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Le Japon, ami discret mais apprécié de l’Océanie


Yoshihiko Noda
Yoshihiko Noda
NAGO, vendredi 25 mai 2012 (Flash d’Océanie) – Yoshihiko Noda, Premier ministre japonais s’est personnellement impliqué dans la tenue du sixième sommet « Japon-Océanie, qui ouvre vendredi à Nago (île d’Okinawa, Sud).
Dès avant l’ouverture officielle de cette réunion, le chef de l’exécutif nippon a tenu à rencontrer, en mode bilatéral et tête-à-tête, plusieurs dirigeants océaniens, dont ceux des États Fédérés de Micronésie (le Président Emanuel Mori), de Palau (le Président Johnson Toribiong), de Samoa (le Premier ministre Tuilaepa Lupesoliai Sailele Malielegaoi), des îles Cook (le Premier ministre Henry Puna, les îles Cook ayant été choisies pour co-présider cette édition du sommet), de Niue (le Premier ministre Toke Talagi),
et de Kiribati (le Président Anote Tong), rapporte la presse japonaise jeudi.
Pour les États Fédérés de Micronésie, le Japon a récemment achevé un projet d’agrandissement et d’extension de la piste d’atterrissage de l’aéroport.
Pour Palau, l’aide nippone s’est notamment concrétisée par la fourniture de plusieurs groupes électrogènes, en réponse à une grave crise énergétique due à la panne générale de la centrale électrique, rappelle l’agence Kyodo.
Ce sommet devait officiellement débuter vendredi 25 mai 2012 et se poursuivre en début de week-end.
D’autres annonces sont venues de Nago, en guise de lever de rideau.
Elles concernent Vanuatu et les îles Marshall.
Pour Vanuatu, il s’agirait d’un nouveau prêt à taux préférentiel en vue de la construction d’un nouveau quai dans la capitale Port-Vila, pour un montant d’une cinquantaine de millions d’euros.
Une autre enveloppe, d’une quinzaine de millions d’euros, serait destinée au secteur de la santé publique, a précisé depuis Tokyo le ministère japonais des affaires étrangères.
Concernant les îles Marshall, selon les mêmes sources, il s’agirait de transport maritime et d’une enveloppe de quelque treize millions d’euros censée financer l’achat de deux ferries capables de transport du fret et des passagers entre les îles de cet État océanien.
À Niue, un projet japonais d’installation de panneaux photovoltaïques est en cours de réalisation.
Au plan multilatéral, Tokyo a aussi fait allusion ces derniers jours à un autre projet (pour lequel 3,7 millions d’euros ont été provisionnés), dirigé cette fois-ci sur toute la région et concernant les dégâts liés aux catastrophes naturelles : un dispositif cofinancé avec la Banque Mondiale et qui vise à mettre en place une sorte d’ « assurance collective » pour tous les pays de la région, régulièrement frappés par des séismes, de tsunamis, des cyclones ou des inondations.
Un système similaire existerait déjà dans la zone Caraïbe, sous forme de fonds permanent, permettant de mobiliser rapidement des moyens en réponse à ces phénomènes naturels destructeurs.
Le groupe de pays participant à ce sommet « PALM » (pour Pacific Alliance of Leaders Meeting) englobe peu ou prou le Forum des Îles du Pacifique (FIP), à savoir l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les quatorze autre États insulaires de la région (Fidji, îles Cook, Kiribati, îles Marshall, États Fédérés de Micronésie, Nauru, Niue, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, îles Salomon, Tonga, Tuvalu et Vanuatu).
Cette année, dans le cadre d’un retour en force dans le Pacifique, le gouvernement américain devrait aussi participer à ces débats océano-nippons.

Fidji sera absent

Toutefois, cette année, Fidji sera absent.
Le gouvernement japonais, qui avait pourtant, mi-mai 2012, souligné sa volonté de maintenir un dialogue soutenu avec le gouvernement fidjien post-putsch du Contre-amiral Bainimarama, a finalement renoncé à l’inviter en personne.
Cette décision, qui a été notifiée aux autorités fidjiennes, est assortie d’une invitation destine cette fois-ci au ministre des affaires étrangères Ratu Inoke Kubuabola.
La décision nippone aurait été prise à l’issue de « consultations très, très approfondies avec l’Australie », a indiqué un responsable du ministère japonais des affaires étrangères.
Ce dernier a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne serait pas en mesure de se rendre à cette réunion en raison de son emploi du temps et le gouvernement fidjien n’a pas indiqué depuis qu’il avait l’intention d’envoyer qui que ce soit à Okinawa.
M. Bainimarama, pour sa part, a répondu en lançant une contre-invitation à M. Noda afin qu’il puisse venir se rendre compte sur place de la situation dans cet archipel, tout en affirmant sa volonté de « renforcer les liens politiques et économiques existant entre nos deux pays ».

