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Le coup d’éclat de Fidji


Matt Thistlethwaite, récemment nommé secrétaire d’État australien aux affaires du Pacifique, et Ratu Inoke Kubuabola, ministre des affaires étrangères de Fidji, lundi 29 juillet 2013 à Brisbane.
Matt Thistlethwaite, récemment nommé secrétaire d’État australien aux affaires du Pacifique, et Ratu Inoke Kubuabola, ministre des affaires étrangères de Fidji, lundi 29 juillet 2013 à Brisbane.
SUVA, lundi 29 juillet 2013 (Flash d’Océanie) – Le gouvernement des îles Fidji a lancé lundi une attaque particulièrement virulente à l’encontre de l’Australie, pays auquel Suva reproche, en vrac, sa récente politique dure en matière d’immigration, mais aussi une attitude qualifiée d’ « arrogante ».
Ratu Inoke Kubuabola, ministre des affaires étrangères de l’archipel, au sein d’un gouvernement issu du putsch de décembre 2006, s’est exprimé lundi devant un parterre de responsables économiques, à Brisbane, lors d’une réunion du conseil de promotion des échanges économiques entre les deux pays, sous l’égide du gouvernement australien.
Lors de cette réunion, pourtant censée marquer une volonté de Canberra de réchauffer les relations avec Fidji, après des années de discorde post-putsch, le chef de la diplomatie fidjienne, au contraire, s’en est pris frontalement à la politique australienne, qu’elle soit étrangère ou plus particulièrement concernant le récent accord annoncé avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, où les personnes interceptées en situation irrégulière devraient désormais être systématiquement envoyées dans un camp, sur la petite île de Manus.
Au plan des relations strictement australo-fidjiennes, M. Kubuabola s’est déclaré « profondément déçu » de l’attitude de Canberra, ces dernières années.
« Au lieu de s’engager de manière constructive, l’Australie a choisi de punir Fidji, alors que nous tentons de nous attaquer aux profondes divisions au sein de notre société, aux inégalités et à construire une véritable démocratie », a lancé le ministre fidjien.
Le gouvernement fidjien, dirigé par le Contre-amiral Franck Bainimarama, annonce des élections législatives, censées marquer le retour à la démocratie, pour septembre 2014, avec pour principe directeur un système « une personne, une voix » et l’abolition de l’ancien système qui réservait des circonscriptions à l’un ou l’autre des principaux groupes ethniques de l’archipel (les Fidjiens indigènes et les citoyens d’origine indienne).
Une Constitution est actuellement en voie de finalisation.

« Nous aurions imaginé que l’Australie et la Nouvelle-Zélande auraient au moins essayé de comprendre ce que nous tentions de réaliser (…) Au lieu de ça, ils nous ont tourné le dos », a-t-il poursuivi.
« Il n’est pas facile d’oublier les efforts déployés par l’Australie aux Nations-Unies pour tenter de mettre un terme à l’engagement de Fidji de trois décennies au sein des forces de maintien de la paix (…) Il n’est pas facile d’oublier que le gouvernement australien est parvenu à nous couper l’accès à des prêts de la Banque Mondiale ou de la Banque Asiatique de Développement (…) Il n’est pas facile d’oublier les interdictions de visas, qui sont toujours en place et qui ont entraîné de nombreux désagréments et (…) privé Fidji de la capacité à attirer des gens compétents pour faire tourner nos services », a-t-il enchaîné.
« Pour cette réunion, l’Australie a encore refusé un visa à notre ministre du commerce et de l’industrie… Ce qui veut dire que le ministre le plus à même d’aider les entrepreneurs australiens dans leurs efforts d’expansion commerciale ne peut être présent (lundi) à Brisbane », a-t-il renchéri.
Selon le ministre, désormais « Fidji ne considère plus l’Australie et la Nouvelle-Zélande comme nos alliés et protecteurs naturels. Maintenant, nous regardons vers le monde (…) Vers le Nord et nous tissons des liens plus étroits avec la Chine, l’Inde, l’Indonésie et la Russie ».
Cette politique du « regard vers le Nord » se traduit, du point de vue de Fidji par un accent tout particulier sur l’Asie.
La semaine prochaine, Fidji accueillera par ailleurs à Nadi un « Forum de Développement des îles du Pacifique » et annonce la participation de 23 pays océaniens et d’une dizaine d’autres pays, auxquels le statut d’observateurs a été conféré.
Cette réunion a reçu le soutien financier des gouvernements des Émirats Arabes Unis (370.000 dollars US) et du Koweït (100.000 dollars US).

