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La surpopulation carcérale au fenua, c'est du "passé"


La surpopulation carcérale au fenua, c'est du "passé"
Tahiti, le 1er mai 2022 – Au second et dernier jour du colloque de l'UPF consacré à la "dignité des détenus dans les prisons des Outre-mer à la lumière de l'expérience polynésienne", les directeurs des prisons de Tatutu et Nuutania, Vincent Vernet et Damien Pellen, sont intervenus pour évoquer les conditions de détention au sein de leurs établissements.
 
Cinquante ans après la construction de Nuutania et cinq ans après celle du vaisseau amiral de l'administration pénitentiaire en Outre-mer, la prison de Tatutu, qu'en est-il des conditions de détention pour les détenus polynésiens ? Telle est la question sur laquelle se sont penchés les intervenants du colloque organisé, jeudi et vendredi à l'UPF, sur le thème de la "dignité des détenus dans les prisons des Outre-mer à la lumière de l'expérience polynésienne".
 
 Alors que le centre de détention de Nuutania à Faa'a, qui a atteint jusqu'à 300% de surpopulation carcérale, avoisine désormais le taux de 120%, le procureur général près la cour d'appel de Papeete, Thomas Pison, est intervenu vendredi après-midi pour affirmer que cette thématique de surpopulation carcérale, qui porte une grave atteinte à la dignité des personnes détenues, appartenait désormais "au passé" et ce, notamment du fait de l'ouverture du centre de détention de Tatutu à Papeari en 2017. "Le parquet est là pour maintenir cet équilibre et éviter cette surpopulation carcérale."
 
"Volontés internes"
 
Plus tôt dans la journée, ce sont les directeurs des prisons de Nuutania et Tatutu, Damien Pellen et Vincent Vernet, qui étaient intervenus pour évoquer les conditions de détention dans leurs établissements. Si le premier (voir encadré) a fait état des nombreuses améliorations apportées à une prison maintes fois condamnée par le passé pour ses conditions d'incarcération, le second a salué les moyens alloués à son établissement afin que les personnes détenues vivent leur détention en toute dignité. 
 
Comme l'a rappelé Vincent Vernet, la prison de Tatutu a des "moyens en termes de locaux, de personnel et d'intervenants" : "Il est donc structurellement plus simple de faire des choses à Tatutu qu'à Nuutania où il n'y a pas d'espace dédié aux activités ou de grands espaces extérieurs. La structure aide donc en cela au départ. Après, il y a des volontés internes. Beaucoup d'activités –création d'entreprises, apprentissage du mandarin– sont encadrées par les détenus eux-mêmes qui sont autonomes." En guise de conclusion et alors qu'il était interrogé sur son approche de la définition de la dignité humaine, Vincent Vernet s'en est remis au philosophe Emmanuel Kant selon lequel nous devons "considérer l'homme comme une fin en soi et non comme un moyen"

"Permettre aux femmes d'avoir un quotidien de détention digne de la condition humaine."

 Damien Pellen, directeur de Nuutania

Pourriez-vous rappeler le contexte dans lequel le centre de détention de Nuutania a été construit ?

" Cette prison a été construite dans les années 1970 et il faut rappeler qu'à l'époque, la construction de Nuutania était moderne puisqu'elle avait été imaginée sur le modèle de la prison de Fleury-Mérogis, un établissement emblématique en France qui accueille 4500 détenus. Le modèle de ce dernier a été réduit pour pouvoir être adapté à la vallée de Nuutania. À l'époque, il était donc extrêmement important d'avoir un établissement neuf sur le territoire polynésien. Les années passant, la dégradation des bâtiments a fait que nous n'étions plus en adéquation avec ce que l'on pourrait attendre d'une détention digne et qui peut accueillir les détenus de manière confortable. Je précise toutefois qu'en métropole, il y a des établissements où il n'y a pas de douche en cellule. Ce sont des douches collectives alors qu'à Nuutania, il y a des douches en cellule. Nous parlons d'indignité humaine par rapport à une surpopulation particulière à certains moments de l'histoire de Nuutania, mais entre les années 1970 et 1990, l'établissement pouvait être, et devait être, considéré comme extrêmement moderne par rapport aux standards français."
 
Les conditions de détention à Nuutania ont longtemps été décriées. Quelles sont les améliorations qui ont été apportées ces dernières années ?

"Nous avons créé un quartier pour les femmes digne de ce nom. Nous avons en fait procédé à un "switch" avec les quartiers modernes des détenus qui sortaient toute la journée en semi-liberté alors que les femmes se trouvaient dans un quartier complètement obsolète. Nous avons donc transformé le quartier pour peines aménagées en quartier femmes avec des douches en cellule, des espaces collectifs agréables et une cellule mère-enfant qui peut aujourd'hui accueillir une maman détenue avec son enfant jusqu'à 18 mois. Les détenus qui sortent toute la journée sont dans un quartier plus exigu mais leurs cellules ont tout de même été rénovées. L'administration a mis un million d'euro –120 millions de Fcfp– pour pouvoir permettre aux femmes condamnées ou prévenues d'avoir un quotidien de détention digne de la condition humaine.
" de Fleury-Mérogis, un établissement emblématique en France qui accueille 4500 détenus. Le modèle de ce dernier a été réduit pour pouvoir être adapté à la vallée de Nuutania. À l'époque, il était donc extrêmement important d'avoir un établissement neuf sur le territoire polynésien. Les années passant, la dégradation des bâtiments a fait que nous n'étions plus en adéquation avec ce que l'on pourrait attendre d'une détention digne et qui peut accueillir les détenus de manière confortable. Je précise toutefois qu'en métropole, il y a des établissements où il n'y a pas de douche en cellule. Ce sont des douches collectives alors qu'à Nuutania, il y a des douches en cellule. Nous parlons d'indignité humaine par rapport à une surpopulation particulière à certains moments de l'histoire de Nuutania, mais entre les années 1970 et 1990, l'établissement pouvait être, et devait être, considéré comme extrêmement moderne par rapport aux standards français."
 

Rédigé par Garance Colbert le Dimanche 1 Mai 2022 à 19:47 | Lu 1277 fois