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Le Pays injecte 450 millions pour Air Tahiti


Tahiti, le 2 juillet 2020 – Cent jours après l'arrêt de la totalité des vols domestiques, le Pays et la compagnie Air Tahiti ont signé une convention visant à la reprise de la desserte de l'ensemble des destinations. Un retour à la normale après plusieurs jours de bras de fer, le Pays s'engageant à verser à la compagnie 450 millions de Fcfp afin notamment qu'elle ne licencie personne d'ici la fin de l'année.

Le 23 mars dernier, les rotations interinsulaires étaient arrêtées avec pour objectif d'éviter la propagation du virus entre les archipels. Une décision éminemment sanitaire qui avait ainsi coupé les ailes à la compagnie locale et isoler la population des archipels éloignés. L'annonce de la reprise complète des vols d'Air Tahiti vers toutes les îles est ainsi "un soulagement et une vraie satisfaction" pour le Président Fritch. Une formule qui recouvre à la fois la réponse aux besoins de la population des îles non desservies, mais également la fin des tensions entre le ministre en charge des Transports interinsulaires et la compagnie privée que le chef de l'exécutif place, au même titre qu'ATN et l'OPT, parmi les "entreprises stratégiques" du territoire.

Retour à la normale le 7 juillet

Le bras de fer entre le Pays et Air Tahiti s'est conclu avec la signature ce mercredi d'une convention prévoyant des engagements de part et d'autre. "Chacun est dans son rôle", commentera sobrement le président du conseil d'administration d'Air Tahiti, James Estall. Si la sobriété était de mise du côté de la compagnie, la discrétion était également présente du côté de Jean-Christophe Bouissou. Les propos véhéments de la semaine dernière sur l'existence d'un "chantage" et la menace de l'ouverture d'une compagnie concurrente ont laissé la place à une intervention plus consensuelle sur les vertus du dialogue. Un numéro d'équilibriste que l'intéressé niera : "Il n'y a pas eu de changement de fusil d'épaule".

Le dialogue ainsi renoué a abouti à la signature de la convention, valable jusqu'à la fin de l'année. Même si Édouard Fritch a annoncé encore quelques ajustements, la convention prévoit ainsi qu'"Air Tahiti s'engage à reprendre la desserte aérienne sur l'ensemble du réseau à compter du 7 juillet jusqu'au 31 décembre 2020, selon un programme de vols établis conjointement avec la Polynésie française sur les destinations dites déficitaires". Pour remplir cette obligation, le Pays de son côté "consent à un versement de 450 millions de Fcfp". Un effort exceptionnel selon Fritch, conscient que la crise a fragilisé la compagnie et que le gouvernement doit prendre en compte cette nouvelle réalité financière, mais avec une contrepartie : le Pays "aura ainsi son mot à dire sur les tarifs et les fréquences opérées vers les îles éloignées".

Air Archipels et ses emplois sauvés

L'activité réduite dans les mois et années à venir a créé inévitablement une pression sur l'emploi. Sur ce point, la compagnie s'engage également "à ne procéder à aucun licenciement pour motif économique pendant l'année en cours au sein de sa compagnie et de ses filiales". Un engagement qui devrait rassurer pour les six mois à venir les quelque 800 salariés de l'entreprise qui avaient consenti ces dernières semaines à des réductions d'activité et des baisses de salaire. "L'urgence, c'est de faire voler les avions et de mettre les gens au travail", martèle ainsi Édouard Fritch. Aux Marquises aussi, le plan social d'Air Archipels annoncé le 22 juin dernier, avec notamment 15 emplois supprimés, n'est plus d'actualité. Un soulagement temporaire dans ce secteur où les annonces de plans de licenciement se succèdent depuis plusieurs semaines. Dans ce délai de six mois, le Pays doit prendre les textes, attendus et réclamés par Air Tahiti depuis 2016, organisant le transport aérien interinsulaire. La mise en place d'un fonds de continuité territoriale visant à compenser les lignes déficitaires avec celles excédentaires doit ainsi voir le jour au 1er janvier prochain.

Discussion et contentieux à venir

La compagnie n'est cependant pas sortie de la zone de turbulence. Sa situation financière est loin d'être stabilisée avec un déficit de 5 milliards prévus en fin d'année. Après avoir transporté 900 000 passagers en 2019, la compagnie table sur 400 000 cette année avec une activité qui ne retrouvera pas son niveau normal au moins jusqu'en 2023. Des perspectives qui ont conduit à insérer dans la convention la possibilité d'un soutien financier "en cas de difficultés qui pourraient survenir dans le cadre de la crise économique, y compris sous la forme d'une recapitalisation si nécessaire". Une formule qui ouvre la porte à un renforcement de la part du Pays, jusque-là limitée à 14%, au capital de la société. En attendant, Air Tahiti cherche toujours à être indemnisée par le Pays à hauteur de 936 millions de Fcfp pour avoir assuré les dessertes de désenclavement entre 2017 et 2019. La compagnie a ainsi fait appel des décisions défavorables du Tribunal administratif rendues en mai dernier lui refusant ces indemnisations. Un contentieux sur lequel la compagnie apprécierait que le Pays change son fusil d'épaule.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Jeudi 2 Juillet 2020 à 09:24 | Lu 2308 fois