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Le génome de la vanille sort ses arômes


TONY KARUMBA / AFP
TONY KARUMBA / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 05/05/2022 - Avis aux amateurs de vanille: les chercheurs ont publié plus de 80% du génome de cette plante, facilitant ainsi, espèrent-ils, le développement de variétés plus vigoureuses et résistantes aux maladies et au changement climatique.

Les gousses de Vanilla planifolia donnent un parfum reconnaissable entre tous grâce notamment à son arôme de vanilline. Mais cette espèce, qui assure plus de 95% de la production mondiale de vanille naturelle, souffre d'un gros handicap: une très faible diversité génétique associée à une grande sensibilité à une maladie redoutable, la fusariose.

Or, créer par croisement de nouvelles variétés plus résistantes demande "un temps assez long, de sept à huit ans de graine à graine", explique à l'AFP la généticienne Carine Charron, co-auteure d'une étude publiée jeudi dans Plant Communications. 

Facteur aggravant, les chercheurs ne disposaient jusqu'ici que du tiers environ de la séquence du génome de Vanilla planifolia, pas assez pour cerner quels gènes favoriser dans les croisements de variété. 

Un consortium de recherche français, coordonné par le Cirad à La Réunion --qui abrite la plus grande collection au monde de vanilliers-- s'est attaqué en 2017 au séquençage du reste du génome de Vanilla planifolia.

Une gageure, car la liane, qui appartient à la famille des orchidées, a une caractéristique bien particulière: presque un tiers de son génome est surreprésenté dans les noyaux des cellules de la plante, "masquant" ainsi les deux-tiers restants aux techniques classiques de séquençage.

"On a réussi à contourner en partie ce problème en allant chercher l'information dans les tissus nodaux de la plante", contenant tout l'ADN en même quantité, explique à l'AFP l'ingénieur en bio-informatique Quentin Piet, doctorant à l'Université de La Réunion et principal auteur de l'étude. 

- Champignons et changement climatique -
Avec ce catalogue de plus de 59.000 gènes de Vanilla planifolia, disponible sur une plateforme en ligne, les chercheurs vont pouvoir accélérer les programmes d'amélioration des variétés. "On va savoir plus vite si un croisement de variétés de plantes possède tel ou tel gène qui peut être intéressant, pour ensuite poursuivre le processus de sélection", explique Carine Charron, responsable de la collection de vanilliers du Cirad et de ses plus de 500 variétés.

Le premier objectif est d'obtenir une plante résistant à la fusariose, "une maladie chronique des vanilliers, un champignon du sol qui mange les racines et auquel Vanilla planifolia est très sensible", explique à l'AFP Michel Grisoni, chercheur au Cirad basé à Madagascar. L'île de l'Océan indien assure 80% de la production mondiale de vanille, loin devant l'Indonésie, la Réunion ou le Mexique notamment.

La présence de la fusariose, qui colonise durablement le sol, "oblige le planteur à aller exploiter de nouveaux terrains, s'il en dispose", ajoute le chercheur. 

Michel Grisoni cite aussi le changement climatique "qui commence à se faire sentir dans l'Océan indien", et plus encore au Mexique, avec des températures très élevées qui font avorter les fruits. Autant de raisons de développer "des variétés qui s'adaptent mieux à des conditions extrêmes et résistent mieux aux maladies", ajoute-t-il. 

Sans oublier la possibilité de travailler sur la diversité aromatique de la gousse de vanille. La longue tige brune et grasse, l'ovaire de la fleur, est obtenue à la suite d'une pollinisation manuelle, sur une fleur "qui ne s'ouvre que pendant 24 heures".  

Avec à la clé le goût unique d'une centaine de composants aromatiques, bien au delà de la seule vanilline de synthèse qui colonise les rayons pâtisserie des supermarchés. "Quand on travaille sur la vanille à la Réunion, on fait la différence, on n'utilise que nos gousses", avoue en souriant Carine Charron.

le Vendredi 6 Mai 2022 à 01:37 | Lu 726 fois