Tahiti, le 22 juin 2025 - Samedi matin avait lieu la traditionnelle course de Va’a tā’ie à la pointe de Vénus. Point d’amorce de plusieurs semaines dédiées à la culture polynésienne, cet événement sportif se mêle, depuis dix ans maintenant, aux danses, aux chants et à l’art de notre Fenua. Véritables témoignages du passé, les sports traditionnels sont de plus en plus prisés par les nouvelles générations, preuve que notre culture retrouve la place qu’elle mérite dans la société.
Malgré des conditions climatiques humides en ce début de matinée, de nombreux participants s’étaient donné rendez-vous à la pointe de Vénus pour voguer sur les magnifiques Va’a tā’ie qui bordaient la plage de Mahina. Véritables symboles du passé, ces embarcations sont de plus en plus présentes sur les côtes polynésiennes, preuve que les sports traditionnels reprennent peu à peu leur place. “On a du monde malgré un début de matinée pluvieux. Il manque encore des clubs de Moorea qui n’ont pas pu venir à cause des conditions. On est contents de voir tous ces participants, car notre but, c’est de faire vivre la pirogue à voile. On a aussi l’envie de remettre à l’honneur le va’a d’antan, le va’a motu, qui se pratiquait à l’époque dans la rade de Papeete”, explique Enoch Laughlin, président du Tū’aro mā’ohi, la fédération des sports et des jeux traditionnels. “Malheureusement, on a dû se déplacer ici, et c’est vrai que les débuts ont été difficiles car les voiles n’étaient pas adaptées aux conditions de la pointe de Vénus. Donc il a fallu tout réadapter, et ça prend du temps, car il faut beaucoup de moyens.”
Une tradition perpétuée
Mais petit à petit, grâce à la volonté des amoureux de la pirogue traditionnelle et du gouvernement, les embarcations ont pu être remises au goût du jour. “Je suis tombé dans le va’a en 2015. Depuis, j’ai fait énormément de courses et de traversées. C’est une passion que je voulais transmettre, alors j’ai créé une école en 2019. On est situés sur le motu Arue. On organise des stages vacances, des cours d’initiation dans les écoles, des sorties pour les familles, on navigue tout le temps. On a construit nos dix pirogues à voile, et là, on travaille sur un projet de pirogue double, un va’a tipaerua”, détaille Teiva Veronique.
Pour cet amoureux du va’a tā’ie, président de l’école de pirogue à voile traditionnelle, rester connecté à l’océan et à la culture est primordial pour les futures générations : “L’important, c’est de transmettre notre passion de la navigation, partager nos connaissances et surtout permettre aux enfants de connaître les éléments dans lesquels ils vivent : la mer, les nuages, le soleil, les étoiles, le vent. Et aussi leur apprendre à respecter la nature et l’environnement, tout ce qui fait nos îles et notre vie. Notre école est dédiée à cela, et de temps en temps, on fait des courses. C’est sympa aussi de jouer avec les autres.”
Une course face aux éléments
Et l’équipe de Teiva, composée de Niuhiti Buillard et Totearii Anania, a été la maîtresse du jeu : elle a dominé samedi les trois étapes de la matinée. Entre deux courses dans la baie de Matavai et une hors lagon avec le tour du motu Martin, l’équipage expérimenté a su s’amuser avec les autres participants. Issus de l’école ou d’autres clubs, les équipages se sont donnés à cœur joie. Après avoir affronté un vent de face, le retour du motu fut un véritable plaisir : “Il y a eu pas mal de choses à gérer : les grosses vagues, le vent de face, l’équilibre de la pirogue… c’est une autre navigation. Et au retour, on a bien surfé les vagues, on a pris beaucoup de plaisir”, raconte Magali Rigollet, plus habituée au va’a classique, et pour qui cette expérience a été très enrichissante. “Avec la voile en plus, ça rajoute un élément de navigation supplémentaire qu’il faut gérer. Les sensations sont incroyables, c’est très stratégique. Et il ne faut pas forcément aller tout droit pour arriver les premiers !”
Pour sa coéquipière en club et amie, Reiva Ysac, plus expérimentée dans cette discipline, cette course est un moment convivial et de partage : “Ça fait plusieurs fois que je fais cette course, et c’est toujours un très bon moment. C’est aussi l’occasion de faire découvrir une très belle tradition : celle de la pirogue à voile.”
Avec sept clubs répartis sur toute la Polynésie, le va’a tā’ie a un bel avenir devant lui. Il faudra simplement se mettre d’accord sur les types de va’a. Entre le va’a tautoru, pirogue ancestrale à trois coques mais sans gouvernail, et le va’a motu, pirogue plus récente avec gouvernail, les discussions vont bon train, comme le souligne, avec le sourire, le pilier des sports traditionnels, l’incontournable Enoch Laughlin.
Les festivités Tū’aro mā’ohi se poursuivent durant le long week-end des 12, 13 et 14 juillet, avec la suite des sports traditionnels : lever de pierre, lancer de javelot, grimper au cocotier, coprah, lutte traditionnelle, et la course de porteurs de fruits.
Un programme exceptionnel pour des sports ancestraux qui le méritent bien.