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Le Premier ministre rejette l’idée de la peine de mort à Vanuatu


Le Parlement à Port-Vila
Le Parlement à Port-Vila
PORT-VILA, mercredi 17 juillet 2013 (Flash d’Océanie) – Le Premier ministre de Vanuatu, Moana Carcasses, s’est officiellement déclaré en début de semaine opposé à toute idée d’introduction de la peine de mort dans cet archipel, malgré une vague de criminalité qui a fait au moins trois victimes depuis juin 2013, dont deux jeunes femmes tuées dans des circonstances particulièrement violentes.

M. Carcasses a estimé qu’au lieu de favoriser cette option, la solution la plus appropriée serait de renforcer l’arsenal judiciaire, y compris concernant les peines d’emprisonnement à vie pour les meurtriers.
Pour appuyer cet argument, le chef de l’exécutif vanuatuan a notamment cité en contre exemple le vieux principe de l’ « œil pour œil, dent pour dent ».
« Bien sûr, c’est ce que nous dit la Bible, mais je pense que le gouvernement devrait renforcer son système judiciaire, faire appliquer la prison à vie pour les meurtriers, mais imposer la peine de mort ne devrait pas être une option », a-t-il déclaré à la presse locale.
Quelques jours auparavant, le nouveau ministre de la justice, Daniel Toara, s’était exprimé en des termes similaires en se déclarant opposé à la peine de mort à l’occasion de la visite aux agents des services correctionnels de la capitale.
Il a aussi rappelé qu’en l’état, la peine de mort était en contradiction avec la Constitution de Vanuatu, qui évoque les notions de « respect des valeurs coutumières et culturelles » ainsi que des principes chrétiens.
Cette Constitution déclare aussi Vanuatu « pays chrétien ».

Mi-juillet 2013, les autorités coutumières de Vanuatu s’étaient positionnées en faveur de la peine de mort, en réaction directe à un nouveau meurtre dans la capitale.
Le 8 juillet 2013, une foule estimée à cinq cent personnes a défilé dans la rue principale de Port-Vila et accompagné le cercueil de la dernière victime en date, Davidson Ben, 43 ans, tué samedi 6 juillet 2013 à la suite d’une querelle de voisinage.
Depuis, les autorités coutumières présentes à Port-Vila, ont multiplié les prises de parole.
Le grand chef Seni Mao Tirsupe, Président du Conseil National des Chefs (Malvatumauri), avait dans un premier temps vivement condamné cette recrudescence de comportements « inacceptables ».
Il avait aussi exhorté en début de semaine le gouvernement à tenir compte des « signaux » envoyés par le public de Port-Vila.
Dans une interview accordée à la presse locale, le grand chef avait évoqué la nécessité de lancer une réflexion en vue d’instaurer de la peine capitale pour les crimes les plus graves.
Il suggérait aussi au gouvernement de trouver rapidement une solution permettant de mettre un terme aux meurtres « d’hommes, de femmes et de bébés innocents ».
Le grand chef a aussi estimé que face à cette recrudescence, l’abus de substances comme l’alcool ou les drogues tient un large part de responsabilité et que dans ce domaine, les lois doivent être durcies.

« Il devrait y avoir des peines plus lourdes pour les crimes liés à la marijuana, parce que tout cela est en train d’échapper à tout contrôle », a-t-il déclaré au quotidien Daily Post.
En matière de programmes destinés aux jeunes sans emploi, il a aussi appelé « le gouvernement, les églises, les organisations et associations de femmes et de jeunes à dialoguer avec le Malvatumauri pour trouver des moyens de mettre un point final à ces meurtres et ces tueries ».
Les chefs coutumiers d’Ambae (île dont est originaire la dernière victime en date) ont par ailleurs remis en début de semaine, lors des funérailles de la victime, une pétition au gouvernement, exigeant, entre autre points, le paiement de dédommagements de l’ordre de 60 millions de vatu (477.000 euros).
Cette somme, selon eux, devrait être payée à la province d’Ambae par la province dont est originaire le ou les meurtriers, a précisé le Chef Pierre Gambetta, qui faisait office de porte-parole.
Le ministre de l’intérieur, Patrick Crowby, qui assistait à ces funérailles, a reçu cette pétition au nom du gouvernement en promettant une réponse rapide à ces doléances.

À l’origine de cet affrontement fatal : un querelle de voisinage due au bruit des voisins de la victime, sur fond d’alcoolisation, dans le quartier populaire d’Ohlen.
Le corps a été retrouvé portant des blessures mortelles probablement causées par une hache, selon les premiers éléments recueillis par la police.
Quatre suspects ont été arrêtés en début de semaine.
Ils devraient comparaître fin juillet 2013, selon les forces de l’ordre qui précisent qu’un autre individu, recherché, est toujours en fuite.

