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Laurey : Il n'y aura plus de prime à la casse


PAPEETE, le 2 octobre 2014 - La prime à la casse est une mesure qui est censée permettre de redonner du pouvoir d’achat aux automobilistes, se débarrasser des vieilles voitures et relancer le secteur automobile. Les concessionnaires réclament la restauration de la mesure, sans convaincre le gouvernement.

A l’occasion du Salon de l’Auto, Tahiti-Infos avait interrogé les concessionnaires automobiles pour connaitre l’état de santé de leur secteur. Il y a une chose sur laquelle tous les revendeurs étaient d’accord, c’est que l’automobile est en crise en Polynésie. Ils demandaient un coup de pouce du gouvernement avec l’instauration d’une nouvelle prime à la casse.

Sur l’état du secteur, ils n’ont pas tort. Le Rapport annuel 2013 de l’IEOM analyse ainsi l’état du marché automobile en Polynésie : « Entre 2007 et 2012, les ventes de voitures neuves ont diminué de près de moitié. La dégradation de la conjoncture a incité les concessionnaires à adopter des stratégies de compression des charges salariales (incitations aux départs volontaires, préretraites) et logistiques (regroupement géographique des showrooms et des services après-vente). »

Et la crise se ressent dans l’emploi : dans le secteur de la vente et de la réparation automobile, le nombre d’emplois salariés s’est effondré, passant de 1200 employés en 2007 à tout juste 900 l’année dernière. Malgré tout, les employés qui restent sont un tout petit peu mieux payés : le salaire moyen en 2013 était en légère hausse à 267 000 Fcfp brut.

Les concessionnaires demandent au gouvernement d’instaurer un contrôle technique, ce qui permettrait de sécuriser les routes de Tahiti (et par la même occasion de retirer les plus vieux véhicules du marché). Mais surtout, ils aimeraient donc un retour de la prime à la casse, qui avait permis lors de sa dernière apparition en 2010 d’augmenter les ventes de façon significative. Sa suppression avait été vivement ressentie dans le secteur. Dans son rapport annuel de 2011, l’IEOM notait d’ailleurs que « soutenu par la prime à la casse en 2010, le marché de l’automobile neuve s’effondre en 2011, reculant de 19,6 %. »

Le gouvernement n’est pas convaincu

Mais le vice-président et ministre de l’Economie Nuihau Laurey leur a adressé une fin de non-recevoir ce mercredi 1er octobre, à l’occasion du Conseil des ministres :
« La prime à la casse est une mesure coûteuse et qui ne permet pas de doper durablement l'achat de véhicules. C'est une disposition courte, et le niveau des ventes s'écroule sitôt la fin des mesures. Il vaut mieux réfléchir à un système gagnant/gagnant. Nous pouvons envisager une baisse des droits d'entrée sur les produits les moins chers, mais il faut aussi que les concessionnaires consentent alors à une baisse de leurs marges.
C'est toujours le même débat, on demande cette prime à la casse dont la durée d'efficacité n'est que temporaire quand il faut réfléchir au long terme. Mais pour cela les acteurs concernés doivent avoir un comportement plus vertueux sur les marges qu'ils appliquent aux clients
. »

D’autres mesures en faveur de l’automobile verte ont été votées, comme l’adoption de l’exonération des droits de douane sur les voitures hybrides, et bientôt sur les véhicules électriques. Mais les concessionnaires ne croient pas en un décollage de ce marché avant plusieurs années.

Quel est l’effet d’une prime à la casse ?

Mais l’argument du gouvernement est-il justifié ? En France, où la production automobile est pourtant un secteur clé de l’économie, le bilan de la prime à la casse est mitigé tout au plus (voir encadré).

Et en Polynésie, les ventes avaient effectivement augmenté en 2010, pour redescendre en 2011 sous leur niveau précédent. Même si d’autres facteurs liés à la crise économique ont pu jouer, l’effet net ne semble pas avoir été durable, mis à part avancer des ventes d’une année, en rendant du pouvoir d’achat aux consommateurs, à l’exception des plus pauvres. Et sans bonus/malus en parallèle, l’effet écologique n’a probablement pas été très bénéfique.

La position du gouvernement est donc très pragmatique, même si les concessionnaires espèrent surtout une mesure temporaire qui leur permettrait de tenir le coup en attendant la reprise, si élusive depuis 2008. Et qu’ils se rassurent : si la prime à la casse ne semble pas sur la table, le ministre affirme être à l’écoute de leurs problèmes.

Laurey : Il n'y aura plus de prime à la casse
Les conséquences économiques de la prime à la casse en France

En pleine crise économique, la France avait instauré fin 2008 une prime à la casse, qui était venue compléter le dispositif de bonus/malus écologique mis en place en début de cette même année. Ces deux mesures étaient conçues pour aider les constructeurs automobiles français, qui emploient directement ou indirectement 10% de la population active nationale.

Après deux ans et plus de 2,2 milliards d’euros investis pour 1,2 million d’acheteurs, le bilan était mitigé. Selon une étude du cabinet d’audit Price Waterhouse Cooper et une autre de la Commission européenne, ces aides ont permis d’augmenter de 200 000 unités les ventes et d’enrayer le déclin des parts de marché des voitures françaises dans l’hexagone, qui se sont stabilisées à 56%. Mais comme les petites voitures françaises sont majoritairement assemblées à l’étranger, le déficit commercial de la France s’en est retrouvé aggravé. Dès la fin de la prime à la casse, les ventes ont chuté de 7% à 8%. Enfin, les ménages les plus pauvres, qui achètent leurs voitures d’occasion, ont constaté une augmentation des prix. Mais du côté positif, la TVA sur ces ventes supplémentaires a financé plus de la moitié du coût de la prime, la structure du parc automobile est devenue bien plus écologique, et ces aides ont beaucoup aidé la recherche et développement des constructeurs français sur les voitures électriques et les moteurs économes.

Ces études et une autre de l’OCDE confirment également que cette prime a surtout provoqué des achats anticipés, conduisant à une baisse temporaire des ventes dès la fin du dispositif.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 2 Octobre 2014 à 17:42 | Lu 3053 fois