des photographies montrant un groupe de personnes regardant brûler plusieurs pneus, sous lesquels se trouvait la jeune femme, nue, pieds et poings liés, le tout sur un tas d’ordures.
Selon les comptes-rendus locaux, un groupe d’hommes présumés appartenir à la famille de du jeune garçon décédé, se serait rendu au domicile de la victime, aux environs de cinq heures du matin (GMT+9) mercredi 6 février 2013, l’ont torturée à l’aide de tisons chauffés à blanc, puis l’ont emmené sur cette décharge, l’ont déshabillée, ligotée pieds et poings et aspergée d’essence, avant de l’immoler.
La police, ainsi que les pompiers, auraient tenté timidement d’intervenir, sur les lieux du bûcher, mais ont a ensuite déclaré avoir été violemment repoussés par le groupe.
Ils n’ont pu intervenir que pour récupérer le corps, ensuite transféré à l’hôpital en urgence à bord d’une ambulance et finalement constater le décès.
A posteriori, le chef de la police de cette province, le Superintendant Kaiglo Ambane, a condamné cet acte tout en promettant des arrestations et des poursuites à l’encontre des perpétrateurs.
La jeune femme a été identifiée par The National comme étant nommée Kepari Leniata et originaire du village de Paiala (district de Porgera, province d’Enga).
Deux autres jeunes femmes, elles aussi accusées de sorcellerie par le même groupe, qui leur réservait un sort semblable, auraient réussi à échapper à leurs agresseurs.
L’une d’entre elles a été sauvée in extremis par la police et l’autre s’est enfuie et est toujours portée disparue.

La colère de l’ONU

Dans un communiqué vendredi 8 février 2013, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme(HCDH), depuis son siège de Genève, avait exprimé sa « consternation face à la torture et au meurtre d'une jeune femme de 20 ans accusée de sorcellerie à Mount Hagen en Papouasie nouvelle Guinée ».
« Nous sommes très préoccupés par cette affaire qui confirme la tendance d'une augmentation du nombre d'attaques et d'assassinats de personnes accusées de sorcellerie en Papouasie nouvelle Guinée », a déclaré la porte-parole du HCDH, Cécile Pouilly, lors d'une conférence de presse à Genève.
« Nous exhortons le gouvernement de mettre fin à ces crimes et de traduire les auteurs de ces attaques et de ces meurtres devant la justice grâce à des promptes enquêtes approfondies et impartiales en accord avec le droit international », a-t-elle ajouté.
Le HCDH a aussi appelé les autorités papoues à « donner des signes de leur volonté politique de s'attaquer réellement à ce problème par une approche multidimensionnelle. Le gouvernement doit agir urgemment pour empêcher de nouveaux cas, par le biais de campagnes de sensibilisation, mais aussi en protégeant les personnes accusées de sorcellerie et les témoins des crimes commis contre ces personnes et en apportant une aide médicale et psychologique aux victimes. La Commission de réforme constitutionnelle a recommandé l'abrogation de la loi qui reconnait la sorcellerie et à la lumière de ce crime odieux, le HCDH encourage le gouvernement à accélérer la cadence du processus légal », précise le HCDH.

Le Premier ministre papou condamne aussi

Jeudi 7 février 2013, au lendemain de ce crime commis au vu et au su de tous, dans cette ville, Peter O’Neill, Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a vivement condamné ce qu’il a qualifié d’actes « barbares ».
M. O’Neill, en réaction à un nouvel épisode d’une chasse aux sorcières chronique dans son pays, a exigé que tous les moyens soient mis en œuvre pour que les coupables soient appréhendés et jugés avec la plus grande sévérité.
« Ce qui a été rapporté est très barbare et inhumain. On ne commet pas de tels actes dans une société à laquelle nous appartenons tous, y compris (cette jeune femme) (…) Ces actes liés à des accusations de sorcellerie et de violence faites aux femmes ne sont que trop répandus dans certaines parties de notre pays. Que les femmes et les personnes âgées au sein de notre société soient prises pour cibles pour des actes de supposée sorcellerie ou pour des méfaits avec lesquels elles n’ont rien à voir est répréhensible », a-t-il déclaré par voie de communiqué.
Le Premier ministre a aussi lancé un appel au calme auprès des proches de la jeune femme victime de cette exécution pour que la police « puisse faire son travail ».
M. O’Neill a aussi promis une prochaine refonte de l’arsenal juridique afin de durcir les peines punissant des actes d’homicide liés à une supposée sorcellerie.
Dans le cadre de travaux menés par une Commission de Révision de la Constitution, son Président, le député Joe Mek Teine (décédé en avril 2011), avait mené une étude consacré à ces phénomènes, en particulier dans la région des Hauts-Plateaux du pays, où de nombreux cas similaires ont été rapportés.
« Les travaux de Joe Mek Teine seront repris pour durcir les lois », a ajouté le chef de l’exécutif.

