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La greffe de rein dorénavant possible à Tahiti


La greffe de rein dorénavant possible à Tahiti
PAPEETE, vendredi 5 juillet 2013 – "On est le 5 juillet ? C’est mémorable !", s'exclame en fin d’après-midi Kailua Monod, la présidente de l’Association tahitienne des transplantés et insuffisants rénaux (ATTIR) qui réclame un tel aménagement législatif depuis 10 ans, pour ses vertus morales et économiques.

L’Assemblée de la Polynésie française a adopté une délibération "relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain" visant à développer l’activité de greffe rénale à Tahiti. Le texte fixe les principes généraux du don d’organe et les règles de sécurité sanitaire dorénavant applicables en la matière sur le territoire.

Techniquement les compétences et les équipements sont en place à l'hôpital de Taaone. Reste à sensibiliser la population polynésienne sur le don d'organe. Une campagne d'information est envisagée dès septembre prochain.

Vendredi, la délibération a été votée à l’unanimité sur fond de nécessité sanitaire, par une majorité autonomiste consciente du problème et une opposition UPLD initiatrice de l'évolution juridique, en avril 2012.

La Polynésie française compte, en valeurs relatives, pratiquement deux fois plus de malades dialysés que le reste du territoire national et jusqu’à présent les malades souffrant d’insuffisance rénale chronique terminale devait patienter en moyenne deux ans, en métropole ou parfois en Nouvelle-Zélande (certain ont même tenté l'expérience chinoise, coûteuse et aléatoire), pour avoir la chance de pouvoir bénéficier d’une greffe d’organe. Ils sont 58 greffés du rein sur le territoire. Ils partagent tous le mauvais souvenir d’avoir dû s’exiler longtemps aux antipodes pour enfin retrouver une vie sociale presque normale.

Parallèlement, le nombre de malades polynésiens fréquentant le service néphrologique du Centre hospitalier de Taaone augmente de 7% par an en moyenne depuis 2008. Et les estimations statistiques évaluent à l’horizon 2020 entre 400 et 500 le nombre de personnes souffrant d’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT). Fin 2012, ils étaient 353 malades immobilisés chaque semaine pour plusieurs heures au service d’hémodialyse, pour un obligatoire filtrage complet de leur sang. La moitié d'entre eux est potentiellement en demande d'organe.

"Cette délibération fait suite à une situation assez catastrophique de nos malades", s'est indignée en séance Béatrice Chansin. "Trois cents à quatre cents dialysés, c’est autant de personnes qui ne vivent pas normalement", a souligné la ministre de la Santé, évoquant les rigueurs de la dialyse et l’incompatibilité de ce traitement avec une vie sociale et professionnelle normale.

La Caisse de prévoyance sociale a beaucoup encouragé cet aménagement législatif : il représente une réelle niche d'économies, lorsque l’hémodialyse représente un coût annuel d’environ 10,5 millions par patient, c'est-à-dire le coût d’une greffe, selon une étude de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Le Pays doit signer prochainement une convention avec l'Agence de la biomédecine afin d'ouvrir le registre national automatisé des refus de prélèvement et d'attente d'organe, aux ressortissants de Polynésie française.

Kailua Monod a reçu un rein compatible il y a 13 ans, après 6 mois d'attente à Paris : "C'était à la Pâques 2000. Ce soir-là, il y a eu 245 morts sur les routes en France", se souvient-elle. "Ils ont fait presque autant d'heureux : c'est triste à dire mais leur décès a permis à des dizaines de personnes de mieux vivre.".

Techniquement, le plateau de Taaone pourrait effectuer une greffe de rein par mois s'il dispose d'organes compatibles. Pour des centaines de malades polynésiens souffrant d'IRCT, l'espoir est dorénavant permis.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 5 Juillet 2013 à 17:20 | Lu 1987 fois