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La parité en politique, c'est pas encore gagné au fenua


La parité en politique, c'est pas encore gagné au fenua
Tahiti, le 8 mars 2021 – Alors que la journée du 8 mars a largement permis de célébrer les droits des femmes dans les différentes institutions polynésiennes, Tahiti Infos s'est penché sur l'état des lieux de la parité réelle dans les instances politiques du fenua. Et si l'on excepte le cas de la parité obligatoire à Tarahoi, l'égalité des genres est encore loin d’être acquise en Polynésie.
 
Exposition artistique et artisanale, chaîne humaine, débats ou formation sur le thème du leadership "au féminin"… Comme chaque année au fenua, la journée des droits des femmes a été largement célébrée lundi 8 mars à la présidence, à l'assemblée ou encore au Conseil économique, social, environnemental et culturel (voir page 8). L'occasion de se pencher sur l'état de la parité réelle dans les institutions polynésiennes qui –si l'on excepte l'assemblée et ses 30 représentantes femmes pour 27 hommes– a encore un peu de chemin à faire.
 
Le gouvernement, tout d'abord, ne compte aujourd’hui que trois femmes sur neuf ministres. Et s'il n'en dénombrait que quatre avant le dernier remaniement, ce déséquilibre reste un progrès en comparaison de l'unique femme présente sous le premier gouvernement Flosse de 2013, Béatrice Chansin –rejointe quelques mois plus tard par Manolita Ly– et en comparaison également de l'unique femme ministre sous le précédent gouvernement Temaru de 2011, Chantal Tahiata. Notons par ailleurs que l'exécutif polynésien n'a jamais compté de femme présidente ou vice-présidente du Pays. Des gouvernements "composés pour l’essentiel d’hommes" qui "ne sont pas toujours moteurs" en faveur de l’égalité, avait fait remarquer l'ex-élue et ministre, Armelle Merceron, dans son dernier "bilan de la parité légale obligatoire en Polynésie" réalisé en 2018.
 
Parité forcée à l'assemblée
 
S'il est une institution où la parité est néanmoins particulièrement respectée, c'est l'assemblée de la Polynésie française. Avec une représentation actuelle à 30 élues femmes pour 27 hommes, Tarahoi figure à "l’avant-garde" de la féminisation en politique dans la région, commente le politologue Sémir Al Wardi. "Nous sommes cités en exemple, parce que la femme a véritablement une place dans le jeu politique", souligne le politologue. "Mais en Polynésie et en Calédonie (44% de femmes au Congrès, Ndlr), la loi est appliquée à la lettre parce que c’est une obligation."
 
Depuis la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, complétée plus récemment par la loi organique de 2011 précisant les conditions de l'alternance homme/femme sur les listes pour les élections des représentants à l’assemblée de la Polynésie française, la parité est une réalité dans l'hémicycle. "Parfois, il y a la nécessité d’imposer certaines règles si on veut s’inscrire dans le progrès", analyse Sémir Al Wardi.
 
Dans une société encore marquée par le patriarcat, l’obligation de la parité applicable à la circonscription aux élections territoriales a pourtant fait l’objet de nombreuses critiques lors de son instauration. Principalement en raison du manque de femmes politiques d'expérience. "Quand la loi sur la parité est sortie, c’était compliqué à mettre en œuvre, parce que non seulement il fallait convaincre les hommes de laisser leur place, mais en plus il fallait convaincre des femmes de se présenter", poursuit Sémir Al Wardi. Illustration des difficultés toujours persistantes, lors des territoriales de 2018, le Tapura avait opté pour une répartition des sections lui permettant de faire figurer 5 hommes contre 3 femmes en position de têtes de liste. Le leader du parti, Edouard Fritch, s'en était notamment expliqué à l'époque par la forte représentation du nombre d'hommes tavana en Polynésie par rapport aux femmes.
 
