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Les Ailes des îles : Opération Bobcat


Hydravion américain de type Sunderland au mouillage. Fonds Guy Brault.
Hydravion américain de type Sunderland au mouillage. Fonds Guy Brault.
Papeete, le 18 janvier 2018 - Le Musée de Tahiti et des îles – Te Fare Manaha accueille jusqu'au 18 mars l'exposition Les Ailes des îles. Cette exposition, organisée par l'association Mémoire polynésienne à l'occasion des 60 ans de la compagnie Air Tahiti et en partenariat avec Aéroport de Tahiti, retrace l'histoire du transport aérien inter-insulaire en Polynésie française. Tahiti infos vous propose de revenir jusqu'au 29 janvier sur les grandes périodes de cette épopée aérienne.

Jean-Christophe Shigetomi, commissaire de l'exposition :
b[Pouvez-vous nous dire en deux mots ce que fut Bobcat ?

"Les Américains attaqués sans déclaration de guerre à Pearl Harbour le 7 décembre 1941 doivent impérativement maintenir des lignes de communications entre Hawaii et l’Australie. La route du Pacifique-nord est désormais contrôlée par les Japonais. Seule la route du Pacifique-sud suffisamment éloignée des zones de combat reste libre laquelle passe par les îles de l’Océanie française. Les négociations engagées avec les autorités de la France libre autorisent le déclenchement de l’opération Bobcat qui consiste à installer dans l’île de Bora Bora une base de défense arrière pour permettre le ravitaillement des cargos rempruntant la route du Pacifique sud et le point de départ de prochaines opérations offensives ."

Quel fut le volet aérien de l’opération Bobcat ?
"Des avions amphibies de reconnaissance et d’observation de type PBY Catalina de l’aéronavale et Kingfisher vont constituer les premières flottes d’aéronefs basés à Bora Bora. Ils sont majoritairement stationnés à Tupua avec slipway et hangars. Le slipway à Tupua existe toujours mais aujourd’hui la route de ceinture fait que les rares vestiges des structures d’appui en béton du hangar des Kingfisher se retrouvent côté montagne."

Bobcat va donner à la Polynésie française sa première piste terrestre avant l’ouverture de l’aéroport de Tahiti-Faa’a.
"Effectivement. En octobre 1942, le haut-commandement américain décide la construction de deux pistes sur l’îlot Motu Mute. Une première piste longue de 6000 pieds par 400 pieds de largeur avec des bas-côtés de 150 pieds doit permettre l’accueil de bombardiers lourds. Une seconde piste longue de 3000 pieds par 150 pieds de largeur est destinée aux avions de transport. Les troupes d’assaut américaines seront acheminées par avion ou par bateau sur Bora Bora avant d’être embarquées ou aérotransportées vers les théâtres d’opérations. Les travaux de construction des deux pistes perpendiculaires débutent le 16 décembre 1942. Ils sont menés par un corps spécial d’ouvriers militaires que l’on surnomme les Seabees (les abeilles de mer) que l’on reconnait aisément au casque colonial qu’ils portent. Les travaux menés en moins de sept semaines sans interruption permettent l’ouverture des deux pistes le 5 avril 1943. Elles seront exploitées jusqu’en juin 1946, puis fermées au trafic aérien. La piste la plus longue sera réouverte comme escale pour les vols transpacifique commerciaux dans les années 1950 faisant de Motu Mute le premier des aérodromes commerciaux intérieurs de la Polynésie française."


Vous étiez à Bora Bora il y a peu de temps dans le cadre de la réalisation d’un documentaire dont une partie traite de ce volet aérien en particulier ?
"Effectivement j’ai participé en qualité de conseil historique à un documentaire qui racontera la Guerre du bout du monde et dans lequel un large volet traite des 2 pistes de Motu Mute et de la base des hydravions de Tupua."

Vous avez des projets notamment sur l’îlot de Motu Mute à Bora Bora ?

"Oui, l’idée serait l’installation d’un espace muséal dédié au rôle de Bora Bora dans la Guerre du Pacifique puis l’exploitation commerciale de la piste de Motu Mute. L’étude est en cours. Elle sera menée par l’association Mémoire polynésienne avec le concours de notre Fondation créée le 22 août 2017. A suivre donc."