Haro sur la « solution papoue » : Fidji se pose en grand frère mélanésien

Concernant la « solution papoue » annoncée mi-juillet 2013 par le Premier ministre australien Kevin Rudd, en compagnie de son homologue papou Peter O’Neill, le chef de la diplomatie fidjienne a exigé que des « consultations » aient lieu avec les pays mélanésiens avant que ce système de déportation systématique vers l’île de Manus commence.
« Pour solutionner ce qui est avant tout un problème australien, Canberra propose une solution mélanésienne qui menace de déstabiliser les équilibres socio-économiques déjà fragiles au sein des sociétés mélanésiennes », a déclaré M. Kubuabola en accusant Canberra d’avoir pesé de son poids économique pour « persuader l’un de nos gouvernements mélanésiens d’accepter, le plus souvent de manière permanente, des milliers de personnes qui ne sont pas océaniennes. ».
« Nous en sommes venus à penser que cet accord s’inscrit dans la continuité d’un comportement qui, de la part du gouvernement australien, est irrespectueux (…) et arrogant. Au lieu de traiter les nations du Pacifique sur un pied d’égalité, vos décideurs ignorent trop souvent nos intérêts et nos préoccupations et considèrent comme acquis le fait que nous accèderons de toute manière à leurs souhaits et exigences ».
« Vous me direz : en quoi cette question concerne-t-elle Fidji ? Elle concerne le gouvernement de Fidji dans a mesure où Fidji se considère comme faisant partie d’une communauté mélanésienne élargie, à travers le Groupe Mélanésien Fer de Lance (…) Nous voulons – non, nous exigeons- que nos voix soient entendues (…) Cela ne nous regarde pas de savoir qui va gagner les prochaines élections australiennes. Ça regarde le peuple australien. Mais par contre, nous sommes profondément préoccupés de l’impact de la politique australienne sur nos propres affaires », a précisé le ministre.

Le Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL), dont Fidji vient tout juste de passer la Présidence tournante au mouvement indépendantiste néo-calédonien FLNKS, regroupe, outre ces deux acteurs, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles Salomon et Vanuatu.
Des accords similaires à celui conclu avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont par ailleurs été mentionnés pour d’autres pays mélanésiens tels que les îles Salomon et Vanuatu.

Matt Thistlethwaite, récemment nommé secrétaire d’État australien aux affaires du Pacifique, se trouvait aux côtés du ministre fidjien lorsqu’il a prononcé ce discours musclé.
En fin de semaine dernière, le Contre-amiral Bainimarama, lors d’une interview accordée à une radio néo-zélandaise, s’exprimait en des termes similaires et accusait l’Australie de tout faire pour « blesser » Fidji, le plus souvent en coulisses.
L’homme fort de Suva avait aussi évoqué en termes critiques la « solution papoue » et exclu d’accueillir un nouveau chef de mission diplomatique australienne à Suva, pourtant nommé par Canberra fin 2012 en la personne de Mme Margaret Twomey.
Début juillet 2013, M. Bainimarama était aussi l’invité d’honneur des célébrations marquant le 35ème anniversaire de l’indépendance des îles Salomon.
Il avait alors, dans son discours, la fois exulté les valeurs mélanésiennes face aux grands voisins régionaux et s’était déclaré tout à fait disposé à mettre à la disposition des îles Salomon des effectifs policiers et militaires, sur fond de retrait des troupe de la mission régionale d’assistance et de stabilisation dans cet archipel (RAMSI), principalement financée, ces dix dernières années, par Canberra et Wellington.

pad

Documents ressources :



• La transcription de l’interview du Premier ministre Contre-amiral Bainimarama à Radio Tarana, vendredi 26 juillet 2013

À l’adresse suivante
http://www.fiji.gov.fj/Media-Center/Press-Releases/PM-BAINIMARAMA---RADIO-TRANSCRIPT-OF-INTERVIEW-WIT.aspx?feed=news


Rédigé par PAD le Lundi 29 Juillet 2013 à 05:23 | Lu 785 fois