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La vie des étudiants polynésiens à la loupe


Tahiti, le 30 juin 2022- L'ISPF a présenté jeudi les résultats de son enquête sur les conditions de vie des étudiants en Polynésie. Ils ont ainsi été interrogés, entre autres, sur leur logement, leur budget et leur situation familiale afin de déterminer l'impact des problématiques économiques et sociales sur la bonne réalisation de leurs études. Cette première étude pourrait à terme servir de support pour améliorer les conditions de vie des étudiants.
 
L'institut de la statistique de la Polynésie française, en partenariat avec la Délégation pour la prévention de la délinquance de la jeunesse (DPDJ), la Direction générale de l’éducation et des enseignements (DGEE) et l’Université de Polynésie française (UPF) a mené une enquête sur une année, afin de déterminer les conditions de vie des étudiants en Polynésie. Ainsi, les 4 363 étudiants postbac (en université, lycée, établissement privé ou public) ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne avec pour objectif "d'identifier le lien entre les problématiques économiques et sociales afin d’améliorer les conditions de vie des étudiants au fenua." 40 % d'entre eux y ont répondu et l'ISPF a présenté les résultats de l'étude jeudi, en conférence de presse. Et sans surprise, les conditions de vie des étudiants ont un impact sur la bonne réalisation de leurs études. 

69% des étudiants logés par la famille

L'enquête nous apprend que deux tiers des étudiants sont logés par des amis ou de la famille (55 % chez leurs parents) et 26 % sont autonomes en vivant en appartement, colocation ou résidence étudiante. Si un tiers des étudiants n'a pas la possibilité d'être seul pour travailler, 61 % d'entre eux considèrent que leur lieu de résidence est "agréable" (principalement ceux qui logent chez leurs parents), 36 % "vivable" et seulement 3 % "désagréable". L'étude démontre que "pour les étudiants vivant chez leurs parents, le logement est considéré comme plus agréable et il est plus aisé d’y être seul pour travailler." Comme l'explique Julie Pasquier, démographe à l'ISPF : "Il a des grosses différences en fonction des lieux d'habitation. C'est ce qui est le plus marquant dans cette étude. C'est qu'entre les lieux de résidence, si on vit dans une résidence étudiante, dans un appart seul ou en couple, ou chez les parents par exemple, on a vraiment des grosses différences de niveau de vie. Que ce soit en termes de budget ou de qualité d'études."

52 % des étudiants ont moins de 30 000 Fcfp mensuels

Justement, l'un des volets de l'étude est consacré au budget des étudiants. La moitié d'entre eux a des revenus mensuels inférieurs à 30 000 Fcfp, parmi lesquels 25 % disposent de moins de 10 000 Fcfp mensuels. Ceux qui ont les revenus les plus élevés résident plus souvent dans un logement seul ou en couple. À l'inverse, 74 % des étudiants ayant des revenus inférieurs à 10 000 Fcfp vivent chez leurs parents. 62 % des étudiants reçoivent une aide financière de leurs parents, les allocations et bourses représentent la source de revenu de 46 % des étudiants. Ceux qui vivent en résidence étudiante sont deux fois plus nombreux à bénéficier d'allocations et bourses (80 % contre 36 pour ceux qui vivent chez les parents et 34 % pour ceux en appartement). Et parfois, les étudiants rencontrent des difficultés financières, c'est le cas de 12 % qui ont déclaré "avoir du mal à s'en sortir" et 44 %"ça dépend des mois". Un étudiant sur huit a un emploi en plus de ses études. S'ils le qualifient d'"utile" à 69 %, les étudiants travaillent le plus souvent par nécessité : un tiers d'entre eux ne pourrait pas s'en sortir sans et parmi eux, 36 % seraient contraints d'arrêter leurs études.

L'alimentation, principal poste de dépenses

Interrogés sur leurs principaux postes de dépenses, l'alimentation arrive largement en tête (citée à 84 %), suivie des abonnements divers (téléphonie, internet, club de sport) avec 35 % et le transport 33 %. Un résultat d'ailleurs qui interpelle le syndicat Avenir étudiant puisque les transports en bus, maritime ou aérien dans certains cas sont gratuits (voir encadré). Viennent ensuite les dépenses liées aux études (dans les principaux postes de dépenses pour 27 %) et au  loyer (pour 26 %). Si le loyer est cité par un quart des étudiants comme l'un des principaux postes de dépense, ce résultat varie fortement en fonction de leur lieu de résidence. Ainsi 82 % de ceux qui logent en résidence étudiante l'ont déclaré comme une dépense principale, contre 55 % de ceux en appartement et 6 % de ceux vivant chez leurs parents. Comme le souligne Julie Pasquier, et comme elle l'a dit précédemment : "En termes de budget, évidemment ceux qui vivent chez leurs parents ont moins de loyer, donc les budgets ne sont pas du tout les mêmes que ceux en résidence étudiante qui ont des loyers modérés et d'autres en appartement avec des budgets plus importants. Le gros chiffre de l'enquête, ce sont ces différences."
 

