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La tension monte à l’école bilingue de la Mission


Papeete, le 6 octobre 2019 – Alors qu’un litige traîne en longueur devant la justice sur la légalité de la location des locaux de l’école bilingue au foyer socio-éducatif du Bon Pasteur, quartier de la Mission à Papeete, les tensions se font de plus en plus pressantes entre les parents d’élèves, les cadres de l’école et les responsables du foyer. Après plusieurs épisodes houleux ces derniers jours, les parents d’élèves dénoncent la « prise en otage » de leurs enfants au milieu de ce bras de fer.
 
Ambiance tendue quelques semaines après cette troisième rentrée scolaire à l’école bilingue, installée depuis 2016 sur le terrain du foyer socio-éducatif du Bon Pasteur à la Mission à Papeete. L’an dernier, la rentrée avait été marquée par un litige devant le tribunal administratif entre le foyer et le conseil d’administration de la mission catholique (Camica), qui demandaient le départ de l’école. Cette année, l’affaire n’étant toujours pas réglée définitivement par les juridictions compétentes, la pression est montée d’un cran avec l’installation par les responsables du foyer d’une chaîne destinée à barrer l’accès aux véhicules des parents d’élèves.
 
En effet, vendredi 28 septembre dernier, l’accès au parking habituellement utilisé par les parents pour déposer leurs enfants à l’école bilingue a été bloqué par la directrice du foyer du Bon Pasteur. Et dans une cohabitation de plus en plus tendue entre les enseignants et parents d’élèves et les responsables du foyer, une vive altercation verbale a ensuite éclaté, jeudi dernier, entre le jardinier du foyer, une parent d’élève et l’adjoint au directeur de l’école bilingue.
 
« Le jardinier était en train de mettre quelque chose dans les plantes. Mon assistant est allé gentiment lui demander ce qu’il était en train de mettre comme produit pour être sûr que ça n’affecte pas la santé des enfants », explique le directeur de l’école bilingue, Benoît Picault. « Et là, il s’est complètement emporté. Il a souhaité frapper tout le monde, frapper mon assistant, frapper une maman qui était à côté de lui. » Vendredi matin, le calme était revenu sur place, mais l’épisode a fait l’effet d’une nouveau cap franchi dans les tensions entre les deux parties. Problème, chacun s’en tient à sa version des évènements. Puisque du côté du foyer, on affirme à l’inverse que c’est le jardinier qui a été « agressé verbalement » par une parent d’élève alors qu’il faisait son travail…

Un contentieux en cours devant la justice

A l’origine de cette situation, l’école bilingue s’est installée en août 2016 sur le terrain du foyer du Bon Pasteur. Les jeunes filles placées au foyer dormant pendant la nuit à l’étage des bâtiments et les élèves faisant classe au rez-de-chaussée pendant la journée. Au départ, l’école primaire hébergeait une dizaine d’élèves. Mais depuis la rentrée dernière, les effectifs sont passés à une soixantaine d’enfants. Une situation qui ne convient plus au foyer et au Camica, qui demandent aujourd’hui le départ de l’école. « La proximité de nos pensionnaires avec une école et des enfants en bas âge n’est absolument pas adaptée », explique-t-on au foyer, sans souhaiter expliquer sur les conditions dans lesquelles l’école a été autorisée à s’installer.
 
« Je suis arrivé en août 2016 avec évidemment l’accord du centre du Bon Pasteur à qui je règle un loyer », explique aujourd’hui le directeur de l’école bilingue. « Et puis au bout de deux ans, ils ont souhaité mettre un terme à l’école. Du coup, j’ai été obligé de saisir la justice et ce n’est toujours pas jugé. C’est pour ça qu’il faut qu’on attende la décision du juge. Elle seule doit être respectée ». Le directeur d’école assure qu’il respectera la décision prise par la justice, « quelle qu’elle soit », mais explique qu’il ne peut pas déménager son école en cours d’année et risquer de déscolariser des élèves.
 
