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Le Japon commémore la bataille d'Okinawa en plein débat sur le pacifisme


Itoman, Japon | AFP | lundi 22/06/2015 - Le Japon commémore mardi la bataille d'Okinawa, symbole il y a 70 ans de la débâcle suicidaire du militarisme nippon, au moment où Tokyo cherche à accroître son rôle international, y compris militaire, sous la direction du nationaliste Shinzo Abe.

Le Premier ministre conservateur se rendra mardi sur l'archipel d'Okinawa, dans l'extrême-sud du Japon, où se déroula l'ultime bain de sang de la Guerre du Pacifique (1941-1945).

Considéré comme la plus grande bataille aéro-terrestre et navale de tous les temps, le siège d'Okinawa, d'une violence inouïe et qui a duré 82 jours (1er avril-22 juin 1945), a fait plus de 200.000 morts, civils et soldats, Japonais et Américains.

La férocité des combats - de nombreux civils et soldats furent contraints au suicide par les officiers de l'armée impériale pour éviter qu'ils ne se rendent aux Américains - a laissé des cicatrices profondes dans un Archipel jaloux depuis toujours de son particularisme.

"Je ne pardonnerai jamais au Japon ce qui est arrivé", affirme à l'AFP Yoshiko Shimabukuro, 87 ans, une des 222 étudiantes de l'île mobilisées sur le champ de bataille dans une unité d'infirmières.

"J'avais 17 ans. Nous n'avions appris qu'à mettre des bandages, mais les soldats blessés étaient au-delà de tout secours. Leurs jambes arrachées. Leurs intestins à l'air. Leurs visages emportés. Nous ne savions pas quoi faire", témoigne la vieille dame.

Elle a perdu son frère et sa soeur aînés. Presque toutes les familles d'Okinawa ont été endeuillées. Plus de la moitié des 188.000 victimes japonaises en étaient originaires.

- Anti-base américaine -

Depuis, Okinawa est devenu l'un des sites touristiques les plus fréquentés par les Japonais mais aussi le haut lieu de la résistance pacifiste à la présence massive de l'armée américaine de plus en plus mal supportée par la population locale.

Occupé par les Américains après-guerre et rétrocédé à Tokyo en 1972, Okinawa héberge plus de la moitié des 47.000 GI's stationnés au Japon, dont un important contingent de Marines.

Menés par leur gouverneur, le populaire Takeshi Onaga, les habitants d'Okinawa sont mobilisés contre le projet controversé de relocalisation de la base aérienne US de Futenma dans le nord de l'archipel.

M. Abe a réitéré sa volonté de procéder à ce transfert - un plan qui remonte à 1996 - dans le cadre du traité de sécurité nippo-américain.

Mais la population d'Okinawa (1,4 million) s'oppose depuis des années au déploiement militaire américain et à la volonté du gouvernement de droite de M. Abe de mener à bien la relocalisation de la base, réclamée par l'allié américain.

Situé à proximité de la Chine et de la péninsule coréenne, Okinawa a une grande valeur stratégique pour les Etats-Unis, qui y avaient établi une base logistique et d'entraînement pendant la Guerre du Vietnam. Des milliers de soldats américains d'Okinawa ont été dépêchés en Irak.

Les habitants se plaignent de nuisances sonores et des risques d'accident. Mais surtout, ils dénoncent la présence criminogène de tant de Marines américains, s'appuyant sur plusieurs faits divers - notamment des viols - ces dernières années.

Pour M. Abe, le déplacement de la base de Futenma, implantée dans une zone urbaine, vers la région littorale peu peuplée de Henoko est "la seule solution".

- 'Sur la ligne de front' -

Le Premier ministre, nationaliste convaincu, est par ailleurs engagé dans une bataille politique interne pour imposer la révision de la Constitution pacifiste qui permettrait au Japon de renforcer son rôle militaire sur la scène internationale, une réforme impopulaire dans un pays encore traumatisé par la guerre.

"Aujourd'hui que nous sommes en paix, le Japon tente de changer la Constitution et de se transformer en un pays capable de repartir en guerre", déplore Yoshiko Shimabukuro, qui dirige le musée dédié à l'unité des infirmières d'Okinawa.

"Et cette pauvre île (Okinawa) pourrait se retrouver à nouveau en première ligne", s'inquiète-t-elle.

La déroute du Japon dans le Pacifique s'est achevée par le largage de la première bombe atomique sur Hiroshima (140.000 morts), le 6 août 1945, suivi trois jours plus tard par une deuxième bombe A sur Nagasaki (74.000 morts).

Le 15 août, l'Empereur Hirohito annonçait à son peuple stupéfié la fin de la guerre sans toutefois jamais prononcer le mot de "défaite".

Le 2 septembre, la signature de l'acte de reddition du Japon mettait un terme à la Seconde Guerre mondiale.

Rédigé par () le Lundi 22 Juin 2015 à 05:27 | Lu 1006 fois