Au cours des dernières semaines, deux homicides ont eu lieu, presque coup sur coup, dans des circonstances particulièrement violentes, avec à chaque fois pour victimes de jeunes femmes.
L’une des victimes, âgée de 21 ans, était enceinte de huit mois et est morte sous les coups de couteau de son compagnon, dans les environs de Port-Vila, samedi 29 juin 2013.
Le corps de l’autre femme a été retrouvé flottant dans une rivière, sur l’île d’Anatom (extrême Sud de l’archipel).
Le suspect numéro un, le compagnon de la victime, dont le casier judiciaire était déjà copieusement fourni, est depuis toujours en fuite et refuse de se livrer aux forces de l’ordre.
Plusieurs habitants de l’île, dont des chefs coutumiers de premier plan, ont néanmoins admis que cet individu avait pris contact avec eux, la nuit tombée, en essayant de négocier leur protection.
La police a depuis renouvelé ses appels au fugitif afin qu’il se livre aux autorités.
Il a aussi rappelé à la population qu’elle ne devait en aucun cas abriter un fugitif faisant l’objet d’un mandat d’arrêt.

Cette vague de crimes avait suscité, fin juin 2013, des commentaires en faveur d’un établissement de la peine de mort dans cet archipel pour les criminels les plus endurcis.
Ces propos émanaient de Silas Yatan, alors ministre de la justice et des services communautaires, et qui a depuis été délesté de son portefeuille par le Premier ministre de Vanuatu, Moana Carcasses.
Motif officiel : un souci de « stabilité politique » et de « répartition équitable des portefeuilles » (entre députés des différentes provinces de l’archipel), a nommé ministre de la justice M. Daniel Toara (député de l’île de Tongoa, province de Shefa où se trouve la capitale Port-Vila).
En guise de consolation, Silas Yatan s’est vu confier le titre de secrétaire d’État auprès du Premier ministre.

M. Yatan, en évoquant la peine capitale, n’avait pas caché qu’il avait été fortement inspiré par la récente décision papoue prise par le Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée de remettre en vigueur la peine capitale.
Contrairement à la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la peine de mort n’a jamais figuré dans le Code Pénal de Vanuatu.

Le Parlement de Papouasie-Nouvelle-Guinée a adopté fin mai 2013 une série d’amendements visant à durcir l’arsenal pénal pour les crimes graves, et en particulier la réactivation effective de la peine de mort.
Cette décision a suscité de nombreuses et vives réactions internationales, sous forme de condamnations.

L’ONG Amnesty International, notamment, a rappelé sa conviction selon laquelle la peine capitale est un acte « barbare » et ne serait pas efficace pour dissuader les préparateurs de crimes violents.
L’objectif affiché du gouvernement papou et de son Premier ministre Peter O’Neill, en faisant passer ces nouveaux textes, est de lutter contre une vague de crimes graves, dont des exécutions sommaires de personnes accusées d’actes de sorcellerie, ou encore des viols en réunion et des attaques à main armée dans ce pays de plus de sept millions d’habitants.
Pour ces crimes, l’amendement voté mardi prévoit désormais la peine de mort, avec comme méthodes d’exécutions un éventail allant de la pendaison à l’électrocution en passant par l’injection létale et même le peloton d’exécution.
Ces derniers mois, plusieurs femmes, accusées de sorcellerie et d’être responsables de la mort inexpliquée de membres de la communauté, ont été exultées publiquement de manière extrajudiciaire, et pour certaines brûlées vives et décapitées.
« La peine capitale va à l’encontre du droit à la vie, ainsi que de celui à ne pas être soumis à des traitements cruels, inhumains et dégradants », a affirmé Kate Schuetze, de la branche Océanie d’Amnesty International.
Elle estime par ailleurs que si le gouvernement papou voulait vraiment prendre des mesures efficaces, alors il devrait investir dans la modernisation de son arsenal juridique, de sa police et de son appareil judiciaire.
Le Haut-commissariat de l’ONU aux droits humains, avant même l’adoption de ces amendements aux lois existantes, dans un pays où la peine de mort n’avait pas été appliquée depuis les années 1950, mais où cette peine n’avait jamais formellement été abrogée, condamnait déjà, il y a quelques jours et par avance, une mesure « régressive ».

pad

Rédigé par PAD le Mercredi 17 Juillet 2013 à 06:00 | Lu 307 fois