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"La situation est catastrophique"


Tahiti, le 11 août 2021 – Les responsables de la plateforme Covid ont organisé un point mercredi sur le contexte sanitaire alarmant de la Polynésie française. La situation est très inquiétante, notamment dans les îles, qui enregistrent de nombreux cas alors que les services de soins des hôpitaux sont au bord de la saturation. Les chiffres concernent la semaine du 2 au 8 août.

Le contexte actuel est très inquiétant et je ne suis pas certain que tout le monde réalise l'impact de cette épidémie”, débute le docteur et épidémiologiste à la plateforme Covid, Henri-Pierre Mallet mercredi après-midi à la présidence. Avec 15 décès en deux jours et 198 personnes actuellement hospitalisées au CHPF, à Moorea et à Uturoa, la nouvelle vague épidémique provoquée par le variant Delta est sans précédent. “Le dépistage des touristes n'est plus vraiment primordial puisque l'épidémie est là, à l'intérieur même du Pays”, déplore l'épidémiologiste.

Lors de la semaine du 2 au 8 août, avec une incidence de 1 500 nouveaux cas pour 100 000 habitants par semaine, un taux de positivité des tests de 39%, et surtout 24 îles désormais touchées par le virus, les services de soins des hôpitaux ont atteint un niveau proche de la saturation.

Les jeunes moins vaccinés, plus contagieux

Selon Henri-Pierre Mallet, le variant Delta est “très probablement” le seul virus circulant actuellement au fenua. Mais il est extrêmement contagieux et permet une diffusion très rapide au sein de la population. La semaine dernière, l'incidence la plus forte se retrouvait sur une tranche d'âge plus jeune qu'auparavant : les 20-59 ans. “C'est tout à fait logique” a commenté la plateforme Covid. Cela s'expliquerait par des différences de couverture vaccinale selon les tranches d'âges. Le pourcentage de personnes de plus de 75 ans ayant reçu au moins une dose de vaccin atteignant 78,65% tandis que les 18-59 ans n'étaient vaccinés qu'à hauteur de 42,33%, toujours la semaine dernière.

Comme les jeunes sont contaminés, “la grande majorité des cas sont des formes relativement bénignes. Vous avez sans doute vu autour de vous des symptômes grippaux assez classiques qui se résolvent en quelques jours”, explique le docteur. Mais compte tenu du nombre important de cas contaminés dernièrement, des cas sévères sont déclarés et nécessitent des hospitalisations. “En nombre de cas hebdomadaires, on a dépassé le pic de la précédente vague. On a dépassé n'ont pas le volume, mais le rythme des admissions quotidiennes au CHPF et dans les hôpitaux périphériques de Moorea et Raiatea”, commente Henri-Pierre Mallet.

Le vaccin pour contenir les décès

Parmi les personnes hospitalisées entre le 2 et le 8 août, 85% n'étaient pas vaccinées pour une moyenne d'âge de 57 ans. Aussi, 75% des personnes décédées la semaine dernière n'étaient pas vaccinées. “Vous allez me dire que 25% étaient vaccinées. Mais les vaccins ne protègent malheureusement pas contre une insuffisance rénale terminale ou un cancer qui, additionnés à un petit Covid, amènent le décès”, rappelle le docteur Mallet. Dans son rapport, la plateforme Covid insiste sur le fait que les 13 personnes décédées la semaine dernière présentaient toutes au moins une comorbidité.

En étudiant la situation internationale, les responsables de la plateforme Covid ont observé que les Fidji, très peu vaccinées, ont fait face à une épidémie très brutale. D'autres pays, présentant une couverture vaccinale importante comme le Canada ou les États-Unis n'échappent pas aux pics épidémiques, généralement atteint après quatre à six semaines. Mais en parallèle, ces pays ont enregistré des taux de mortalité modérés grâce à leur couverture vaccinale suffisante. “C'est l'espoir et c'est ce qu'il faut que l'on atteigne. On est clairement en retard. Mais on peut encore échapper à la catastrophe si on augmente la vitesse de vaccination”. Une vaccination qui enregistre désormais un rythme de 10 000 doses injectées par semaine. La semaine dernière, 38% de la population totale avait reçu au moins une dose de vaccin, 29% des Polynésiens étaient totalement vaccinés.
 
Saturation des soins, inquiétude dans les îles
 
Les systèmes de soins sont au bord de la saturation. “Nos collègues du CHPF devaient être présents pour ce point, mais ils n'ont pas pu tellement ils sont occupés”. Pour Henri-Pierre Mallet, “la situation est catastrophique. Aujourd'hui, ils arrivent encore à prendre en charge les personnes à l'hôpital, mais certainement au détriment de d'autres patients”. D'autres patients qui pourraient très prochainement se retrouver être les habitants dans îles “où la situation commence à être problématique” consent la directrice de la Santé, Merehau Mervin. “L'archipel des îles Sous-le-Vent est certainement celui qui nous inquiète le plus à ce jour. On a une situation très inquiétante sur Huahine et l'accélération se confirme à Uturoa avec un nombre d'hospitalisations qui augmente”.

Dix évasans ont été réalisées vers le CHPF la semaine dernière, alors que ce dernier arrive à saturation. Pour Merehau Mervin, “le nombre d'évasans ne pourra pas continuer de cette manière. Si des populations sont touchées dans des îles qui sont extrêmement éloignées, on va se retrouver à faire des choix très compliqués, et ça serait une catastrophe”.

Rédigé par Etienne Dorin le Mercredi 11 Août 2021 à 20:58 | Lu 5058 fois