Tahiti Infos

Le para-va'a se prépare pour ses premiers Jeux Olympiques


Le para-va'a est désormais un sport olympique. Premières chances de médailles pour nos rameurs : août 2020 à Tokyo !
Le para-va'a est désormais un sport olympique. Premières chances de médailles pour nos rameurs : août 2020 à Tokyo !
PAPEETE, le 18 juillet 2018 - Pour les sportifs du para-va'a polynésien, les JO de Tokyo en 2020 seront absolument historiques : trois épreuves de pirogue polynésienne seront disputées pour la première fois lors des jeux paralympiques. Pour nos athlètes, c'est une très sérieuse chance d'obtenir la médaille d'or la plus prestigieuse au monde... Les rameurs et leur fédération prennent cette compétition très au sérieux et ont commencé leur préparation, avec un championnat du monde de va'a vitesse qui servira d'entrainement à nos meilleurs sportifs et leurs encadrants.

Demain, c'est le lancement des championnats du monde de va'a vitesse. Les courses vont s'enchaîner sur le lagon de Pirae avec des équipes du monde entier qui rameront de toutes leurs forces dans l'espoir de décrocher une médaille. Parmi eux, les athlètes du para-va'a seront mis à l'honneur ces jeudi et vendredi avec pas moins de 19 courses dans les différentes catégories retenues.

Chez ces sportifs, les Polynésiens sont très bien placés pour remporter une série de médailles. Mais l'événement revêt également une importance spéciale pour nos rameurs handisport, leurs entraîneurs et leur fédération : c'est l'occasion de s'entrainer au plus haut niveau et de mettre en place toute l'infrastructure nécessaire pour accompagner ces sportifs jusqu'aux Jeux Paralympiques de Tokyo, en août 2020, où trois épreuves de para-va'a sont programmées parmi les épreuves de canoë-kayak.

Les talents polynésiens intégreront l'équipe de France aux JO

Justement, la Fédération Polynésienne de Sports Adaptés et Handisport (FPSAH, qui gère le para-va'a polynésien) accompagnée par le Comité Organisateurs Local (COL, qui organise les championnats du monde), organisait un stage de perfectionnement la semaine dernière, du 10 au 12 juillet. L'occasion de faire des courses d'exhibition (Va'a no te ora) pour roder nos équipes et les cinq nouveaux "classificateurs" para-va'a polynésiens qui reviennent de formation en Australie. C'était aussi le moment de montrer le potentiel du para-va'a polynésien à Jean-Christophe Gonneaud, conseiller Technique de la Fédération Française de Canoe Kayak (FFCK), et à Papia Prigent la manageur de l'équipe de France olympique et paralympique, qui étaient invités spécialement pour l'occasion (voir interviews).

C'est la FFCK qui est en charge de la délégation française de para-va'a. Elle pourra sélectionner des athlètes polynésiens pour intégrer l'équipe de France et participer à aux Jeux Paralympiques de Tokyo. Une participation qui serait historique pour le va'a polynésien. Les officiels nous confirment également qu'un succès de l'événement paralympique pourrait aider à convaincre le Comité Olympique International (CIO) d'intégrer notre sport national aux épreuves générales des Jeux Olympiques de Paris en 2024 !



Papia Prigent, directrice technique nationale adjointe de la FFCK et manageur de l'équipe olympique et paralympique

Papia Prigent, manageur de l'équipe de France aux JO et aux Jeux Paralympiques
Papia Prigent, manageur de l'équipe de France aux JO et aux Jeux Paralympiques
"Ce serait dommage pour la fédération de passer à côté de cette expertise qui existe ici, pour avoir une équipe de France plus forte "

Que fais-tu à Tahiti ?

Ma mission c'est manageur de l'équipe olympique et paralympique, d'où ma venue ici pour les championnats du monde de para-va'a. Je découvre tout ici, puisque c'est ma première venue en Polynésie, tout sauf le para-va'a puisque l'équipe de France a déjà des membres qui pratiquent le va'a et le para-va'a, notamment en course en ligne que j'accompagne aux championnats du monde de sprint classique.

