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Le Criobe de Moorea doté d’un bateau scientifique


Moorea, le 20 décembre 2020 - Le Criobe de Moorea possède désormais, parmi ses infrastructures, un bateau de recherches scientifiques "unique au monde". Grâce à sa faculté de se poser de manière non permanente sur les récifs et à se stabiliser au large, les scientifiques peuvent faire des études de plusieurs heures d’affilée en mer, d’autant plus qu’ils peuvent trouver à bord tous les équipements nécessaires pour leurs études.
 
Le CRIOBE de Moorea vient de se doter d’un nouveau bateau de recherche unique en son genre. Nommé Nohu-Criobe, "pour sa capacité à se déplacer comme un poisson pierre", ce bateau a la particularité d’être un bateau à charge, mais aussi une structure qui se déplace dans le lagon. Cela est rendu possible grâce notamment à ses quatre poteaux de stabilisation qui peuvent être retirés du sol à tout moment. De quoi en faire finalement une plateforme de recherche pour les scientifiques de l’île sœur.
 
Cofinancé par le Pays et l’État dans le cadre du contrat de projet, le Nohu-Criobe a été conçu avec la participation de Serge Planes, directeur de recherches au CNRS et concepteur du Nohu-Criobe, et construit par la société NSI (Nautisport Industries) à Taravao. Le bateau est notamment composé d’un générateur, d’une grue, d’une centrale hydraulique (pour activer les poteaux et la grue), de panneaux solaires ou encore d’une plateforme de mise à l’eau. Les chercheurs à bord peuvent, eux, bénéficier d’un "laboratoire sec", d’ordinateurs connectés qui conservent toutes les données de recherches, d’une cabine de repos, de toilettes (reliées à une cuve), d’un compresseur (pour gonfler les bouteilles de plongée) et de tous les équipements nécessaires (sonar,sonde multi paramètres (pour analyser la qualité de l’eau), courantomètres (pour la mesure des courants d’eaux), etc.
 

Possibilité de travailler in situ

L’intérêt pour les scientifiques du CRIOBE est désormais d’analyser les espèces étudiées en mer, notamment pour les suivis durant plusieurs heures d’affilée ou des observations de nuit, et éviter désormais de les ramener dans les laboratoires du CRIOBE. "L’idée est de revoir un petit peu la façon de comprendre le développement du corail, l’écosystème, tous les organismes qui vont avec, les mollusques, les crustacés et les poissons afin de voir directement comment tout cela fonctionne dans le milieu dans lequel ils vivent. C’est comme si on mettait une partie de la structure du CRIOBE sur le récif" explique Serge Planes, directeur de recherche au CRNS.
 
Mais en plus du lagon, les études peuvent aussi se faire en cas de besoin dans les zones plus profondes au large, grâce notamment à la capacité du bateau à bien se stabiliser avec ses deux ancres. L’une étant placée à l’arrière tandis que l’autre est située à l’avant. En prévision des futures expéditions du CRIOBE dans les autres îles, des anneaux ont été conçus à l’arrière du bateau de manière à pouvoir le remorquer. "On est finalement capable de déployer aussi le CRIOBE sur une autre île pour y travailler en emmenant tous les équipements scientifiques nécessaires. On faisait auparavant des expéditions avec des navires comme le Tara. Mais cela ne durait pas longtemps. On ne pouvait pas rester sur un site comme on le voulait" ajoute Serge Planes.
 
En plus des études sur la ponte de corail qui se fait actuellement sur l’île sœur, d’autres expéditions sont en effet prévues prochainement dans les îles, comme celles des suivis de l’environnement et des études de certaines espèces maritimes à Bora Bora. Outre les recherches, l’objectif serait de faire des séries de tests durant les six prochains mois sur le fonctionnement, l’utilisation et l’agencement du bateau avant de ramener celui-ci au chantier naval pour y faire des ajustements. Le Nohu-Criobe pourra être, par la suite, mis à la disposition des autres organismes de recherches, tels que l’Université Française du Pacifique en cas de besoin spécifique pour leur programme ou à d’autres partenaires comme les mairies pour des études les concernant.
 

Serge Planes, directeur de recherches au CNRS et concepteur du Nohu-Criobe : "Ce type de bateau est le premier au monde"

"À la base, je voulais construire un bungalow sur pilotis sur le lagon. Mais le comité permanent du PGEM ne voulait pas car c’était en dehors de la réglementation du PGEM de Moorea. On ne pouvait pas construire quelque chose de permanent. J’ai trouvé par la suite cette idée consistant à mettre des poteaux en mer et de pouvoir les enlever dès que l’on n'en a plus besoin. C’est une structure sur pilotis qu’on enlève et qu’on déplace ailleurs. On ne peut pas poser les poteaux sur le corail parce que la structure n’est pas faite pour ; il y aurait un déséquilibre. On a plus intérêt à le poser sur un fond qui est le plus homogène possible, donc systématiquement sur un fond de sable. Notre objectif est de se situer dans les zones entre les patates de corail et non sur celles-ci. On a aussi voulu concevoir le bateau de manière à ce que celui-ci soit le moins polluant possible. Les toilettes sont par exemple reliées à une cuve. Celle-ci sera évacuée par la suite au large ou dans les marinas. Ce type de bateau est le premier au monde. Il y a des barges qui montent, mais elles existent surtout dans les installations pétrolières. Mais un bateau de recherche scientifique comme celui-ci, il y en a ni en France, ni dans le monde à ma connaissance."
 

Rédigé par Toatane Rurua le Dimanche 20 Décembre 2020 à 14:47 | Lu 10398 fois