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Le pari du cannabis thérapeutique


Tahiti, le 11 mars 2025 – C'est parti. Après l'adoption de la loi du Pays sur le cannabis thérapeutique et les arrêtés d'application, la Direction de l'agriculture (DAG) lance un appel à candidatures jusqu'au 1er avril pour participer à la phase pilote qui durera un an. Deux agriculteurs par archipel, soit 10 au total, seront sélectionnés, et devront obligatoirement disposer d'un foncier propre de 1.500 m2 chacun. La DAG leur fournira 500 graines chacun et un accompagnement technique. Un pari sur l'avenir.
 
Les arrêtés d'application de la loi du Pays adoptée en août 2024 ont été publiés le 6 février dernier, et la DAG passe maintenant à l'étape suivante avec le lancement d'un appel à candidatures pour la phase pilote de production de cannabis thérapeutique à faible teneur en THC (inférieure ou égale à 0,3%). L'objectif majeur étant de répondre à un enjeu de santé publique en permettant l'accès à de nouvelles options de traitement pour les Polynésiens grâce au CBD notamment.
 
Seuls 10 candidats seront retenus et ils ont jusqu'au 1er avril pour se manifester auprès de la DAG. Les futurs pionniers de cette filière devront être particulièrement motivés et visionnaires car ils devront répondre à des critères précis : être agriculteur professionnel et résider en Polynésie depuis au moins dix ans. Mais pas seulement.
 
Les arrêtés d'application encadrent ces lieux de culture de cannabis qui devront obligatoirement se tenir à au moins 100 mètres de distances des écoles, garderies, établissements de loisirs pour les jeunes, mais aussi des différents édifices consacrés à un culte quelconque ainsi que les voies ouvertes à la circulation. Autre contrainte, il faudra qu'il y ait une gendarmerie et une antenne de la DAG qui soient également à proximité de ces lieux de production où des contrôles seront effectués une à plusieurs fois par mois. Enfin, le Pays ne mettra pas de terres domaniales à disposition de ces porteurs de projets qui devront disposer de leur foncier propre, qu'ils en soient propriétaires ou locataires. De quoi freiner quelques ardeurs... D'autant qu'ils devront aussi sécuriser, à leurs frais, leur lieu de production et opérer un suivi précis.
 
Des débouchés à long terme
 
Mais c'est un pari sur l'avenir, comme l'explique Tetia Peu, ingénieure agronome en charge des filières horticoles et plantes aromatiques médicinales à la DAG : “On sait que le cannabis que le marché mondial représente une part importante. Il y a divers débouchés aussi potentiels pour la production de cannabis que ce soit pour le CBD avec les fleurs, pour la fibre le chanvre ou l'aspect alimentaire avec les graines de chanvre, donc on sait qu'il y a un potentiel économique.” Elle ajoute que cette législation va servir de “levier pour le développement” de la filière et qu'à terme, cela va créer de l'emploi.
 
Après les premiers tests de culture concluants effectués en conteneurs à l'Institut Louis Malardé (ILM), place au plein air avec cette phase pilote pour comparer les résultats en condition réelle (ensoleillement, pluie, etc.), et voir sur les 500 graines distribuées à chacun des lauréats, quelles semences respectent le taux de THC requis et seront conservées, et lesquelles seront détruites. “Chaque archipel a son microclimat et ça permettra de faire différents stades de prélèvements à différents stades de floraison pour évaluer le pic de production”, souligne Tetia Peu. Avec une production à court terme dès trois mois, cette phase pilote d'un an permettra d'avoir au moins trois, voire qautre récoltes pour prélever des échantillons et les analyser.
 
Les dix candidats sélectionnés signeront un partenariat avec la DAG et devront répondre à un cahier des charges avec notamment un catalogue des variétés certifiées. “La plupart des porteurs de projets préfèrent se lancer dans le CBD car c'est plus lucratif, mais on ne ferme pas la porte à ceux qui veulent faire du chanvre aussi”, souligne encore Tetia Peu. À terme ils deviendront peut-être formateurs pour d'autres. Après la clôture des dépôts de candidatures prévue le 1er avril, la DAG prévoit environ deux mois pour instruire les dossiers et choisir les heureux élus, “et on espère une mise en œuvre de la phase pilote, et donc des premières graines semées d'ici mi-2025, en juin", précise Tetia Peu.

Tetia Peu, ingénieure agronome

Quel est le profil des agriculteurs pour participer à ce projet de phase pilote ?

“Parmi les critères importants, il faut que ce soient des agriculteurs professionnels détenteurs de la carte CAPL. Ensuite il y aussi une condition de 10 ans de résidence en Polynésie française à respecter. En passant par des agriculteurs professionnels, l'idée aussi c'est qu'ils aient la compétence agricole, des connaissances en agronomie. [...] Ce qu’il est nécessaire de savoir aussi pour les porteurs de projets, c'est qu'aucune terre domaniale ne sera mise à disposition des candidats. Il faudra qu'ils viennent avec leur foncier propre, propriétaire ou locataire.”
 
Qu'est-ce que la DAG fournit à ces porteurs de projets ?

“Ce qu'on va mette en place avec ces dix producteurs de cannabis qui seront sélectionnés, c'est un partenariat avec la DAG pour un suivi, un accompagnement technique, la fourniture des semences qui seront gratuites, et toute la partie prélèvements des échantillons et analyses qui seront à la charge de la DAG.”
 
Ça représente quand même un investissement important pour ces porteurs de projets. Quel est leur intérêt finalement de se lancer dans une aventure comme celle-ci ?

“On sait que le cannabis que le marché mondial représente une part importante. Il y a divers débouchés aussi potentiels pour la production de cannabis que ce soit pour le CBD avec les fleurs, pour la fibre le chanvre ou l'aspect alimentaire avec les graines de chanvre, donc on sait qu'il y a un potentiel économique. Ensuite, on est sur une production rapide donc au bout de trois à six mois maximums, on a une première récolte, donc là on peut avoir des bénéfices régulièrement dans une année. Et étant donné que ce seront nos premiers agriculteurs autorisés à cultiver du cannabis sur le territoire, avec en plus un accompagnement technique de la DAG, ça leur permet d'éprouver leur pratique agricole, la production de cannabis et de se positionner en premier sur le marché local mais aussi potentiellement à l'international s'il y a une filière d'exportation qui se met en place.”
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 11 Mars 2025 à 16:47 | Lu 4225 fois