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Les CAES prêtes à l’emploi


Tahiti, le 7 avril 2020 - Le dispositif des CAES qui pourra permettre à 5 000 foyers privés de ressources de bénéficier d’une indemnité de 50 000 Fcfp par mois est prêt à être mis en place. Il bénéficiera aux communes, au Pays et aux associations à but non lucratif, même si quelques voix regrettent le risque clientéliste qu’il représente et le fait qu’il puisse pousser des personnes hors du confinement.
 
Dernier amortisseur social de crise annoncé par le gouvernement dans le cadre de son plan de sauvegarde économique, la Convention d’aide exceptionnelle de solidarité (CAES) a fait l’objet d’un arrêté d’application publié lundi soir au Journal officiel. La mesure votée par l’assemblée le 26 mars dernier est donc en vigueur. Concrètement, cette CAES permet aux familles sans “aucun revenu au sein du foyer” et inscrites au régime de solidarité (RSPF) d’obtenir une convention pour un travail d’intérêt général de 20 heures par semaine pour une indemnité de 50 000 Fcfp par mois, pendant trois mois. Le travail ne pouvant être effectué qu’au bénéfice du Pays, d’une commune ou d’une association à but non lucratif. Le nombre de CAES est limité à un par foyer pour un demandeur âgé de 18 à 62 ans.
 
Une procédure dématérialisée a été mise en place et les formulaires sont téléchargeables sur le site du Sefi. Ils pourront ensuite être remplis, accompagnés des documents justificatifs demandés et adressés par mail à l’adresse [email protected] . Les demandes pourront également être déposées directement au Sefi à Papeete, auprès de la commune du demandeur ou encore de l’antenne des affaires sociales la plus proche. “L'objectif étant de limiter les déplacements de la population”, explique le Pays. L’aide sera versée le premier mois à titre d’avance après conclusion de la CAES et démarrage effectif de l’activité. Comme pour les autres dispositifs, le Pays précise que des contrôles seront menés “a posteriori” par le Sefi pour vérifier que les demandeurs remplissaient les conditions d’accès.
 
Critiques formulées
 
Notons que la mesure n’a pas fait l’unanimité pleine et entière parmi les élus. Si seuls trois représentants se sont abstenus lors du vote du CAES à l’assemblée –Moetai Brotherson, Eliane Tevahitua et Nicole Sanquer– quelques voix dans l’opposition et dans la majorité se sont élevées depuis pour critiquer le dispositif. Le maire de Taiarapu Est, Anthony Jamet, regrettait vendredi dernier que cette mesure ne pousse des personnes confinées à sortir de confinement, et qu’elle n’oblige les mairies à équiper ces CAES pour les protéger malgré de faibles stocks de masques et gants de protection. Le tavana aurait préféré une mesure plus radicale de chômage partiel… Même discours chez l’élue non inscrite et députée Tapura, Nicole Sanquer : “Aujourd'hui, on demande aux salariés et aux fonctionnaires de rester chez eux pour confinement et on offre à 5 000 personnes sans ressources et sans emploi d'aller travailler. Le nombre de contaminés ne cesse de croitre car le confinement n'est pas respecté à 100% et je suis inquiète pour la suite.”
 
Comme au Tavini, Nicole Sanquer pose la question du risque clientéliste d’une telle mesure. Les CAES étant octroyés par une commission composée exclusivement de ministre du gouvernement, et donc de la majorité. Entre deux tours des élections municipales, la candidate à Mahina craint la “tournure électoraliste que pourrait avoir cette mesure si elle était mal utilisée, même en période de crise où la solidarité est de mise” et explique avoir alerté le haut-commissaire sur cette question. Interrogé vendredi dernier sur ce point, le président Edouard Fritch balaye la critique : “Tout verse dans le clientélisme si vous voulez aller par là. Quand je vois le maire de Pirae (lui-même, NDLR) aller distribuer des repas, moi je trouve que c’est du clientélisme… Il ne faut pas oublier qu’on est en état d’urgence, c’est trop facile de dire ça. J’ai demandé l’union sacrée dans cette affaire. Je crois qu’il faut que l’on se prive de ce genre de commentaires pendant la crise”.
 

Nicole Sanquer : “Cela va à contre-sens de ce qui nous est demandé”

Vous avez refusé de voter le CAES à l’assemblée, pourquoi ?

“J’ai voté favorablement les trois mesures d'aides à l'emploi qui concernent les salariés, les CDD et les travailleurs indépendants et je me suis effectivement abstenu sur la mesure du CAES car elle va à contre-sens de ce qui nous est demandé. C'est-à-dire de rester confiné chez nous. En effet, le CAES donnera la possibilité à des personnes sans emploi d'avoir, demain, une activité d'intérêt général rémunérée à hauteur de 50 000 Fcfp. Un budget de 1 milliard de Fcfp a été voté pour cette mesure. Et comme cela nous a été précisé lors de la séance plénière, cela représente 5 000 CAES disponibles pendant le confinement et sans doute après pour une période de trois voire quatre mois. Aujourd'hui, un sans emploi va sortir de chez lui pour exercer une activité de 20 heures par semaine pour aider les communes, les associations ou les confessions religieuses a confectionner des plats, les distribuer et faire des actions de solidarité en contact avec d'autres personnes. Aujourd'hui on demande aux salariés et aux fonctionnaires de rester chez eux pour confinement et on offre à 5 000 personnes sans ressources et sans emploi d'aller travailler. Le nombre de contaminés ne cesse de croitre car le confinement n'est pas respecté à 100% et je suis inquiète pour la suite.”
 
Vous qui êtes en ballotage face à un maire sortant pour les municipales, que pensez-vous des critiques sur le risque clientéliste d’une telle mesure ?

“J'ai justement adressé un courrier au haut-commissaire le lendemain de la séance pour lui demander son intervention auprès du Pays afin de reporter cette mesure après le confinement. D’une part, pour ne pas aggraver la crise sanitaire et respecter strictement les consignes de confinement. D'autre part, j'y ai fait aussi mention de la tournure électoraliste que pourrait avoir cette mesure si elle était mal utilisée, même en période de crise où la solidarité est de mise.”
 

Edouard Fritch : “Après, on pourra se faire des reproches”

Entre deux tours des municipales, certains élus, de l’opposition ou de la majorité, redoutent que les CAES ne versent dans le clientélisme pour les maires en place notamment ?

Tout verse dans le clientélisme si vous voulez aller par là. Quand je vois le maire de Pirae (lui-même, NDLR) aller distribuer des repas, moi je trouve que c’est du clientélisme… Il ne faut pas oublier qu’on est en état d’urgence, c’est trop facile de dire ça. J’ai demandé l’union sacrée dans cette affaire. Je crois qu’il faut que l’on se prive de ce genre de commentaires pendant la crise. Après, effectivement, on pourra se faire des reproches, il n’y a pas de problème. Mais aujourd’hui, moi je vois ce qui se passe à Pirae. À Pirae, pour distribuer les repas, mes femmes de service refusent de le faire parce qu’elles ont peur d’être malades et de ne plus pouvoir assurer la cuisine derrière. Il y a des choses qui peuvent être faites aujourd’hui par ces CAE dans le cadre de la solidarité et de l’accompagnement. Étant entendu que ces personnes, et ce sera contrôlé, doivent être des personnes du RSPF et des familles nombreuses en difficulté.”

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 7 Avril 2020 à 20:46 | Lu 5029 fois