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La santé sur le pied de guerre


Tahiti, le 12 mars 2020 – Le ministre de la Santé, Jacques Raynal, a annoncé que les établissements de santé de Polynésie étaient prêts à effectuer les examens nécessaires pour les diagnostics des potentiels cas-suspects de coronavirus. L'occasion pour le Centre hospitalier de la Polynésie française et pour la Direction de la santé de faire le point sur les mesures en place.
 
Au lendemain de la découverte du premier cas de coronavirus en Polynésie française, un point presse conjoint État-Pays sur "l'actualité concernant l'infestation au coronavirus en Polynésie" a été organisé jeudi en fin de matinée à la Présidence. Le ministre de la Santé, Jacques Raynal, et le directeur de cabinet du haut-commissaire, Christophe Deschamps, ont reçu les médias entourés notamment de quelques ministres, de la directrice du Centre hospitalier de la Polynésie française, Claude Panero, et de la directrice de la santé, Laurence Bonnac-Théron. L'objectif étant de dresser un état des lieux de la situation et de faire connaître les mesures prises dans le cadre de la prévention de la propagation de l’épidémie au fenua.
Jeudi matin, en plus du premier cas déclaré mercredi, "quatre à cinq personnes" étaient "en instance d'attente de résultats des examens", a indiqué le ministre de la Santé. Dans l’après-midi, deux nouveaux cas de coronavirus ont été officiellement confirmés sur le fenua (voir page 5).
 
  • La santé s'organise 
 
Vu la situation, le directeur de cabinet du haut-commissaire, Christophe Deschamps, a expliqué que le poste de crise du Haut-commissariat (PCHC) allait "se réunir chaque jour avec l'ensemble des services de l'État et des services du Pays pour envisager la problématique dans toutes ses dimensions". La dimension sanitaire est présentée comme "essentielle" et "prioritaire".  De son côté, le ministre de la Santé et la Direction de la santé ont décidé de suspendre tous les congés demandés par le personnel de santé, à l'exception de ceux "qui ne pouvaient pas être reportés", comme les congés maternité ou pour cause de décès dans la famille. Ainsi, "tous les personnels de santé restent mobilisé et mobilisable dans leurs centres pour pouvoir assurer la sécurité des centres".
 
  • Le Samu en première ligne
 
La directrice du CHPF, Claude Panero, a expliqué : "Actuellement, nous avons les ressources nécessaires en termes de capacité. On est sur des étapes graduées et on a donc des temps de réponse qui sont fonction de l'évolution épidémique, mais nous avons les ressources disponibles à ce jour". Selon elle, des chambres sont d'ores-et-déjà réservées à l'accueil de personnes positives au coronavirus et nécessitant une hospitalisation,  et les services de santé en sont déjà "à envisager toutes les étapes de l'évolution pour être en capacité de répondre immédiatement".  Elle a insisté sur le fait que l'essentiel des efforts du CHPF se concentrait sur le Samu. En effet, le service du 15 organise, avec le Bureau de veille sanitaire, la prise en charge d'un cas-suspect pour qu'il puisse consulter et effectuer des analyses. 
Elle a rappelé notamment que les campagnes de communication sur les gestes barrières permettaient déjà d'endiguer la propagation du virus. La directrice a également tenu à temporiser : "Lorsque le virus se déclare chez quelqu'un, cela n'entraîne des épisodes graves que pour à peine 10 à 15% des cas". "On le voit également en métropole, le taux de décès est résiduel, il est équivalent à des phénomènes de grippe un peu classique, sur des personnes déjà fragiles et avec des comorbidités". En cela, la directrice a expliqué que l'ensemble des équipes est "serein" puisque l'épidémie sera gérée par étape et les réponses seront apportées en fonction de l'évolution de cette épidémie.
 
