Tahiti Infos

La santé des agents de nettoyage fortement affectée par leur travail, selon une étude


Crédit JOEL SAGET / AFP
Crédit JOEL SAGET / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 13/11/2025 - Horaires fragmentés, cadences parfois intenables, manipulation de substances nocives, isolement: les agents de nettoyage sont exposés à un cocktail de risques souvent liés à l'organisation du travail, notamment la sous-traitance, qui pèse très lourd sur leur santé, alerte jeudi l'Anses.

"Mes collègues et moi, on a tous les mêmes problèmes de santé, les épaules bousillées, les poignets avec des tendinites à répétition, le mal de dos, les genoux, ça use beaucoup, beaucoup", confie Christelle, agent d'entretien de 51 ans, dans la Marne. 

L'agence sanitaire a mené une étude pluridisciplinaire de grande ampleur sur ce secteur dont les agents sont souvent invisibilisés, voire méprisés, mais représentent 1,2 à 1,4 million de personnes.

Ce rapport, qui porte sur les agents de nettoyage intervenant dans des environnements professionnels, non sur ceux travaillant chez des particuliers ou dans des locaux exposés à une pollution spécifique, dresse un état des lieux très sombre.

Ils, ou plutôt elles comme il s'agit à 73% de femmes, sont "exposées à une combinaison de risques professionnels qui pèsent lourdement sur leur santé, liés à la nature même du travail qu'elles exercent - des efforts physiques, des expositions à des produits chimiques, à des agents biologiques - mais aussi à l'organisation du travail, en horaire décalé, travail isolé, avec des cadences importantes", résume le directeur scientifique Santé et Travail de l'Anses, Henri Bastos.

Ce rapport permet de "mettre en lumière une situation qu'on a malheureusement dénoncée depuis très longtemps", a réagi le secrétaire général de la fédération des services FO, Zaïnal Nizaraly.

- Licenciés pour inaptitude -

Plus souvent d'origine étrangère que l'ensemble des salariés, ces agents sont souvent précaires, avec des contrats courts, des employeurs multiples, des salaires faibles, et sont peu syndiqués. 

Dans ce secteur, la fréquence des accidents du travail est plus importante que la moyenne, le taux de travailleurs ayant une maladie professionnelle reconnue deux fois plus élevé et les licenciements pour inaptitude près de deux fois plus fréquents que pour l'ensemble des CDI, pointe l'étude.

La prévalence des troubles musculosquelettiques (TMS) est forte mais les agents souffrent également de maladies respiratoires et dermatologiques liées à l'utilisation de produits chimiques et à l'environnement humide. 

Des études suggèrent un risque accru de cancers de la vessie, du poumon ou encore de leucémie.

Si ces agents ont une durée de travail hebdomadaire nettement inférieure à celle de l'ensemble des salariés, avec beaucoup de temps partiels subis, ils réalisent souvent des horaires décalés et fragmentés et donc des journées de travail à grande amplitude. 

Ces horaires atypiques pèsent sur la vie de famille et augmentent les risques cardiovasculaires, soulignent les auteurs.

Une part importante de ces facteurs de risque émane de l'organisation du travail, insistent-il. 

Quelque 35% des agents travaillent pour des entreprises de sous-traitance, une proportion qui s'est fortement accrue ces dernières années. 

Cette tendance conduit à une diminution des volumes horaires dédiés au nettoyage et ainsi à une intensification du travail, qui entraîne un augmentation des risques de TMS et d'accidents. 

- Travail en journée -

Sous-traitance ou pas, les rythmes imposés peuvent conduire à un sentiment de perte de sens pour les agents.

Les auteurs soulignent aussi que certaines entreprises ne respectent pas le Code du travail, par exemple sur les heures supplémentaires.

Souvent isolés, les agents n'ont généralement pas de suivi médical renforcé et ont peu d'accès aux outils de prévention disponibles, parfois inadaptés aux personnes en situation d'illettrisme ou d'illectronisme. 

"On n'a pas de formation sur comment se tenir, économiser son dos et c'est comme ça qu'on se blesse bêtement", déplore Aurélie, 33 ans, qui exerce ce métier depuis 15 ans.

Face à ces constats, le rapport de l'Anses recommande d'étudier plus en profondeur l'impact de ces activités sur certaines pathologies chroniques et la santé des femmes enceintes et de leurs bébés.

L'agence demande aussi de développer la formation sur la prévention des risques, à travers des supports visuels adaptés, et de mettre en place des actions de prévention ciblées sur les TMS. 

Le document préconise de faire évoluer l'organisation du travail pour promouvoir le travail en journée.

Il souligne également la nécessité de renforcer les responsabilités du donneur d'ordre en cas de sous-traitance, en prenant modèle sur les règles appliquées à l'intérim.

le Jeudi 13 Novembre 2025 à 05:25 | Lu 276 fois