Entre-temps, au plan national, les services juridiques papous sont en train de mettre la dernière main à un projet de loi dédié à ce problème et qui viendrait amender la législation existante en la matière, à commencer par la très controversée Loi relative à la Sorcellerie qui date de 1971, avant l’indépendance de la Papouasie-Nouvelle-Guinée de l’Australie.

Cette exécution a aussi suscité un vif émoi de la part de la communauté internationale, y compris des États-Unis, dont l’ambassade à Port-Moresby, dans un message de condoléances adressé à la famille de la victime, a estimé qu’il n’existait « aucune justification pour cette sorte de violence ».
« Cette ambassade espère que les ressources appropriées sont consacrées à l’identification, à la poursuite et à la condamnation des responsables de cette tuerie qui met une nouvelle fois en lumière la nécessité d’une action globale pour s’attaquer à ce problème de violence liée au genre », poursuit cette mission diplomatique.



Une conférence dédiée aux crimes liés à la sorcellerie

Dans ce contexte, une conférence consacrée aux problématiques de croyances en sorcellerie et aux crimes qui y sont associés est sur le point de se tenir, à point nommé.
Organisée par l’université nationale d’Australie (ANU, Australian National University), ainsi que plusieurs associations de défense des droits humains, elle devrait s’attacher à remonter aux sources de ce phénomène pour mieux combattre les actes criminels qui y sont associés.
Cette conférence est prévue pour avoir lieu les 5 et 6 juin 2013 à Canberra, sous la direction de deux professeurs de cette institution, Richard Eves et Miranda Forsyth.
Les pays examinés devraient être non seulement la Papouasie-Nouvelle-Guinée, mais aussi d’autres pays de la Mélanésie, comme les îles Salomon voisines et Vanuatu.
Outre les universitaires, des ONG spécialisées dans la défense des droits humains, des juristes, des organisations religieuses de toute la région Pacifique devraient aussi y participer dans le but de lancer un « dialogue constructif en vue d’élaborer des solutions pratiques et praticables aux impacts sociaux négatifs engendrés par les croyances dans la sorcellerie et en particulier dans les meurtres liés à ces croyances », explique l’université.


Culte vengeur et soupe de pénis

En juillet 2012, dans la province de Madang, un groupe d’une trentaine de personnes adeptes a été arrêté pour cannibalisme dans une affaire de meurtre de sept personnes, rebouteux traditionnels, dont ils étaient convaincus qu’ils pratiquaient la sorcellerie.
La police locale a alors affirmé que dans le cadre de son enquête, elle avait acquis la conviction que les membres de ce groupe avaient d’abord exécuté ces sorciers à l’aide de couteaux sacrificiels, puis mangé la cervelle de leurs victimes et confectionné une soupe à base de leurs organes, un mélange de cervelle, de foies, de cœurs, et de ….pénis.
« Ils sont persuadés qu’ils n’ont rien fait de mal, en fait ils ont avoué très rapidement », a ensuite raconté Anthony Wagambie, chef de la police de Madang.
Ce groupe de personnes, depuis traduit en justice, avait tenté de justifier ses actes par le fait qu’ils considéraient que les « sorciers » avaient profité de leurs donc pour escroquer des villageois de la communauté ou obtenir des faveurs sexuelles.
D’ordinaire, pour une « consultation », ces chamanes exigent des sommes pouvant aller jusqu’à 400 euros, ou, en nature, un cochon.