  • La prise en charge des cas-suspects
 
Une fois que le Bureau de veille sanitaire est appelé par une personne montrant  des symptômes grippaux, il est considéré comme un cas-suspect et est immédiatement pris en charge et isolé. Si aux symptômes s'ajoutent les facteurs de risques comme la provenance d'une zone contaminée, le cas-suspect devient un cas-possible. Il lui sera alors proposé de subir des prélèvements buccal et nasal. Si les résultats reviennent positifs, il devient cas-confirmé. Une enquête est alors menée autour du cas pour déterminer les cas-contacts. Il s'agit des personnes ayant été en contact plus ou moins rapproché avec le cas-confirmé. Plusieurs sortes de risques sont liées à ces contacts, comme le risque négligeable qui est dû à un contact assez distant, sans contact physique. Le risque faible est dû à un contact prolongé et proche avec une personne infectée, comme durant une conversation en face-à-face. Le risque modéré est dû à une fréquentation prolongée et rapprochée avec une personne atteinte du Covid-19. Et enfin, le risque fort est dû au fait de vivre ensemble dans le cercle familial. Les différents risques déterminent la nécessité ou pas d'effectuer des tests et des mises l'isolement des personnes.
Les personnes ayant été diagnostiquées positives sont mises à l'isolement pour une quatorzaine et elles reçoivent les équipes de la veille sanitaire à leur domicile. Elles seront chargées de donner les recommandations pour la mise à l'isolement et pour l'aménagement du domicile pour endiguer la propagation du virus. Des visites sont également organisées pour surveiller l'évolution de l'état des personnes atteintes du Covid-19.
 
  • Une enquête en cours sur des surfeurs
 
Une enquête est actuellement en cours sur des surfeurs de la Papara pro Open qui se déroulait depuis lundi. La compétition a été annulée par la World surf league (WSL) jeudi dès midi, tout comme l'ensemble des compétitions sportives de la WSL "en raison de l'évolution rapide du Covid-19". Localement, l’enquête porte sur certains surfeurs qui ont pu être en contact avec l’un des cas confirmés de coronavirus. Selon Jacques Raynal, jeudi matin, "une équipe médicale [était] en train d'interroger les surfeurs pour savoir quel type de contact ils sont susceptibles d'avoir eu avec des personnes qui sont considérées sujets-suspects".
 
  • Virus méconnu et précautions
 
La période critique est la période durant laquelle le cas-confirmé est contagieux. Aujourd'hui, la durée de contagiosité est encore méconnue, mais il semblerait que les épidémiologistes essaient de la calculer. Le temps d'incubation est lui estimé entre deux et quatorze jours, il s'agit du temps durant lequel le virus s'installe dans l'organisme et que le patient déclare les symptômes. Donc par précaution, le personnel de santé demande un isolement de quatorze jours et rappelle que "ce n'est pas parce qu'on a eu un test négatif que l'on n'est pas atteint du coronavirus". En effet, seul l'isolement pendant quatorze jours permet d'affirmer qu'une personne n'est pas infectée par le coronavirus, avec un test à l'issue.

Pour le moment, la France, et donc la Polynésie, a choisi de déclarer une personne guérie si elle présente deux prélèvements négatifs à 48 heures d'intervalles. 
 
  • Des structures d'isolement en progression
 
Selon nos informations, les organismes de santé essaient de trouver des lieux où il est possible de séparer les personnes pouvant être porteuses du coronavirus et les autres patients pour ne pas aggraver l'épidémie. Ils sont actuellement à la recherche de bâtiments et de postes médicaux avancés, qui sont des établissements de soins provisoires. Cela permettrait de prendre en charge les cas de coronavirus et de préserver les personnes plus fragiles de la population. En Polynésie française, il y a 120 points de consultations éparpillés sur l'ensemble des îles. Les subdivisionnaires de santé dans les autres îles seront donc amenés à se mettre en relation avec les maires et les tavana hau pour pouvoir aménager les postes de soins des dispensaires, ou trouver des lieux où installer un poste médical avancé. En revanche, la mise en place de telles structures n'interviendra que lorsque la Polynésie entrera en phase deux de l'épidémie.

Jacques Raynal : "On reste dans le cadre d'une infection qui n'est, dans la plupart des cas, pas dangereuse"

Combien de personnes sont actuellement en examen ?

"Il y a quatre à cinq personnes, ça se compte sur les doigts d'une main, qui sont confinées, mais qui sont en instance d'attente de résultats des examens que nous sommes en train de faire. Donc tant qu'on n'a pas de résultat, on leur a demandé de rester dans leur domicile, voire dans leur chambre."
 
Le gouvernement semble prôner le calme malgré l'annonce du premier cas ?

"Ca n'est pas la peste, ça n'est pas la lèpre, ça n'est pas la grippe espagnole, on est loin de tout ça ! L'OMS, bien qu'il ait déclaré la pandémie, c’est-à-dire que le virus s'est diffusé dans tous les pays, on reste dans le cadre d'une infection qui n'est, dans la plupart des cas, pas dangereuse. Elle n'est dangereuse pour les organismes qui étaient déjà fatigués ou en état de maladie et le grand-âge, au-delà de 75 ans."
 
 
 

le Jeudi 12 Mars 2020 à 22:26 | Lu 3391 fois