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Le meurtre de Toahotu devant la cour d’assises


Le meurtre de Toahotu devant la cour d’assises
Tahiti, le 26 août 2020 - La deuxième session de la cour d’assises de Papeete pour l’année 2020 s’ouvrira le 1er septembre pour deux semaines. La juridiction devra notamment se pencher sur le cas d’un homme de 21 ans, accusé d’avoir tué un autre homme à l’aide d’un pied de biche à Toahotu, dans la nuit du 28 au 29 octobre 2017. Jamais condamné auparavant, l’accusé, qui a reconnu les faits sur fond de dette liée au trafic de stupéfiants, encourt 30 ans de réclusion criminelle.
 
Un crime particulièrement sordide sera jugé lors de la deuxième session de la cour d’assises de Papeete qui se tiendra du 1er au 15 septembre. Un homme de 21 ans va en effet comparaître devant les jurés pour répondre de l’assassinat d’un homme de 26 ans, commis à Toahotu dans la nuit du 28 au 29 octobre 2017. L’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises de Papeete rendue par le juge d’instruction en charge du dossier, Thierry Fragnoli, et que Tahiti Infos s’est procuré, laisse entrevoir la singularité de ce crime, que ce soit au regard de son mode opératoire, de l’arme utilisée ou de la durée de l’enquête. 
 
Le 29 octobre peu avant neuf heures du matin, les gendarmes avaient été appelés après la découverte du corps sans vie d’un jeune homme dans un petit cabanon situé sur un terrain comportant une maison à Toahotu. Tel que le précise le magistrat instructeur dans son ordonnance de mise en accusation, l’on pouvait établir que "la victime avait reçu plusieurs coups à l’aide d’un objet qui ne pouvait pas être déterminé". Saisie de l’enquête par le parquet, la Section de recherches de Papeete (SR) avait recueilli de premiers éléments de contexte selon lesquels la victime "avait élu domicile dans la propriété de son grand-père" et que "deux couples de colocataires résidaient dans la maison principale" alors qu’elle occupait un "bungalow au bord du lagon". C’est d’ailleurs l’un de ses colocataires qui avait retrouvé le jeune homme mort. 
 
Durant de longs mois, les enquêteurs avaient exploré toutes les hypothèses pour tenter de résoudre ce crime. Tel que le précise le magistrat instructeur, cette lenteur était liée au fait que "le nombre conséquent d’amis – ou simples connaissances – de la victime" avaient, pour certains, "quelques difficultés à se repérer dans le temps, pour des raisons diverses". Des difficultés qui avaient rendu les investigations "complexes".

Aveux et revirement

Le 23 octobre 2018, soit 13 mois après le meurtre, un jeune homme – connaissance de la victime – avait été placé en garde à vue dans les locaux de la Section de recherches où il avait reconnu les faits en les exposant de manière "très circonstanciée", tel que l’avait constaté le juge d’instruction dans son ordonnance de mise en accusation. Face aux enquêteurs, le mis en cause avait expliqué que, durant la nuit du crime, il s’était rendu chez la victime à pied. Sur le chemin, "il avait récupéré un pied de biche qu’il avait préalablement caché dans la buse d’un caniveau". Arrivé sur place, il avait exigé de la victime "le règlement immédiat d’une dette liée au trafic de stupéfiants". Cette dernière lui ayant répondu qu’elle n’était pas en capacité de le payer, l’accusé avait alors expliqué qu’il lui avait asséné plusieurs coups de pied de biche et ce, "de toutes ses forces".
 
À la suite de ces aveux, le jeune homme avait été présenté devant le juge d’instruction Thierry Fragnoli. Mis en examen pour meurtre, il avait de nouveau reconnu les faits devant ce dernier en précisant même qu’il avait eu l’intention de tuer tous les occupants de la maison, mais qu’il avait changé d’avis lorsqu’il avait constaté la présence d’un enfant qui dormait. À nouveau entendu par le magistrat instructeur, il était revenu sur ses aveux avant de les réitérer une énième fois lors de la reconstitution du crime qui avait eu lieu le 2 juillet 2019. Dans son ordonnance de mise en accusation, le magistrat évoque d’ailleurs ces "revirements" qui paraissent "peu crédibles" puisque l’accusé a indiqué de manière "extrêmement circonstanciée des détails qu’il disait avoir inventés, mais qui correspondaient effectivement aux éléments du dossier, jamais publiés dans la presse, avec une telle précision que seul pouvait connaître l’auteur des faits".

"Défense contre la dépression"

Pour le psychologue et le psychiatre qui l’ont examiné et dont les rapports figurent dans l’ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises, l’accusé présente une "organisation limite de la personnalité". Il a "recours aux drogues et aux addictions", et cette conduite "correspond à une défense contre la dépression". Avant d’être interpellé, il "subsistait essentiellement par le trafic de stupéfiants". Sur la violence du crime, les experts notent que la nature des faits qui sont reprochés au jeune homme lui "confère une indéniable dangerosité" et que le risque de récidive paraît "important". Bien que le psychologue note qu’il exprime "des regrets qui paraissent sincères", le psychiatre relève que "l’authenticité de ses regrets peut être mise en doute au regard des attitudes de manipulation observées (propos souvent contradictoires chez un individu qui ne présente aucun trouble de la mémoire)".

Le procès de ce jeune homme s’ouvrira donc le 7 septembre prochain pour deux jours. S’il est reconnu coupable du meurtre, il encourt la peine maximale de trente ans de réclusion criminelle.
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 26 Août 2020 à 21:26 | Lu 5269 fois