1942 Bora Bora, l’héritage de la guerre

Un unique appareil, son hangar et son personnel furent installés sur la côte nord de Tahaa. Ce dispositif devait permettre à l’avion de descendre à Tahiti pour attendre les ordres en cas d’attaque de Bora Bora.
Un unique appareil, son hangar et son personnel furent installés sur la côte nord de Tahaa. Ce dispositif devait permettre à l’avion de descendre à Tahiti pour attendre les ordres en cas d’attaque de Bora Bora.
Avec l’agression japonaise de Pearl Harbor et l’entrée en guerre des États-Unis, l’État-major américain décide dans l’urgence, de créer une base de ravitaillement à mi-chemin de la diagonale Californie-Nouvelle-Zélande et Australie, leurs alliés dans le Pacifique Sud. Les archipels français présentent la meilleure situation, et Bora Bora est choisie. On y installera deux pistes d’aviation, des dépôts d’hydrocarbures, des ateliers de maintenances, un système de dessalement d’eau de mer, une unité de
surveillance aérienne et toute une organisation de défense. En quelques semaines, l’opération Bobcat est lancée.
Ainsi, cette gigantesque organisation acheminera des centaines de tonnes d’équipements et de matériaux qu’accompagneront 4 500 hommes. Ces personnels sont essentiellement composés de Seabee de l’US Navy.
Ce corps, toujours actif de nos jours, fut créé à l’occasion de l’entrée des États Unis dans la guerre, se constituant d’hommes recrutés dans l’industrie, le bâtiment et les travaux publics. Ils devaient remplacer les ouvriers civils dont l’emploi devenait
impossible en zone de guerre. L’ensemble des travaux débutera le 16 décembre 1942 pour rendre la base opérationnelle en avril 1943. Les personnels US quitteront définitivement la base le 2 juin 1946, en laissant aux E.F.O son premier aérodrome.


1947, Bora Bora première escale internationale des Établissement Français d’Océanie

Après le retrait des forces armées américaines de Bora Bora, de premiers courriers transpacifiques font escale à Bora Bora. La compagnie Pan American se pose la première sur Motu Mute sur son trajet Honolulu-Fidji puis en 1958 suit, le Super G de la Qantas.
La compagnie calédonienne Trapas assure les transits entre Bora Bora et Tahiti pour l’acheminement sur Tahiti des quelques passagers embarquant et débarquant des vols internationaux. En 1950, Air Tahiti poursuit la liaison Bora Bora –Tahiti avec son Grumann de 8 places.
Les Transports aériens intercontinentaux (TAI) vont poursuivre la desserte de Bora Bora au moyen de leur DC 7C sur leur liaison Nouméa-Bora Bora-Honolulu-Los Angeles jusqu’à l’ouverture de l’aérodrome de Tahiti-Faa’a.

Dessin de Jean-Louis saquet.
Dessin de Jean-Louis saquet.

Dessins de Jean-Louis Saquet.
Dessins de Jean-Louis Saquet.
Les hydravions de la paix

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, un immense parc d’aéronefs est soudain proposé à la vente par les Marines US et britanniques. Les prix très bas proposés, y compris pour des hydravions à potentiels confortables, attirent naturellement des rêveurs, de futurs transporteurs et autres financiers courageux qui pensent à l’opportunité, surtout en Océanie, d’établir des liaisons inter-îles. Ces entreprises pionnières révéleront un équilibre financier impossible à atteindre et ne pourront survivre qu’avec quelques subventions qu’elles obtiennent parfois à la
limite d’un arrêt d’activité. La raison principale de ce handicap est l’accroissement considérable des frais de maintenance inhérents à la mise en oeuvre d’un avion amphibie. Il faut se souvenir qu’à l’origine, toutes les machines amphibies furent conçues par
et pour les militaires qui n’avaient aucune raison de limiter les coûts d’un entretien très exigeant sur des appareils utilisés en milieu salé. Seuls certains avionneurs britanniques inventèrent dans l’entre-deux-guerres, de gros hydravions de ligne destinés à leurs colonies d’outre-mer. Ce premier concept commercial est alors assez rentable pour les transporteurs. Boeing, suivant cet exemple, créera pour Pan Am les premières liaisons transpacifiques avant l’attaque de Pearl Harbor. Les fuselages-coques sans atterrisseurs sont alors d’assez grandes dimensions et peuvent accueillir à bord, en cabines confortables de première classe, une quarantaine de passagers. Par ailleurs, les quatre moteurs, placés assez haut sur les ailes, sont aussi moins sensibles à la corrosion. La plus petite version de ce type, le Sunderland transformé en avion de guerre par Short Brothers, va devenir notre pacifique Bermuda.

Infos pratiques :

Musée de Tahiti et des Iles - Te Fare Manaha
Pointe des Pêcheurs à Punaauia
Jusqu'au dimanche 18 mars 2018
Ouvert du mardi au dimanche de 9 à 17 heures
Tél : 40 548 435
www.museetahiti.pf

le Jeudi 18 Janvier 2018 à 07:49 | Lu 1311 fois