C'est donc toi qui va entraîner les rameurs français qui participeront aux premières épreuves olympiques de va'a ?
Je suis entourée d'une équipe d'entraîneurs qui assure l'entrainement quotidien, par contre je construis avec mes collègues, notamment le head coach de l'équipe para-canoë, la stratégie pour être présent aux Jeux Paralympiques sur ces nouvelles épreuves. Elles n'étaient pas à Rio, donc on part de zéro, mais il y a des équipes qui font ça depuis longtemps. Justement, Tahiti en fait partie, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou la Grande Bretagne qui ont des compétiteurs déjà bien armés. Donc j'ai la mission d'élaborer les stratégies et trouver les rameurs qui auront envie de mener un projet vers l'excellence et vers les Jeux Paralympiques.

Ces rameurs pourraient-ils être polynésiens ? Quels sont les critères pour intégrer l'équipe de France ?
Bien sûr ! Je me doute qu'ici, avec l'expertise qui existe dans le va'a depuis tellement longtemps, il y aura forcément des pagayeurs qui vont être les meilleurs. Les critères pour intégrer l'équipe de France, ce sera déjà d'avoir envie de mener ce projet-là, c'est quand même un projet de haute performance qui demande beaucoup d'engagement, il ne suffit pas seulement de s'inscrire pour participer aux Jeux. Après, les athlètes qui veulent vraiment aller remporter une médaille aux JO passent une grande partie de leurs journées à s'entraîner, mais on a des aménagements pour ça, selon l'âge de l'athlète. C'est vrai qu'aménager les études d'un athlète de 16 ans, ce n'est pas la même organisation que pour un athlète de 30 ans qui a un travail. Mais nous sommes une fédération amateur, donc aucun rameur n'est professionnel.

Nos rameurs pourront-ils s'entraîner en Polynésie ?
Je pense que tout le monde peut s'entrainer chez soi si les conditions sont bonnes, et ici elles sont idéales. Après, c'est intéressant à un moment d'avoir de la confrontation, ne serait-ce que pour sélectionner ceux qui vont partir, donc je pense qu'à l'avenir, on pourrait avoir des pagayeurs de métropole qui viennent s'entrainer ici, et inversement des Polynésiens qui viennent nous rendre visite, par exemple à l'occasion d'un championnat du monde, ou que l'on fasse des camps d'entrainement ensemble. Ça leur permettra de se déterminer et de s'approprier le système de sélection qui existe, puisqu'il va falloir déterminer qui viendra à Tokyo. Nous n'avons qu'une ou deux places par catégorie et il faudra aller chercher des quotas supplémentaires avec de bons résultats lors des championnats du monde organisés par la fédération internationale. Donc c'est vrai que c'est intéressant de se préparer ensemble. Et il est aussi hyper-important d'avoir des entraineurs formés et motivés au plan local, comme ceux qui reviennent de formation. Ils doivent être aussi impliqués et motivés que les athlètes, donc ça c'est une force pour Tahiti, pour développer ce sport et développer le niveau des pagayeurs locaux.

Est-ce que d'avoir les rameurs Polynésiens dans l'équipe de France augmente nos chances de médailles ?
Je pense oui, c'est un bel atout et ce serait dommage pour la fédération de passer à côté de cette expertise qui existe ici, pour avoir une équipe de France plus forte.


Jean-Christophe Gonneaud, Conseiller Technique de la Fédération Française de Canoe Kayak et membre du comité technique para-canoë à la fédération internationale de canoë

Jean-Christophe Gonneaud (en troisième position) entouré de trois des cinq membres de la fédération handisports polynésienne ayant suivi la formation de "classificateur" en Australie : Jérémie Le Fort, Clyde Ebb et Alain Barrere.
Jean-Christophe Gonneaud (en troisième position) entouré de trois des cinq membres de la fédération handisports polynésienne ayant suivi la formation de "classificateur" en Australie : Jérémie Le Fort, Clyde Ebb et Alain Barrere.
"La pirogue polynésienne sera nommée va'a dans tous les événements olympiques. Nous on se bat au niveau de la fédération international pour avoir ce nom polynésien !"

