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Le Cesec réservé sur l’harmonisation des prestations entre les régimes de la CPS


Tahiti, le 30 juillet 2025 - Saisi par le président du Pays, le Cesec s'est dit favorable aux projets d'harmonisation des allocations familiales et leur modalité d'attribution pour les trois régimes de protection sociale, ainsi que pour la participation de ces prestations familiales aux frais de cantine scolaire. Pour autant, le Cesec émet quelques réserves et exhorte le gouvernement à clarifier la frontière entre les prestations relevant de l'assurance sociale contributive, donc de la CPS, et celles devant être financées au titre de la solidarité, c'est-à-dire relevant du Pays.  
 
Ce mercredi, en séance plénière, le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a été saisi par le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, pour l'étude avant adoption de deux projets de loi du Pays portant sur l'harmonisation des allocations prénatales, de maternité et familiales, ainsi que sur une participation aux frais de cantine scolaire au titre des prestations familiales. Deux mesures qui ont suscité à la fois de l'enthousiasme et de la réticence de la part du Cesec qui, pour une fois, a tenu à préciser son avis sur chacune des mesures proposées. Une volonté de l'institution d'en finir avec ses éternels “tel est l'avis”, semble-t-il.
 
Harmoniser les prestations familiales et renforcer l'équité sociale
 
Le constat est unanime, qu'il vienne du Pays ou du Cesec : le morcellement de la couverture sociale généralisée en trois régimes distincts – régime général des salariés (RGS), régime des non-salariés (RNS) et régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) – présente “des écarts significatifs dans les niveaux et les conditions d'accès aux allocations prénatales, de maternité et familiales”. C'est pourquoi, face à ces disparités, le Pays propose à travers son projet de loi d'harmoniser les montants et les modalités des prestations familiales entre les trois régimes et de renforcer l'équité sociale “par une modulation des allocations familiales selon les revenus”.
 
Plus concrètement, le projet de texte propose d'égaliser les montants des allocations prénatales (à 54 000 francs) et de maternité (à 72 000 francs) entre les régimes, mais surtout d'instaurer un barème dégressif des allocations familiales en fonction des ressources des ménages. De son côté, le Pays assure poursuivre une double ambition à travers cette réforme : encourager la natalité par des incitations financières mieux ciblées et introduire davantage d'équité sociale en adaptant les prestations aux capacités contributives des familles.
 
Le Cesec contre le barème dégressif des allocations familiales selon les revenus
 
Si le Cesec s'est dit favorable au principe d'harmonisation des prestations entre les régimes et son financement par le Fonds de protection sociale universelle, il s'est, en revanche, formellement opposé à la redistribution des allocations familiales sous conditions de ressources. En effet, la quatrième institution du Pays regrette que le nouveau mécanisme proposé par le projet de loi repose sur un barème fondé sur les revenus du parent allocataire désigné par le couple, tandis que le texte en vigueur souligne la primauté du RGS dans le cadre de l'attribution des prestations familiales. Selon le Cesec, le projet de loi “ouvre la voie à des stratégies d'optimisation, comme la désignation du parent le moins rémunéré, permettant au couple de bénéficier du versement intégral de la prestation, sans application d'abattement”.
 
Plus directement, le Cesec recommande en somme “l'harmonisation du montant des allocations familiales à 15 000 francs à l'instar du RSPF, les 3 000 francs supplémentaires devant être prélevés sur le Fonds de protection sociale universelle”. 
 
Autre problématique, le risque d'iniquité, notamment concernant les familles monoparentales, “insuffisamment ciblées, voire absentes de toute politique sociale”, estime le Cesec. Et pour cause, selon un recensement de 2022 effectué par l'Institut de la statistique de la Polynésie française, 8,6 % des résidences principales en Polynésie française sont occupées par des familles monoparentales, avec des taux supérieurs à 10 % dans certains cas, à l'exemple de Papeete, Mahina et Pirae. Entre 2012 et 2021, le nombre total de familles monoparentales aurait augmenté de 6,8 %, avec une forte croissance des foyers avec un seul enfant. C'est pourquoi le Cesec, dans ses recommandations, insiste sur la prise en compte de la situation de ces familles monoparentales dans l'évaluation des dispositifs et l'adaptation des barèmes et des conditions d'accès “aux réalités sociales contemporaines”.  
 
Recentrer la CPS à ses missions d'assurance
 
Saisi également dans le cadre du projet de loi relatif à la participation aux frais de cantine scolaire au titre des prestations familiales, le Cesec s'est dit favorable à la création de ce “droit universel”, mais aussi à l'attribution directe de ces prestations aux organismes responsables de la restauration scolaire afin que ces aides aillent “directement dans l'assiette de l'enfant”. En revanche, selon le Cesec, ce droit relève de l'action sociale et non des missions de la CPS. Pour l'institution, le financement de la politique familiale et de natalité relève des compétences du Pays : “Il faut bien distinguer deux choses”, explique Jean-François Benhamza, membre de la commission “Santé et solidarités” au sein du Cesec. “Au niveau de la CPS, et notamment du RGS, c'est de l'assuranciel. On prend une assurance contre la maladie, on prend une assurance pour avoir une retraite. On cotise et cela représente en quelque sorte un salaire différé. C'est de l'argent qui est fléché sur des choses qui concernent l'assuranciel. Aujourd'hui, on voit arriver de plus en plus de mesures qui sont des mesures sociales, de solidarité, et qui sont financées par le RGS. Ça fait longtemps qu'on demande au niveau du conseil d'administration de la CPS que l'on fasse bien la différence entre ce qui relève de l'assurance et ce qui relève de la solidarité.” Et à ce titre, le Cesec émet un avis défavorable quant à la prise en charge durable de ce financement par la CPS.  
 

Rédigé par Wendy Cowan le Mercredi 30 Juillet 2025 à 19:02 | Lu 2887 fois