Cette décision intervient alors que le ministre australien des affaires étrangères, Bob Carr, vient d’effectuer, du 16 au 18 mai 2012, un déplacement officiel à Tokyo, où il a rencontré son homologue nippon Koichiro Gemba.
Au menu des discussions : la signature d’un accord de coopération portant sur le partage de renseignements en matière de sécurité et de sûreté, dans le cadre plus général de l’alliance de ces deux pays avec les États-Unis.
L’Australie et le Japon accueillent désormais tous deux des troupes américaines sur leur sol, sur fonds de montée en puissance de la Chine dans la région Pacifique.
Mais au cours de ces entretiens, la question des îles Fidji a aussi tenu une place de choix.
M. Carr aurait ainsi fait valoir sa conviction selon laquelle une position trop directement engagée avec le Contre-amiral Premier ministre fidjien ne serait pas immédiatement souhaitable, même si le régime de Suva a annoncé, début janvier 2012, la levée des mesures d’exception et le lancement d’un processus consultatif en vue de l’élaboration d’une nouvelle Constitution, pour en finale la tenue d’élections législatives toujours annoncées pour septembre 2014.
M. Carr se trouvait début mai 2012 à Suva dans le cadre d’une mission ministérielle de contact du Forum des Îles du Pacifique (FIP), organisation régionale dont l’archipel est exclu depuis mai 2009.
À l’issue de cette visite, M. Carr avait toutefois estimé en substance que les annonces faites par Suva étaient encourageantes, mais devraient être suivies d’actes tangibles et d’une véritable levée de toute restriction concernant la liberté d’expression et de réunion.
« Notre point de vue, c’est de maintenir notre position concernant Fidji tant que nous ne sommes pas convaincus que le processus de consultations constitutionnelles est véritablement engagé (…) Il y a eu des signes encourageants à Fidji, mais le processus de consultations concernant la nouvelle Constitution a encore du chemin à faire. Il ne devrait pas y avoir d’affaiblissement de notre position tant que les normes démocratiques n’ont pas été rétablies », a déclaré M. Carr à l’issue de ses entretiens avec son homologue Koichiro Gemba.
Les relations entre le gouvernement actuel fidjien et celui du Japon ont été perçues, ces dernières années, comme très cordiales, tout comme celles avec la Chine, où se trouvait M. Carr du 13 au 15 mai 2012.

Le « kizuna »

Dès avant la tenue de ce sommet à Okinawa Yoshihiko Noda, Premier ministre nippon, avait marqué sa volonté de célébrer et renforcer les liens d’amitié forts et anciens cette région et cette puissance riveraine.
Le 6ème sommet Japon-Océanie, qui se tient tous les trois ans, a lieu les 25 et 26 mai 2012, dans une ville choisie pour ses « caractéristiques similaires avec celles des pays du Pacifique ».
Dans un communiqué largement diffusé dans les pays océaniens, M. Noda dévoilait déjà les thèmes qui devraient être abordés au cours de ce prochain sommet d’Okinawa, à savoir les questions de réponse à des situations de catastrophes naturelles, de changements climatiques, de développement durable et des « questions maritimes ».
« Ces problèmes ont une importance vitale pour le bien-être des peuples de notre région. Ce sont des domaines dans lesquels le Japon et les pays insulaires du Pacifique peuvent collaborer et contribuer aux efforts de la communauté internationale », a souligné le chef de l’exécutif nippon.
Évoquant ces circonstances difficiles et les « énormes défis » auxquels son pays a été confronté ces derniers mois, M. Noda a estimé qu’elles ont été propices l’émergence d’un « kizuna », expression qu’il définit comme traduisant la force d’un lien d’amitié né de l’adversité ou de circonstances exceptionnelles.

Main tendue à Fidji

« Ce ‘kizuna’ entre le Japon et les pays insulaires du Pacifique prend sa racine dans le fait que nous avons en partage le même Océan Pacifique et le même esprit îlien né de ce grand Océan. Ce ‘kizuna’ s’étend bien sûr aussi à Fidji, dont le processus en cours en vue de construire une démocratie avec des bases solides est d’une grande importance pour la stabilité et la prospérité de cette région », avait-il poursuivi.
« À cet égard, le message du Japon est clair et cohérent. Nous sommes tout autant les amis du peuple fidjien que nous le sommes des autres pays insulaires du Pacifique. Nous formulons l’espoir que Fidji continuera à prendre des mesures concrètes en vue de la tenue d’élections libres et justes pas plus tard que 2014 et, à cette fin, nous avons l’intention de poursuivre un dialogue étroit avec le gouvernement de Fidji », avait jouté le Premier ministre japonais.
Le gouvernement fidjien issu du putsch du 5 décembre 2006 annonce depuis juillet 2009 un retour à la démocratie par voie d’élections annoncées pour le dernier trimestre 2014.
Avant cela, le Premier ministre Contre-amiral Franck Bainimarama entend toiletter la Constitution et les institutions afin de les débarrasser de toute notion ethnique clivante, principalement entre les deux principales communautés en présence, à savoir les Fidjiens indigènes et les citoyens d’origine indienne, amenés dans cet archipel (alors colonie britannique) à la fin du dix neuvième siècle pour y cultiver la canne à sucre.
Un processus de consultation, supervisé par une commission constitutionnelle, devrait avoir lieu au cours des prochaines semaines, jusqu’en juillet 2012, date prévue de la remise d’un rapport contenant recommandations en vue de l’élaboration d’une nouvelle Constitution.
Depuis avril 2012, plusieurs organismes régionaux et internationaux, le Forum des Îles du Pacifique (FIP) et le Commonwealth, mais aussi l’ONU, ont conduit des missions de contact à Fidji, en appelant aussi de leurs vœux le respect des échéances annoncées en matière de feuille de route pour un retour à la démocratie.
Fidji a été suspendu de son statut de membre plein du FIP en mai 2009, et du Commonwealth fin septembre de la même année.
L’archipel fait toujours l’objet de sanctions de la part des deux grands voisins régionaux, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

pad

Rédigé par PAD le Vendredi 25 Mai 2012 à 05:44 | Lu 817 fois