Information et démarches
 
S'il existe des dispositifs d'aides pour les étudiants, 58 % considèrent qu'ils ne sont pas assez informés à leurs sujets. Dans 56 % des cas, les raisons invoquées le plus fréquemment sont les difficultés à effectuer des démarches.  Comme l'ont précisé les membres d'Avenir étudiant et le représentant de la DPDJ jeudi lors de la conférence, la création d'un guichet unique regroupant les services du Pays, de l'État et des différents établissements et services est réclamée de longue date. Cette plateforme permettrait de faciliter les démarches, et en particulier pour les élèves venant des îles.
 
5 % sans connexion internet
 
L'étude révèle que les étudiants passent 4 heures par jour sur internet pour leurs études. Parmi les étudiants logés en résidence universitaire, 42 % ont une offre internet fixe, contre 82 % pour ceux logés chez leurs parents et 75 % de ceux en appartement. On apprend que 5 % des étudiants n'ont aucune connexion à internet et cela concerne jusqu'à 11 % des étudiants en résidence universitaire. Ils se sentent majoritairement pénalisés pour la poursuite de leurs études, 58 % ayant déclaré être fortement avec des difficultés d'accès aux cours en ligne.
 
Addictions et études

Un dernier volet de l'étude est consacré aux addictions qui "peuvent impacter les études surtout dans un contexte d’éloignement de la famille." 16 % des étudiants ont déclaré avoir "déjà ressenti le besoin de diminuer leur consommation d'alcool", et 3 % ont déjà eu besoin d'alcool dès le matin. Quant aux drogues, si 76 % des étudiants ont déclaré "ne jamais en avoir consommé", 6 % en consomment pour faire la fête et 4 % en consomment régulièrement.
 
Cette étude, une première pour l'ISPF, devrait servir de base (tout au moins de point de départ) sur laquelle pourront s'appuyer la DPDJ, les ministères concernés ou les associations d'étudiants. Le syndicat Avenir étudiant a pour sa part déclaré vouloir "s'appuyer sur cette enquête pour pouvoir améliorer certaines choses, en revoir d'autres et redresser ce qu'il y a à redresser ! "

Haiata Poherui, présidente du syndicat Avenir étudiant
"On défend les étudiants mais ils ont leur responsabilité dans leur réussite"

 
Tu as réagi sur la partie de l'étude où des étudiants estiment manquer d'information sur les aides, peux-tu préciser pourquoi ?

"Dans l'étude, 58% disent ne pas être suffisamment informés sur les aides parce qu'il n'y a pas assez d'affichage. Or, on est dans l'ère numérique et Avenir étudiant a fait de son mieux pour informer au maximum. Toutes les informations sont postées sur Facebook, on a des associations d'étudiants en partenariat avec le syndicat qui sont très proches des établissements d'études supérieures et à côté de l'université. Il y a aussi une équipe d'étudiants bénévoles qui chaque année, va dans les logements pour informer les étudiants sur toutes les associations et les pages Facebook existantes. En résidence, ils sont tous au courant."
 
D'autres résultats ont-ils attiré ton attention ?
 
"On voit qu'au niveau du budget, les étudiants dépensent le plus dans la nourriture. C'est important parce que c'est une problématique qu'on a souvent rencontrée. Cela ne nous a pas étonnés. Ce qui m'a étonnée, c'est le résultat sur le transport, 33% du budget consacré aux transports alors qu'il y a la gratuité du bus, la gratuité maritime et aérienne pour certains… Par contre il faut faire la demande ! Quand on est étudiant et motivé, on est censé être à la recherche d'informations constamment, c'est ça la vie d'étudiant, c'est être autonome ! J'en reviens à l'ère numérique, aujourd'hui, il n'y a plus d'excuse. Ils doivent chercher l'information et non attendre l'information. On défend les étudiants mais ils ont leur responsabilité dans leur réussite.


Rédigé par Julie Barnac le Jeudi 30 Juin 2022 à 17:50 | Lu 1362 fois