L'arrivée du para-va'a aux JO, alors que la France a un tel vivier de talents en Polynésie, est-ce un cadeau du ciel pour la FFCK ?

(Rires) Ce n'est pas un cadeau tombé du ciel puisqu'on a déjà dû lutter pour que la pirogue entre au programme des Jeux Paralympiques. Elle avait été inscrite dès Rio, mais malheuresement il n'y avait pas suffisamment de pratiquants et le secteur n'était pas assez structuré, donc les épreuves ont été reportées. Depuis, il y a beaucoup plus de monde qui a commencé à pratiquer et une nouvelle classification a été mise en place avec une étude scientifique du mouvement qui permet de justifier pourquoi on réparti les classes de handicap dans la manière qui est faite actuellement. Cette classification scientifique donne toute la base juridique pour faire des jeux paralympiques. Donc ça a été complexe.

Combien y-a-il de pratiquants du para-va'a aujourd'hui ?
On a du mal à l'évaluer. Au niveau de la fédération en France, on a une trentaine de participants. Et aux championnats du monde de para-va'a organisés par l'ICF (Fédération internationale de canoë), donc différent de la compétition organisée ici, il y a entre 30 et 50 participants.

Quelle est votre mission à Tahiti pendant ces deux semaines ?
Regarder les athlètes courir, observer les niveaux et constater les forces en présence. Et aussi prendre contact avec le staff, échanger le maximum d'informations avec tout l'encadrement qui est déjà très bien en place ici au niveau de Tahiti. C'est pour que les bonnes informations circulent et gagner du temps pour la suite. Parce que l'objectif est effectivement d'être tous regroupés dans la même équipe au moment des Jeux Paralympiques à Tokyo.

Quels moyens la FFCK mettrait-elle à disposition de la FPSAH pour développer le niveau des athlètes ?
C'est un peu le but de la rencontre, mais ça restera à la discrétion des présidents des deux fédérations. Je pense que cette aide portera beaucoup sur la partie logistique et sur l'adaptation aux compétitions en Europe. Avoir accès aux camps d'entrainements de l'équipe de France pour rattraper le décalage horaire dans de bonnes conditions, se sentir accompagné, en sécurité, que ce soit facile pour les Polynésiens de venir participer aux compétitions internationales... Ca permettra aussi aux athlètes et au staff de se rencontrer et de créer des liens. Ces liens se créent depuis 2010, donc ça fait déjà huit ans que l'on travaille ensemble et on voit bien le développement du para-va'a, aujourd'hui aux Jeux Paralympiques.
Ce qui est particulier c'est que la participation aux championnats du monde est de la responsabilité de chaque fédération, il pourrait y avoir une équipe de France et une équipe de Tahiti, donc là on est plus dans une coopération et un échange d'expertise. Par contre, la participation aux jeux paralympiques est sous l'égide du Comité Paralympique Français, donc il y aura une seule équipe de France, composées aussi de Tahitiens je l'espère, qui partira à Tokyo.

Comment s'appelleront les épreuves de para-va'a aux Jeux Paralympiques ? Le terme anglais Outrigger Canoe ?
Non, ça s'appellera "Para-va'a events" ! En pratique, lors des épreuves de para-canoë il y aura du para-kayak et du para-va'a. Le mot "canoe" en anglais désigne toutes les embarcations à pagaie et à rame. Donc la pirogue polynésienne sera nommée "va'a" dans tous les événements olympiques. Nous on se bat au niveau de la fédération international pour avoir ce nom polynésien !


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 18 Juillet 2018 à 12:54 | Lu 3154 fois