Un peu plus tard, en novembre 2018, la majorité Tapura avait même proposé d’assouplir les règles de la parité aux territoriales, pour rendre l’obligation de parité applicable à chaque section et non plus à la circonscription. Ce qui aurait permis aux listes en lice de placer huit hommes –ou huit femmes, sait-on jamais…– en tête des huit sections. "Compte tenu des émotions qu’a réveillées cette proposition de modification statutaire, elle a été retirée des propositions du gouvernement", avait finalement concédé la ministre de la Famille, Isabelle Sachet.
 
Cesec et communes à la traîne
 
Critiqué en 2018 pour ce projet de toilettage de la parité à l'assemblée par le Conseil économique, social et culturel, la ministre Isabelle Sachet avait renvoyé la Quatrième institution du Pays dans ses 22 mètres, émettant "le souhait que le CESC, qui considère que cette proposition était une régression de la place des femmes en politique, laisse également une meilleure place aux femmes en son sein en appliquant également le principe de parité pour sa composition". Et le moins que l'on puisse dire c’est que l'actuel Cesec est loin d'afficher un bilan très reluisant en matière de parité : 11 femmes sur 48 membres actuellement, et une seule présidente –Raymonde Raoulx– en 43 ans et 28 mandatures…
 
Enfin, le constat le plus compliqué se situe du côté des communes où les électeurs n'ont élu que 6 femmes tavana sur les 48 communes de plein exercice que compte la Polynésie française. Une faible représentativité de la gente féminine que le politologue Semir Al Wardi relativise. "En 2014, il y avait peut-être 10 femmes maires sur 48, mais en maire adjointes, elles représentaient presque la moitié". La parité étant également obligatoire sur les scrutins de listes des communes de plus de 1 000 habitants, pas de doute pour cet observateur de la vie politique, les femmes sont présentes dans les mairies et elles font leur bout de chemin pour convaincre les électeurs.
 

Gaston Tong Sang, président de l’assemblée de Polynésie : “Ce n’est pas un combat homme contre femme”

La politique en Polynésie fait-elle suffisamment de place aux femmes ?
“A l’assemblée, il y a plus de femmes que d’hommes donc on va au-delà de la parité. Je pense que cette institution n’a pas à rougir de la place qu’elle fait aux femmes. C’est la loi aussi. Je m’accommode parfaitement de cette représentativité. Mais il faut aussi que la femme ait envie de s’engager en politique, il ne faut pas non plus les forcer.”

C’est une question de manque de volonté ?
“Il y a un départ en politique. On commence à fréquenter les institutions, à sentir si on a la fibre politique, ce n’est pas donné à tout le monde, y compris du côté des hommes. La femme a tout intérêt effectivement à s’impliquer dans l’institution de proximité, dès la commune. Il n’y a pas mieux que la commune pour être au plus proche de la population, et la femme aime bien être au contact et les relations publiques. Il y en a qui ont une petite expérience communale de base, du terrain, ça peut toujours servir à l’assemblée. Cela étant, j’encourage les partis politiques à miser sur les femmes. La Polynésie veut être classée parmi les bons élèves et il y a encore beaucoup de travail à faire, mais j’ai confiance. Rappelons que ce n’est pas un combat homme contre femme.”

Il a fallu quand même imposer la place des femmes en politique face à leurs pairs ?
“En politique on ne s’impose pas, on est élu ou non. Les électeurs choisissent les élus capables de les représenter. Il faut que ce soit naturel aussi. La loi ne peut pas tout faire pour organiser une société. La femme ne doit pas perdre son côté naturel, sa gentillesse, sa féminité, il ne faut pas qu’elle perde toute ses qualités.”

Qualités qui ne sont pas incompatibles avec la politique ?
“Ce n’est pas incompatible avec la politique, c’est même un atout. La sensibilité des femmes est importante pour construire une société.”
 

Rédigé par Esther Cunéo et Antoine Samoyeau le Lundi 8 Mars 2021 à 20:18 | Lu 1337 fois