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Les Artiz' de l'espoir, un tremplin pour les sans-abris


Sherita Tsong (à gauche) et Odile Beugnot.
Sherita Tsong (à gauche) et Odile Beugnot.
PAPEETE, le 6 juin 2019 - Des sans-abris, encouragés par Sherita Tsong et Odile Beugnot, se retrouvent au sein du collectif Les Artiz' de l'espoir. Depuis trois ans, le collectif chemine. Depuis la dernière exposition, au moins trois sans-abris ont décidé de vendre leurs produits au lieu de mendier.

"Au moins trois sans-abris viennent de récupérer du linge blanc au presbytère"', raconte Sherita Tsong. "Ils ont demandé à père Christophe l'autorisation de vendre leurs produits créés dans le cadre des Artiz' de l'espoir dans la rue. Le linge blanc leur permettant de camoufler leurs cartons. Deux des sans-abris ont eu, grâce à cela, des commandes !"

La nouvelle a frappé Sherita Tsong. "Tout cela a donc du sens! Ce sont les sans-abris eux-mêmes qui ont demandé, qui ont décidé de se lancer. Ils ont dit : 'on n'aura plus besoin de faire la charité'. Quelle satisfaction", rapporte-t-elle, visiblement émue.

Les produits étaient jusqu'alors, entre deux expositions, proposés à la vente au presbytère.

Une onde de choc


Les Artiz' de l'espoir est un collectif né il y a trois ans. "Je suis artisane", raconte Sherita Tsong dit "madame couture". "Voilà plusieurs années, j'ai reçu une onde de choc en rencontrant de manière fortuite un sans-abris."

Suite à cette rencontre, elle est allée à la rencontre de ces femmes et ces hommes qui vivent dans la rue. "J'y allais la nuit, en journée, une fois par semaine, je m'installais sur la pelouse autour de la cathédrale pour parler avec eux. J'ai ainsi appris à les connaître."

Sa vision du monde et de la société a changé. "J'étais là, j'exposais, je payais mon stand des dizaines de milliers de francs, des sommes faramineuses, alors que d'autres n'avaient pas 100 francs pour manger. La situation me paraissait complètement incohérente."

Elle a souhaité faire évoluer son activité, faire valoir l'artisanat local, aider les gens qui étaient dans le besoin. En décembre 2016, elle a monté un collectif d'artisans et artistes : Les Artiz' de l'espoir. Ce collectif, une quinzaine de personnes, a participé à une exposition-vente à la Maison de la culture à l'occasion des fêtes de fin d'année.

Le prix des stands était proposé à moindre coût mais, en échange, les membres du collectif acceptaient de donner l'un de leur produit pour la cause. Une collecte de pièces grises a été mise en place, elle a permis de rassembler 152 197 francs. L'intégralité de cette somme a été remise à l'accueil Te Vai'ete qui gère les dépenses de santé des personnes en grande précarité à Papeete.

Une heureuse rencontre

"Je fais de la confiture, un rêve de petite fille", raconte Odile Beugnot dit "madame confiture". "En décembre 2016, j'ai vu passer une annonce dans le journal indiquant qu'un stand restait libre à l'exposition de la Maison de la culture. J'ai appelé Sherita." La conversation a duré plus d'une heure. Les deux femmes avaient tellement à se dire... "J'ai senti qu'il y avait quelque chose de très fort derrière l'initiative."

Trois ans plus tard, les deux femmes avancent toujours ensemble. Elles portent Les Artiz' de l'espoir, se réjouissant de son évolution. "À l'origine, l'initiative a été soutenue par les artisans et artistes, aujourd'hui ce sont les sans-abris qui prennent la main."

Un an plus tard…

En novembre 2017, une première vente officielle des confitures de Te Vai'ete a été organisée sur le parvis de la cathédrale. "On fait les confitures là-bas", précise Odile Beugnot qui partage son savoir-faire. Depuis lors, tous les premiers week-ends du mois a lieu le samedi soir et le dimanche matin l'événement les Verres de l'amitié. Les confitures y sont vendues.

En décembre 2017, les Artiz' de l'espoir se sont agrandis pour une deuxième exposition. L'événement a eu lieu au centre Vaima avec l'aide cette fois de partenaires et sponsors (dont la Face).

Des obstacles se sont toutefois dressés malgré l'enthousiasme général des acteurs. "On nous a par exemple interdit la pose d'une banderole devant la cathédrale pour annoncer l'événement", se rappelle Sherita Tsong. "La pose de la banderole dans cet endroit stratégique, aurait pu nous donner un coup de pouce supplémentaire. Mais visiblement, tout le monde n'a pas souhaité jouer le jeu." Le collectif a mal vécu l'interdiction.

Il n'a pas baissé les bras. En novembre 2018, il a pensé l'exposition autrement. Il s'est installé sur le parvis de la cathédrale.

Les sans-abris ont confectionné des boîtes customisées à partir de boîtes de conserve, des couronnes de fleurs, des galettes qui ont rencontré un vif succès ainsi que les désormais fameuses confitures. Les idées de production suivant tous la même orientation : recyclage et préservation de l'environnement.

"Les participants se sont épanouis pendant les ateliers, certains ont dévoilé leurs talents cachés!". La 3e édition est "l'aboutissement d'un long parcours de lutte, mais elle symbolise le début d'un nouveau chemin".

Fin mai, pour la fête des mères, une nouvelle exposition a eu lieu. Le chemin se dessine de plus en plus clairement. Il devient tremplin.

Les Artiz' de l'espoir, un tremplin pour les sans-abris
Contacts

Facebook : les Artiz' de l'Espoir

Un nouveau centre Te Vai'ete?

Le père Christophe, toujours en attente d'un nouveau centre a lancé un appel aux dons. "Si 100 000 personnes donnent 1 500 Fcfp, on aura ce centre", donne comme exemple Sherita.



Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 6 Juin 2019 à 16:42 | Lu 1801 fois