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Le Cesec favorable à la réforme de l'itinérance mobile


Tahiti -le 6 novembre 2025 – Malgré plusieurs recommandations, l'unanimité des membres du Cesec se sont prononcés en faveur du projet de loi du gouvernement visant à instaurer un cadre juridique "plus clair et équilibré" de l'itinérance mobile en Polynésie, avec la mise en place d'un "plafond tarifaire plutôt qu'un tarif fixe". Le Cesec en a profité pour évoquer la nécessaire transformation de l'OPT dont le modèle "atteint aujourd'hui ses limites".
 
 
C'est un texte très technique sur lequel se sont penchés les représentants de la société civile ce jeudi matin au Cesec. Il s'agit d'un projet de loi du Pays visant à instaurer un cadre juridique plus clair et équilibré pour l'itinérance mobile en Polynésie. L'idée étant de créer un marché des télécommunications plus compétitif et plus juste afin de garantir à l'ensemble des Polynésiens un accès élargi à des services de qualité, avec des conditions tarifaires raisonnables et adaptées à l'évolution du marché. Il est ainsi prévu d'encadrer au préalable la tarification de l'itinérance afin de prévenir les pratiques anticoncurrentielles et garantir des tarifs équitables et non excessifs. Le Cesec s'est dit favorable à la mise en place d'un "plafond tarifaire" plutôt qu'un tarif fixe" pour l'itinérance mobile pour des zones déterminées. Cela permettra, en cas de désaccord commercial entre les opérateurs, de pouvoir régler leurs différends entre eux évitant ainsi de passer devant le tribunal administratif.
 
En effet, en l'absence aujourd'hui de mécanismes de contrôle et de régulation des conditions tarifaires, certains différends entre opérateurs ont été tranchés par voie juridictionnelle, ce qui a pu retarder le déploiement de services de télécommunications dans certaines zones. Une absence de règle qui a pu freiner la dynamique concurrentielle au détriment des consommateurs. Rappelons que l'autorité polynésienne de la concurrence (APC) a rendu deux décisions (pour PMT Vodafone et Viti Ora) dénonçant les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par l'opérateur historique, ONATI, en matière d'itinérance du fait de sa position dominante. A la suite de cette décision, Onati qui est le seul opérateur dont le réseau est déployé sur 70 îles, a donc proposé une modification des conventions d'itinérance par avenant, ajustant son offre tarifaire aux préconisations de l'APC.
 
"Il ne faudrait pas que l'OPT devienne l'OPH"
 
Le projet de loi du gouvernement tend ainsi à favoriser un accès équitable à l'itinérance pour les opérateurs demandeurs, en imposant aux opérateurs hôtes des obligations de non-discrimination et de transparence, tout en reconnaissant la légitimité de leurs investissements et de leur modèle économique. Si la question du modèle technico-économique n'est pas directement posée au Cesec, l'institution recommande toutefois au Pays de retenir un modèle qui permettra d'établir un tarif suffisamment bas pour stimuler la concurrence, mais suffisamment raisonnable pour éviter tout effet ciseau, garantissant ainsi la soutenabilité du réseau d'Onati. C'est pourquoi le Cesec préconise l'application du modèle CILT (coût incrémental de long terme) comme cela se fait en métropole, plutôt que le CMILT (coût moyen incrémental de long terme) actuellement appliqué par l'OPT.
 
Et c'est là où ça coince un peu. Car si tous les opérateurs sont favorables à une clarification de la réglementation, il y a une scission concernant le modèle CMILT que le groupe l'OPT souhaite conserver puisqu'il permet de couvrir ses coûts complets et d'investir. Toutefois, cela réduit les marges de manœuvre des opérateurs itinérants (PMT et Viti) pour proposer des offres attractives. "L'OPT a des installations à rembourser et il faut trouver le juste milieu. Ça ne satisfera pas tout le monde mais le texte avance. C'est un premier pas", a lancé Christophe Plée qui attend surtout que le Pays s'engage dans une réforme en profondeur de l'OPT. "Il ne faudrait pas que l'OPT devienne l'OPH. On voit aujourd'hui les limites du système et il faut qu'il se réinvente mais il faut du courage politique".
 
Séparer les fonctions de gros et de détail
 
Un modèle qui a pu historiquement garantir une certaine mutualisation des moyens mais qui engendre désormais des risques structurels majeurs, tant du point de vue économique que régulatoire. Si l'avenir de l'OPT n'est absolument pas évoqué dans le projet de loi du gouvernement, le Cesec a néanmoins profité de l'occasion pour aborder ce sujet. La société civile préconise ainsi "une séparation stricte des activités liées aux infrastructures publiques et les services de télécommunications ouverts à la concurrence (mobile, internet, média-box)" pour les confier à des entités distinctes. En ce sens, elle propose de créer un établissement polynésien des réseaux et infrastructures publiques (EPRIP) sous forme d'un EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial).
 
Une entité publique qui intègrerait TNT, et qui serait chargée de la gestion, l'entretien et la location neutre des infrastructures publiques comme les réseaux de câbles sous-marins, les réseaux satellites, les stations radio isolées et le "backbone" interinsulaire (transport à très haute capacité). Ce statut d'Epic permettrait, selon le Cesec, de trouver un "équilibre entre la maîtrise publique, la neutralité d'accès et la souplesse d'exploitation, tout en inscrivant l'établissement dans une logique de service public moderne et économiquement viable". L'Institution plaide aussi une révision statutaire afin qu'Onati passe du statut de société anonyme simplifiée (SAS) à une société anonyme (SA) ayant vocation à regrouper l'ensemble des activités commerciales de télécommunications. En résumé, la gestion des infrastructures reviendrait à l'EPRIP, tandis qu'Onati deviendrait un véritable opérateur de détail.
 
Faire évoluer la fiscalité des télécoms
 
Notons enfin que le Cesec invite le Pays à profiter de ce texte sur l'itinérance mobile pour faire évoluer la fiscalité des télécoms : la taxe télécom et l'IFER (imposition forfaitaire sur les équipements radioélectriques) qui "pèsent sur les modèles de coûts, et donc sur la rentabilité et compétitivité des offres". Il propose notamment que les recettes générées par la taxe télécom ne soient plus affectées au budget général du Pays mais fléchées dans un compte d'affectation spéciale du service public des télécommunications pour les couvertures des zones peu denses des archipels éloignés.

Ce projet de loi du Pays a reçu un avis unanimement favorable du Cesec qui est allé plus loin dans son analyse et qui a souhaité prendre les devants car d'autres textes sont déjà dans les tuyaux. D'ici la fin de l'année, ce sont les télécoms extérieures du type Starlink ou One Web qui seront concernées, et l'année prochaine, c'est justement la réforme du service public des télécommunications qui est annoncée.
 
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 6 Novembre 2025 à 13:23 | Lu 1755 fois