L’an dernier, le tribunal administratif de Papeete avait été saisi d’une demande de référé (d’urgence, NDLR) du foyer et du Camica qui souhaitaient faire annuler l’autorisation d’ouverture de l’école. Le tribunal administratif avait rejeté la requête, estimant que les conditions d’urgence d’une telle demande n’étaient pas réunies. Depuis, le litige sur l’existence et les conditions d’un bail entre l’école bilingue et le Camica est toujours en cours au civil devant le tribunal de première instance de Papeete.

Situation « dégueulasse »

Plutôt rangés du côté de l’école bilingue, ce sont les parents d’élèves qui sont aujourd’hui les premiers à dénoncer la situation. Leurs enfants étant les premiers témoins des altercations entre les adultes. « Ce qui gène le plus, c’est qu’on a quand même l’impression que ce sont les enfants qui sont pris en otage et qu’on se sert des enfants dans une lutte dans laquelle ils n’ont rien à voir », explique Guillaume, parent d’un élève inscrit à l’école depuis deux ans. « Qu’il y ait un différent entre l’école et le Camica, ou je ne sais qui exactement, c’est une chose. C’est au tribunal. Il y a des lois et on respecte les lois et puis voilà. Mais qu’on ne s’en prenne pas aux enfants. Là très clairement on s’en prend aux enfants. C’est dégueulasse. »

​Benoît Picault, directeur de l’école bilingue

La situation semble se tendre entre l’école et le foyer du Bon Pasteur ?
 
« Ils ne respectent aucun de nos droits. Nous on est là en tant que locataires. On fait les choses correctement et eux n’ont de cesse que de nous provoquer. Ils nous privent du parking, de l’accès à l’école, insultent les parents et vont même jusqu’à s’en prendre verbalement aux enfants… Donc c’est quand même très problématique. »
 
Comment en est-on arrivé à cette situation entre vous et le foyer ?
 
« Je suis arrivé en août 2016 avec évidemment l’accord du centre du Bon Pasteur à qui je règle en loyer. Et puis au bout de deux ans, ils ont souhaité mettre un terme à l’école. Du coup, j’ai été obligé de saisir la justice et ce n’est toujours pas jugé. C’est pour ça qu’il faut qu’on attende la décision du juge. Elle seule doit être respectée. Ce n’est ni aux bonnes sœurs, ni au Camica de se faire justice eux-mêmes ».
 
Vous comprenez les parents qui regrettent que leurs enfants soient « pris en otage » ?
 
« C’est ça qui est dramatique. C’est à dire qu’on est dans un milieu catholique dans lequel on a une école avec des enfants de six à dix ans. Et on essaie de mettre une pression verbale et parfois physique. C’est quand même incroyable. Il faut quand même protéger les enfants. Je peux comprendre que le Camica ou autres soient en colère après moi. Mais dans ce cas là, il faut venir me voir moi. Il faut arrêter de s’en prendre aux parents et aux enfants qui ne sont en rien responsables de cette situation. Je rappelle que j’ai été accueilli les bras ouverts en août 2016 et que je ne me suis pas installé en force, bien au contraire. On a eu des accords et une entente parfaite pendant deux ans. Ensuite, il faudra leur demander pourquoi il y a eu un tel changement d’attitude. »

Pas de commentaires au Bon Pasteur

Du côté du foyer socio-éducatif du Bon Pasteur, on ne souhaite pas s’exprimer sur la situation « pendant que des démarches judiciaires et administratives sont en cours » et on assure être « extrêmement soucieux de calmer le jeu ». Le foyer, ouvert depuis 52 ans, abrite 20 jeunes filles de 12 à 18 ans en placements socio-judiciaires. « La proximité de nos pensionnaires avec une école et des enfants en bas âge n’est absolument pas adaptée », explique-t-on simplement du côté de la direction du Bon Pasteur. Les responsables du foyer n’ont en revanche souhaité donner aucun détail sur les circonstances dans lesquelles l’école bilingue s’est installée en 2016 et disent uniquement contester « la version » donnée par les responsables de l’école.

Rédigé par Antoine Samoyeau le Dimanche 6 Octobre 2019 à 17:44 | Lu 10305 fois