La liste d’exécutions sommaires, en mode punitif, de personnes accusées de sorcellerie, n’a cessé de s’allonger en Papouasie-Nouvelle-Guinée au cours des dernières années.
Mi-mars 2012, les corps mutilés de deux hommes, ceux de Motunga Steven, la soixantaine, et de Boling Itai, la cinquantaine, ont été retrouvés non loin du village de Gobadik (province de Morobé).
Les deux individus avaient au cours des jours précédents été publiquement accusées d’avoir pratiqué la sorcellerie, a précisé la police après une enquête préliminaire.
Les premiers éléments recueillis révèlent aussi l’organisation d’une véritable expédition exécutoire de la part d’un groupe d’hommes du village, qui sont allés réveiller l’une des deux victimes à son domicile aux alentours de trois heures du matin.
Deux des hommes se sont d’abord fait passer pour des agents de police menant une perquisition à la recherche de plants de cannabis.
Après avoir ainsi convaincu l’homme de sortir de chez lui, ce dernier a alors été assailli par le groupe d’hommes, armés de haches, de sabres d’abattis et même de tournevis.
Le corps de la victime aurait ensuite été traîné sur une bonne centaine de mètres avant que d’être laissé sur place.
Quelques heures plus tard, un villageois avait fini par avouer à la police qu’un autre homme avait été exécuté le même jour et que son corps gisait aussi sur une route.
Mi-janvier 2012, dans un village de la province du Sépik occidental, six personnes, dont un collégien, auraient aussi été exécutées après avoir été publiquement accusées de pratiquer la sorcellerie, rapportait à l’époque le quotidien Post Courier, qui faisait aussi état de la présence au moment du crime d’agents de police.
Depuis la multiplication de ces affaires de meurtres en sorcellerie, les appels se multiplient en Papouasie-Nouvelle-Guinée afin de faire abroger une loi considérée comme un facteur encourageant ce genre d’attitudes : le texte condamne les actes de sorcellerie, pratiques auxquelles une grande majorité de la population croit encore.

Une grande majorité de victimes sont des femmes

Les dernières statistiques disponibles concernant cette seule cause de décès font état, chaque année, de pas moins de deux cent victimes, principalement dans les régions isolées et reculées de Hauts-Plateaux.
À l’occasion de la dernière édition de la journée internationale des femmes, le 8 mars 2012, l’organisation humanitaire Amnesty International avait une nouvelle fois exhorté le gouvernement papou à s’attaquer sérieusement à ce phénomène, en s’appuyant au besoin sur les ONG locales.
Outre l’ignorance et les croyances en milieu tribal, une autre cause a ces dernières années été identifiée comme contribuant de plus en plus à ces assassinats : l’existence d’une vieille loi relative à la sorcellerie, toujours présente dans le code pénal, et qui semble faire croire à de nombreux dirigeants locaux, villageois ou coutumiers, qu’ils sont fondés à se faire justice eux-mêmes.

Début décembre 2011, le tribunal de Kundiawa (district de Simbu, province des Hauts-Plateaux) avait condamné à quinze ans de travaux forcés deux hommes reconnus coupables du meurtre d’une vieille femme, qu’ils pensaient être une sorcière responsable du décès d’un responsable provincial.
Le juge Lawrence Kangwia, en rendant son verdict vendredi 2 décembre 2011, avait justifié la lourdeur de la sentence par le fait que ce genre de crimes, motivé par d’anciennes croyances, « n’a aucune place dans une société moderne ».
Dans le cadre de la même affaire d’homicide, un troisième homme a été placé en détention préventive, en attendant sa comparution.
Les cas de meurtres et d’exécutions ouvertement motivés par des accusations de sorcellerie envers les victimes, le plus souvent en milieu rural, se sont multipliés ces dernières années en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Dans certains cas, les victimes sont accusées d’être responsable de la mort inexpliquée de membres de la communauté qui, en fait sont décédé des suites de maladies comme le VIH-SIDA, qui fait des ravages dans cet État mélanésiens peuplé de quelque sept millions d’habitants.

Rédigé par PAD le Jeudi 28 Mars 2013 à 05:32 | Lu 692 fois