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Le manque de modération sur les réseaux fait "exploser la haine", dénonce le président de la Ligue antidiffamation


Crédit Justin TALLIS / AFP
Crédit Justin TALLIS / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 03/07/2025 - Les réseaux sociaux américains, en décidant d'assouplir les règles de modération des contenus qu'ils publient, ont contribué à "une explosion de haine" en ligne, a déploré dans un entretien avec l'AFP le président de la Ligue antidiffamation (ADL), une importante association de lutte contre l'antisémitisme siégeant à New York.

"Les entreprises de réseaux sociaux et la Big Tech, de manière plus générale, ont un rôle essentiel à jouer" dans la lutte contre l'antisémitisme et les discours haineux, juge Jonathan Greenblatt. 

Or ces grands groupes, "les plus rentables du monde, les plus innovants de l'histoire du commerce, ont décidé de déléguer la modération à leurs utilisateurs", regrette-t-il, affirmant constater depuis "une explosion de haine sur ces réseaux".

La société américaine Meta (Facebook, Instagram), qui avait investi des milliards de dollars ces dernières années pour contrôler les contenus sensibles, a annoncé en janvier la fin du fact-checking aux Etats-Unis, auquel participait l'AFP, et a décidé d'écarter moins de messages et de publications susceptibles de faire entorse à ses normes, notamment en matière de propos visant des minorités. 

Depuis qu'il a acheté Twitter, rebaptisé X, Elon Musk a quant à lui autorisé les propos haineux et la désinformation au nom de la liberté d'expression.

- "Problématique" -

"D'Amazon à X, d'Alphabet à Meta, toutes ces entreprises doivent être bien plus proactives parce que, à mesure qu'elles se sont retirées de la modération des services, aussi imparfaite fut-elle, les choses ont empiré" sur les réseaux, insiste le président de l'ADL. "C'est profondément problématique".

La guerre dans la bande de Gaza a par ailleurs entraîné une augmentation massive des actes et des discours antisémites, selon le rapport annuel de l'ADL qui fait état d'une "explosion" des actes et des discours antisémites depuis le 7 octobre 2023, date de l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël, suivie d'une riposte militaire meurtrière de l'armée israélienne dans la bande de Gaza qui dure depuis plus de 20 mois.

Aux Etats-Unis, notamment, "nous avons vu une augmentation massive du harcèlement, du vandalisme et de la violence sur les campus universitaires" après le 7 octobre, explique Jonathan Greenblatt.

Concernant la charge de Donald Trump contre des universités américaines, dont Harvard et Columbia, qu'il accuse, entre autres griefs, d'être des bastions de l'antisémitisme, le président de l'ADL se dit "reconnaissant" car "le ministère de l'Education et la Maison Blanche ont fait appliquer la loi de manière très rigoureuse".

- "Possibles excès" vis-à-vis des campus -

A contrario, "lorsque le président Biden exerçait ses fonctions, malgré nos interactions directes avec l'administration, nous n'avons pas vu une approche très proactive pour traiter l'antisémitisme" sur les campus, regrette-t-il.

Toutefois, aujourd'hui, "nous sommes préoccupés par de possibles excès", le gouvernement américain ayant notamment interdit l'entrée aux Etats-Unis des étudiants étrangers devant intégrer Harvard et lui ayant retiré deux milliards de dollars de subventions. 

"Un travail réel doit être effectué pour aider Harvard et Columbia à corriger les problèmes" mais "nous ne voulons pas que le remède soit pire que la maladie", alerte M. Greenblatt, de passage à Paris pour assister ce jeudi au dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).

Interrogé sur le soutien à Israël et à la communauté juive du parti français d'extrême droite Rassemblement national, dont le fondateur Jean-Marie Le Pen fut régulièrement condamné par les tribunaux pour avoir notamment renvoyé la Shoah à un "détail" de l'Histoire, M. Greenblatt explique ce phénomène par une mutation du positionnement politique des mouvements.

"De nombreux Juifs français étaient fortement associés à ce que vous pourriez qualifier de gauche politique dans ce pays. Aujourd'hui, les choses sont assez différentes", analyse-t-il.

"De nombreux militants politiques juifs et personnes ordinaires se sentent abandonnés par la gauche à cause de leur approche des questions relatives à l'antisémitisme, à Israël ou des questions plus larges liées au Moyen-Orient. Donc les personnes affiliées à la droite politique s'identifient plus ouvertement aux causes défendues par la communauté juive".

"Cela n'est pas unique à la France", assure-t-il, évoquant "un phénomène similaire au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, dans de nombreuses démocraties libérales", affirme M. Greenblatt.

le Jeudi 3 Juillet 2025 à 06:51 | Lu 309 fois